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En juillet 1941, alors
qu’Alan Lomax, préparant une tournée de collecte dans le Delta pour
le compte de la Bibliothèque du Congrès, se démène pour installer un
enregistreur portable de 130 kilos dans le coffre de sa
voiture, le reste du monde se débat avec des problèmes d’un autre
ordre.
Franklin Delano Roosevelt commence un troisième
mandat et prononce son fameux discours sur les " Quatre
Libertés " [discours sur l’état de l’Union,
6/1/1941].
L’Allemagne déclare la guerre à l’URSS. En décembre
de la même année le haut commandement japonais ordonnera l’attaque
de Pearl-Harbour qui amènera l’entrée en guerre des États-Unis et
l’embrasement presque général de la Planète. |
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A cette époque, le monde musical célèbre surtout le Jazz,
le Jazz et encore le Jazz.
Les critiques de Downbeat distinguent Benny Goodman et
Glenn Miller, Art Tatum est en tête d’affiche au café Society de New York,
et le Hut-Sut Song, dont Time Magazine voit l’origine chez
" un aveugle noir du Missouri qui le chantait à l’arrivée des
bateaux vers 1914 ", grimpe dans les charts.
Le jeune prodige Lorin Maazel fait ses débuts à la tête
de l’orchestre symphonique de la NBC.
Les Andrew Sisters ont déjà vendu 8 millions de disques
pour Decca ; la mort vient prendre le légendaire pianiste Jan
Paderewski dans sa 80ème année alors que le superbe
saxophoniste Chu Berry la trouve dans un accident de la route, risque
courant chez les musiciens itinérants.
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Quels blues en 1941 ?
Hormis les morceaux de Muddy enregistrés par Alan Lomax comme ceux de Son House quelque temps après, voici quelques titres produits cette même année:
Memphis Minnie : Me & My Chauffeur
Rosetta Tharpe : Trouble In Mind
Big Bill Broonzy : I Feel So Good
Memphis Slim : Whiskey and Gin Blues
Champion Jack Dupree : That's All Right
Brownie Mc Ghee : Death of Blind Boy Fuller |
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Pendant que se déroulent ces événements, le Delta du
Mississippi fume doucement sous le soleil de cette fin d’été.
Un jeune noir du nom de McKinley Morganfield travaille à
la plantation Stovall. Conducteur de tracteur le jour, il joue de la
guitare avec un petit groupe à cordes, attendant patiemment la chance dont
il sait qu’elle va venir.
Et Alan Lomax, en grimaçant, arrive à hisser le peu
maniable enregistreur dans son coffre, se met au volant et part en
direction du Sud. |
La Bibliothèque du Congrès avait commencé dès 1933
la collecte méthodique, par des enregistrements sur le terrain, des
formes traditionnelles de la musique américaine.
Des folkloristes et des collectionneurs comme
l’équipe père-et-fils de John et Alan Lomax, John Work, Zora Neale
Huirston, Harold Courlander ou Elisabeth Barnicle explorèrent la
campagne et la musique américaine bénéficia amplement de leurs
incursions dans le Sud. |
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Ils installèrent et démontèrent des centaines de fois
leur équipement en Alabama, en Floride, en Louisiane, au Mississippi et au
Texas, dans les marchés au bord des routes, sous les porches des églises,
dans les camps de travail rattachés aux prisons et aux pénitenciers. Une
des plus belles découvertes des Lomax fut d’ailleurs le détenu Huddie
"Leadbelly " Leadbetter qu’ils enregistrèrent alors qu’il purgeait
une peine pour meurtre au pénitencier d‘Angola.
Ignorant les grandes routes, ils battaient la campagne,
empruntant les chemins détournés et visitant les bouges, accumulant les
découvertes de valeur tout au long de leur route, pour documenter la
musique populaire américaine plus complètement que jamais, en un effort
jamais renouvelé depuis.
Alan Lomax se souvient : " A cette époque je
mettais en forme la première publication de musique populaire par la
Bibliothèque du Congrès. Ceci représentait le travail de mon père et de
moi-même, une enquête sur tout le territoire à la fin des années trente.
