la Gazette de Greenwood

présente



SOMEBODY HOODOOED
THE HOODOO MAN



Voilà ce qu'écrivait la Gazette de Greenwood en mars 2000 (n°17), en publiant la première partie de cet article qui fut complété dans les numéros d'avril (n°18) et mai (n°19):

A plusieurs reprises sur la liste de diffusion LGDG, nous nous sommes interrogés sur le sens réel de certains mots ou expressions fréquemment utilisés par les bluesmen. A la suite de l'article "Les Pratiques Magiques Dans Le Blues" paru dans les Soulbag n°156 et 157, nous somme rentrés en contact avec son auteur Jean-Paul Levet qui a bien voulu nous apporter ici les réponses sous forme de glossaire alphabétique des énigmatiques termes du blues. Cet article est tiré du livre "Talkin' That Talk" (dont le sujet est le langage du blues et du jazz) sur lequel Jean-Paul Levet travaille à nouveau afin de le compléter.

C'est donc avec fiereté que La Gazette De Greenwood publie ici ce glossaire. Laissons le dernier mot à Jean-Paul Levet qui nous a écrit dans un e-mail: "Longue vie a la Gazette de Bois Vert, Halte aux volees du même nom!"

Depuis le 25 mars 2003, nous avons la chance de trouver en librairie la réédition mise à jour de Talkin' That Talk, livre indispensable à qui veut un peu mieux comprendre le blues!
C'est donc avec plaisir que nous republions ici la compilation de trois articles parus en 2000 dans la Gazette de