Pour la première fois un gouvernement allait publier officiellement les
enregistrements in-situ de ses musiciens et chanteurs populaires.
L’ensemble comprenait aussi bien des musiques cajuns, mexicaines,
amérindiennes, appalachiennes que des chants de marin, - en fait :
tout. C’était pour la première fois le portrait en vraie grandeur de la
musique de tout un peuple, chose qui n’avait jamais été faite à cette
échelle. Véritablement, une étape décisive. "
Les enregistrements de Muddy Waters qu’on peut entendre
sur cet album proviennent d’une campagne de collecte co-produite par la
Bibliothèque du Congrès et l’Université Fisk, représentée par John Work.
On entend d’ailleurs ce dernier mener certains des entretiens.
Les chansons enregistrées lors des campagnes des étés
1941 et 1942 ne furent pas toutes publiées à l’époque comme Alan Lomax
nous l’indique : " J’étais responsable d’une série de cinq albums.
Mon opinion sur Muddy était si bonne que j’ai sélectionné deux de ces
chansons. Je crois bien que c’était le seul dans ce cas - en fait je
n’arrivais pas à décider lequel de ces deux blues était le meilleur, alors
nous avons mis les deux. " |
Muddy Waters est né McKinley Morganfield à Rolling Fork,
Mississippi, le 4 avril 1915. Ses parents, Ollie Morganfield et Berta
Jones, étaient de pauvres métayers qui devaient élever douze enfants.
Muddy fut envoyé vivre chez sa grand-mère maternelle, Della Jones, alors
qu’il n’était qu’un tout petit bébé. Il avait trois ans quand sa mère
mourut et sa grand-mère l’emmena vers le nord, pour vivre à la plantation
Stovall.
Il grandit là, dans le plat pays du coton ; il reçut une
instruction très rudimentaire, en partie parce qu’il était noir et pauvre
et en partie en raison des besoins saisonniers en main d’œuvre pour la
culture du coton." Je suis allé un peu à l’école, disons les deux
ou trois premières années " raconte-t-il à l’écrivain Robert
Palmer "et ce que j’y apprenais, je n’en faisais pas grand
chose. "
Il travailla comme métayer dans la plantation appartenant
à la famille d’Howard Stovall, débutant comme ouvrier dans les champs, il
se vit assigner d’autres taches, jusqu’à être conducteur de camion ou de
tracteur.
Muddy parle au chroniqueur Jim Rooney de ce passé :
" Je cueillais le coton, je castrais le maïs, je trayais les
vaches, ha ha, je conduisais des tracteurs, tout le bazar ; ben oui
j’étais un fermier. Il ne se passait pas grand chose dans les années
trente dans ce pays – il ne se passait même RIEN si vous voulez savoir –
mais j’étais là, c’est comme ça que je vivais. Savoir
pourquoi..." |
Muddy avait participé à des groupes musicaux depuis
sa plus tendre enfance et appris la guitare adolescent. Il citait
Son House comme sa première influence musicale, dans cette interview
parue dans Downbeat en 1969 :" Un soir nous sommes
allés à une de ces fêtes du samedi où on mange du poisson grillé et
Son House jouait là. Quand je l’ai entendu j’en aurais brisé mon
bottleneck... Il est resté dans cet endroit [Clarksdale] pendant 4
semaines de rang et j’étais là tous les soirs. On ne pouvait pas me
faire bouger de mon coin. J’étais là à l’écouter, [à regarder] ce
qu’il faisait... C’est Son House qui m’a poussé à jouer, j’étais
derrière lui tout le temps." |
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"La première guitare que j’ai eue m’a coûté deux
dollars et cinquante cents. J’ai économisé la petite monnaie jusqu’à ce
que j’aie ces deux dollars et cinquante cents et je l’ai achetée à un
jeune gars nommé Ed Moore... La première fois que j’ai joué avec dans une
boite je me suis fait cinquante cents et le gars qui tenait l’endroit m’a
filé jusqu’à deux dollars cinquante la nuit et j’ai su que j’étais dans le
coup. Après j’en ai eu une de chez Sears Roebuck qui coûtait onze dollars.
J’avais un bel étui avec... "
Alan Lomax se rappelle : " Muddy était
vraiment un pauvre paysan noir quand je l’ai rencontré. De fait, il est
arrivé à la première séance sans chaussures, aussi ai-je enlevé les
miennes. Il n’avait pas de guitare à ce moment, en tout cas il n’en
avait pas apporté, alors il a utilisé ma Martin pour les enregistrements.
Il appréciait vraiment de jouer dessus. Nous étions tous impressionnés par
lui ; je veux dire que nous n’avions aucun doute sur le fait que
c’était un chanteur de blues avec beaucoup de sentiment, une tenue et une
maîtrise et quelque chose de très profond et de très spécial à dire. J’en
ai parlé à Son House et Son m’a dit grand bien de Muddy. Bien sur, je
connais l’œuvre de Robert Johnson, j’ai étudié tous ses enregistrements
commerciaux, mais, clairement, Muddy est une figure majeure du Blues, qui
a amené le Blues à un autre niveau : le meilleur du Blues mais aussi
une influence majeure sur les meilleurs musiques populaires. "
[Muddy aussi se souvient] " Alan Lomax m’a découvert.
Il était un jeune homme alors. Il est a bien réussi depuis ! En fait, celui qu’il cherchait c’était Robert Johnson, mais Robert avait été tué. Alors quelqu’un m’a
signalé à lui et il est venu et il m’a trouvé. Et il m’a enregistré juste
devant ma maison avec mon petit groupe. Il y avait une mandoline et un
violon. C’était un sacré groupe. J’étais le plus jeune du lot mais je
savais chanter, vous savez ! J’étais encore un gamin et tous les
autres étaient plus âgés. "
- La mémoire de Muddy lui fait défaut ici : il
n’était plus un "gamin " quand Lomax et Work l’ont enregistré
en 1941 car il était né en 1915. On entend d’ailleurs Muddy dans un des
entretiens dire qu’il est employé à la plantation Stovall depuis 17
ans (c’est à dire depuis ses 9 ans) ; en fait, il avait
vingt-six ans lors de la première séance d’enregistrement en 1941,
vingt-sept quand Alan Lomax a fait son second voyage dans le Delta pour
enregistrer le reste des pistes. L’année suivante, à l’âge de vingt-huit
ans, Muddy partit pour Chicago. |
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Des années plus tard Muddy parle au chercheur Paul
Oliver de ses réactions lors de la première écoute des
enregistrements de la Bibliothèque du Congrès :
" Je me suis vraiment entendu pour la
première fois. Je n’avais jamais entendu ma voix. J’avais l’habitude
de chanter comme je le sentais, parce que c’est comme ça qu’on a
toujours chanté dans le Mississippi. Mais quand Monsieur Lomax a
fait tourner le disque, j’ai pensé : pour sur, ce garçon sait
chanter le Blues… Et j’ai été surpris car je ne savais pas que
je chantais comme ça. " |
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Alan Lomax confirme : " Je pense que cela
l’a fait sentir plus sur de lui, ce qui fait que, plus tard, quand il est
arrivé à Chicago, il ne doutait pas d’être aussi bon que les autres
alentour."
Mais en 1941, bien qu’il porte le surnom de Muddy Waters
depuis son enfance, il n’avait pas encore assez confiance en lui pour se
présenter sous ce nom, surtout pour quelque chose d’aussi important que ce
premier enregistrement. Le 78t de la Bibliothèque est donc crédité à
McKinley Morganfield. |
Les entretiens intercalés lors des séances
d’enregistrement sur le terrain étaient une pratique courante à cette
époque, une façon de documenter un peu plus le chanteur et les morceaux
enregistrés. Si quelques-unes des questions posées par Alan Lomax et John
Work nous paraissent un peu ineptes aujourd’hui, il est important de se
rappeler qu’en 1941 on ne connaissait pratiquement rien du Blues du Delta
et de ses interprètes. Aucun livre n’avait encore été écrit sur le sujet,
aucun magazine ne publiait des articles de fond
[ndlr : il n'y avait même pas de Gazette de Greenwood !-].
En fait, ces entretiens étaient précisément la seule source de connaissance, sur
laquelle d’ailleurs bien des recherches seront basées plus tard. Partant
de ce constat, Lomax pose parfois des questions très simples (et dont il
connaît déjà les réponses) mais ceci est une façon d’obtenir plus de
détails, un moyen de faire raconter par les musiciens leur propre histoire
avec leurs propres mots. |
Avertissement :
La faible qualité technique de ces enregistrements, la
dégradation du support et les coupures effectuées lors de leur réédition
n'ont pas permis de les transcrire intégralement. Certains passages
indistincts ont donc été omis, et quelques segments très endommagés ont
fait l'objet d'une reconstitution aussi vraisemblable que possible en
fonction du contexte.
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Country Blues
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by McKinley Morganfield a.k.a. Muddy
Waters recording of August 24-31, 1941, Stovall Plantation,
Mississippi from The Complete Plantation Recordings (Chess/MCA
CHD-9344)
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I get later on in the evenin' time, I feel like, like blowin' my horn
I woke up this mo'nin, find my, my little baby gone, hmm
Later on in the evenin', main man, I feel like, like blowin' my horn
Well I, woke up this mo'nin' baby, find my little baby gone
A well now, some folks say they worry, worry blues ain't bad
That's a misery feelin' child, I most, most ever had
Some folks tell me, man I did worry, the blues ain't bad
Well that's a misery ole feelin', honey now, well gal, I most ever had
Well, brooks run into the ocean, ocean run in, into the sea
If I don't find my baby somebody gonna, gonna bury me, um-hm
Brook run into the ocean, child, ocean run into the sea
Well, if I don't find my baby now, well gal, you gonna have to bury me
Yes, minutes seem like hours an hours seem like days
Seems like my baby would stop her, her lowdown ways, hey
Minutes seem like hours child, an hours seem like days
Yes, seem like my woman now, well gal, she might stop her lowdown ways
Well now I'm, I'm leavin' this mo'nin' if I had-a, whoa ride the blind
I feel mistreated girl you know now, I don't mind dyin'
Leavin' this mo'nin, tell ya I had-a now ride the blind
Yeah, been mistreated baby now, baby an I don't mind dyin'
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Interview #1 ( suivant Country Blues
)
- Pourriez-vous me dire, Muddy Waters, si vous vous en souvenez,
à quel moment vous avez écrit ce blues ?
- J'ai écrit ce blues en 38
- Quelle époque de l'année ?
- C'était vers le 8 octobre, en 1938.
- Vous vous rappelez où vous étiez lorsque vous avez créé cette
chanson ? Je veux dire, à quel endroit vous vous trouviez et à
quoi vous pensiez ?
- Je réparais un pneu ! Je venais d'avoir des ennuis à cause
d'une fille, tout ça m'est venu à l'esprit et j'ai commencé à
chanter.
- Dites m'en davantage, si ce n'est pas trop personnel.
J'aimerais connaître les faits, comment vous les ressentiez et
pourquoi vous les avez ressentis ainsi, c'est une chanson
remarquable...
- Oh, j'avais la déprime, c'est tout, la chanson m'est venue à
l'esprit immédiatement, telle quelle, j'ai commencé à chanter et
j'ai continué...
- Et vous savez si cette mélodie... est aussi la mélodie d'un
autre blues que vous connaissez ?
- Oh, oui, il y a quelques blues qu'on joue comme celui-là..
- Vous connaissez un autre blues sur cette même
mélodie ?
- Eh bien, cette chanson vient des champs de coton, mais le gars
qui l'a sortie sur disque c'était Robert Johnson. Il l'a sortie sous
le titre de Walking Blues.
- Quel titre ?
- Walking Blues, c'est comme ça qu'il l'a appelée.
- Mais vous connaissiez cet air avant de l'entendre sur
disque ?
- Oui, Monsieur ! Je le connaissais avant de l'entendre sur
disque...
- Comment l'avez-vous appris ?
- C'est Son House qui me l'a appris.
- Son House ? Qui est-ce ?
- C'est un gars qui joue de la guitare depuis... oh, je ne sais
pas quel âge !
- Et quel âge a Son House à présent ?
- Je pourrais être son fils, il doit avoir une bonne
quarantaine...
- Johnson lui-même, vous l'avez connu ?
- Robert Johnson, non. Je ne l'ai pas connu
personnellement.
- Est-ce que House joue mieux que Johnson, à votre
avis ?
- Je pense qu'ils se valent tous les deux.
- Et, euh... comment vous est venue l'idée de jouer de la
guitare, pourquoi avez-vous décidé de...
- J'adorais cette musique, j'ai vu Son Sims jouer... je me suis
dit que je voulais faire ça, et j'ai suivi son exemple.
- Et combien de temps avez-vous travaillé ? Combien d'heures
par jour, quand vous avez commencé l'instrument ?
- Une heure et demie à deux heures par jour.
- Tous les jours ?
- Tous les jours...
- Vous vous rappelez le premier morceau que vous avez essayé
d'apprendre ?
- Le tout premier, c'était How Long Blues, Leroy Carr.
- Vous l'avez appris par le disque, ou en regardant
jouer ?
- Par le disque.
- Comment avez-vous fait, comment avez-vous appris cette
chanson ?
- Oh, on l'entendait, on la trouvait sur disque, c'est Leroy Carr
qui l'avait sortie à l'époque...
- Vous vous installiez devant le phono pour jouer en même temps,
en essayant de...
- Non, j'avais la chanson dans l'oreille, et je me suis
débrouillé avec ça pour essayer de la jouer.
- Mais comment avez-vous appris à jouer avec cette
bouteille ?
- Ça, je l'ai pris à Son House.
- Comment appelez-vous ça ?
- C'est un goulot de bouteille, j'appele cela un "slide"
- Un slide ?
- Oui.
- Et vous le portez à l'auriculaire...
- Oui...
- Comment avez-vous adopté cet accord de guitare, comment
s'appelle-t-il ?
- Spanish
( Muddy égrène : Ré Sol Ré Sol Si
Ré )
- Vous connaissez d'autres manière d'accorder la
guitare ?
- Je connais l'accord standard.
- Et vous en avez un autre ?
- Oui.
- Coment l'appelez-vous ?
- Simplement Mi ouvert
- Mi ouvert.. vous avez autre chose pour Mi ouvert ?
- Une autre chanson ?
- Non, je veux dire un autre nom que Mi ouvert.
- On appelle ça "cross notes".
- Bien. Pourriez-vous jouer l'autre blues, celui que j'ai entendu
l'autre fois, rapide, mais dans la même tonalité.
- Oui.
- Je vous avertirai lorsque je serai
prêt. |
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I Be's Troubled
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by McKinley Morganfield a.k.a. Muddy
Waters recording of August 24-31, 1941, Stovall Plantation,
Mississippi from The Complete Plantation Recordings (Chess/MCA
CHD-9344)
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Well if I feel tomorrow, like I feel today
I'm gonna pack my suitcase, and make my getaway
Lord I'm troubled, I'm all worried in mind
And I'm never bein' satisfied, and I just can't keep from cryin'
Yeah, I know my little ol' baby, she gonna jump and shout
That ol' train be late girl, and I come walkin' out
Lord I'm troubled, I'm all worried in mind
Yeah and I'm never bein' satisfied, and I just can't keep from cryin'
Yeah, I know somebody, who' been talkin' to you
I don't need no telling, girl, I can watch the way you do
And I be troubled, I be all worried in mind
Yeah and I'm never bein' satisfied, and I just can't keep from cryin'
Yeah, now goodbye baby Got no more to say
Just like I been tellin' you, girl, you're gonna have to leave my way
Lord I'm troubled, I'm all worried in mind
Yeah and I'm never bein' satisfied, and I just can't keep from cryin'
Yeah my baby she quit me, seem like mama was dead
I got real worried gal, and she drove it to my head
I be's troubled, I be all worried in mind
Yeah and I'm never bein' satisfied, and I just can't keep from cryin'
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Interview #2 ( suivant I Be's Troubled
)
- Comment avez-vous composé ce morceau ? Quand l'avez-vous
entendu pour la première fois ?
- Celui-là, je l'ai écrit tout seul. Cette chanson, c'est moi qui
l'ai faite.
- Comment est-ce arrivé ? Racontez-moi...
- Oh, j'étais sur la route quand j'ai entendu un petit chant
d'église, un truc en mineur, ma petite chanson est venue de là, ça a
été le point de départ...
- Et ça vous arrive souvent, de composer des couplets ou autres
comme ça, sans y réfléchir ?
- Oh oui, j'écris des couplets.
- Et comment est-ce que vous trouvez la musique, le mélodie qui
convient ?
- Quand mes paroles sont au point, je prends la guitare et
j'essaie deux ou trois airs différents pour voir celui qui colle le
mieux, ce qu'il vaut mieux jouer sur la chanson...
- On entend beaucoup de vieux blues dans la région ?
- Oui, Monsieur ! Pas tellement ici même, mais...
- Et les gens aiment ça ?
- Ici, ils adorent !
- Vous préférez cela à toute autre forme de chant ?
- Oui, Monsieur.
- Combien de blues placez-vous dans votre répertoire de
danse ?
- Vous voulez dire, combien j'ai écrit de titres pour
danser ?
- Non, combien de blues jouez-vous à côté des autres chants
destinés à la danse ?
- ( la moitié ? inaudible, syllabes coupées
)
- Vous aimez les jouer plus que toute autre musique, mais quels
autres styles aimez-vous jouer ?
- Moi, j'aime jouer le blues...
- Combien de chansons connaissez-vous en dehors du
blues ?
- Vous voulez dire, que je joue moi ?
- Oui, quoi d'autre à part le blues ?
- On joue des chansons sentimentales...
- Et le breakdown ?
- Ah oui, on joue le breakdown... |
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Burr Clover Farm Blues
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by McKinley Morganfield a.k.a. Muddy
Waters recording of August 24-31, 1941, Stovall Plantation,
Mississippi from The Complete Plantation Recordings (Chess/MCA
CHD-9344)
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Well now, I told my man, way up in Dundee
Lord, I told my man, way up in Dundee
Well now, you go down to Mr. Howard Stovall's place, he got all the Burr Clover you need
Well now, the reason I love, that old Burr Clover Farm, so well
Yeah now .the reason I love, that old Burr Clover Farm, so well
Well now, we always have money and we never raise no hell
Well now I'm leavin' this mo'nin', sho do hate to go, yeah babe
Lord, I'm leavin' this mo'nin' , an I sho' do hate to go
Well now, I've got to leave that Burr Clover Farm, I ain't comin' back here no mo'
Now goodbye ev'rybody, an I may not come back down
I said goodbye ev'rybody, an I may not come back down
Well now I gotta leave that Burr Clover Farm, my baby don't want me around
Well so long, so long, you gonna need my help, I say
So long, so long, you gonna need my help, I say
Well now I'm gonna sell ya some Burr Clover honey, just before I go away
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Interview #3 ( suivant Burr Clover Farm
Blues )
( Présentation de Son Simms, originaire de Clarksdale, et de
Muddy Waters )
- Je mappelle McKinley Morganfield, et mon surnom c'est Muddy
Waters, le célèbre guitariste de Stovall.
- Qui a composé Burr Clover Blues ?
- Muddy Waters !
- Vous l'avez écrit seul ?
- Tout seul, enfin avec Son Simms.
- Comment arrivez-vous à... aligner les couplets, à les
enchaîner ?
- Eh bien on part sur un couplet, l'autre travaille le suivant,
et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on ait toute la chanson
entière...
- C'est cette ferme qui s'appelle Burr Clover, ou... d'où vient
ce nom ?
- En fait, c'est nous qui l'avons appelée Burr Clover Farm... Mr
Stovall, il a semé la luzerne que vous voyez là-bas, c'est pour ça
qu'on l'a appelée la ferme de la luzerne ! Comme ce
blues...
- Depuis combien de temps habitez-vous ici ?
- 17 ans
- Vous travaillez toujours au même endroit ?
- Toujours.
- Mr Stovall, c'est le propriétaire de la ferme ?
- Oui... |
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Interview #4 ( suivant Burr Clover Blues )
- J'ai composé ça ici même, à Stovall, en 40.
- ( question inaudible )
- Oui, en fait c'est le patron qui est l'auteur ! Mr Howard
Stovall, il cultive de la luzerne dans cette ferme, c'est à cause de
lui qu'on a enregistré, je veux dire écrit une chanson à ce sujet...
Parce qu'il fait de la luzerne, vous voyez, là-bas... ? Bon
rendement pour le fourrage, vous
saisissez ? |
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Les fans de longue date de Muddy reconnaîtront ces
chansons comme des versions ‘primitives’ de celles qu’il enregistrera plus
tard pour Chess ou Columbia.
Country Blues fut enregistré à l’origine sous le
titre Walking Blues par Son House (et plus tard par Robert
Johnson) ; Muddy, qui l’avait appris de Son House en personne,
l’enregistrera plus tard chez Aristocrat avec des paroles assez
différentes sous le titre Feel Like Goin’Home.
De même, la chanson appelée ici I’Be’s Troubled se
retrouvera en face B du même 78t Aristocrat sous le titre I Can’t Be
Satisfied.
Quelques décennies après ces enregistrements historiques,
lors d’un atelier Blues au Newport Folk Festival de 1968, Muddy dit à
l’assistance :" Je me prépare pour vous jouer quelques
morceaux parce que le vieux bonhomme n’est pas là ; il n’est jamais venu
ici encore, Son House, et il était l’idole de ma jeunesse, c’est ça Son
House. Alors je vais essayer de vous en faire un comme le vieux ferait
s’il était là, mais ça fait si longtemps que je ne l’ai pas joué, enfin je
vais essayer... " avant de se lancer dans une version à couper le
souffle du Walking Blues de Son House. A la fin de la chanson il
sourit et demanda : " Est-ce que je me rapproche un peu du
vieil homme, là ? "
L’écrivain et universitaire anglais John Cowley indique
les ressemblances et les différences entre l’enregistrement de Walking
Blues par Son House et son adaptation par Muddy en Country
Blues dans un essai intitulé " Really the Walking Blues :
Son House, Muddy Waters, Robert Johnson and the Development of a
Traditional Blues " Alors que beaucoup voient la musique de
Muddy comme une extension de celle de Robert Johnson, Cowley fait
justement remarquer que Johnson et Waters furent également influencés par
Son House mais à des époques différentes.
Mais ne vous abimez pas les oreilles à essayer de
découvrir ici les racines du futur blues chicagoan de Muddy. Il ne s’agit
pas de cela. Bien avant qu’il ait même rêvé de Chicago, avant qu’il ait
seulement l’électricité dans sa maison et quelque chose à brancher dessus,
il faisait là le blues élémentaire et profond, la musique dansante des
juke-joints de sa campagne natale, le Delta du Mississippi.
Dans ces enregistrements essentiels, fait avec cette
encombrante machine sous le porche d’une humble maison, dans la chaleur
des après-midi du Sud, le jeune Muddy Waters faisait les premiers pas vers
le développement de cette musique qui allait changer le cours du Blues, du
Rock’n’Roll et d’autres musiques encore pour des décennies.
Mary Katherine Aldin, 1991. |
[Mary Katherine Aldin est chroniqueuse musicale à
la radio et dans des publications spécialisées. On lui doit un
chapitre important sur le Blues moderne dans Nothing But the
Blues publié par Lawrence Cohn. Elle a participé à certain
nombre de compilations, particulièrement les rééditions Muddy Waters
chez Chess.] |
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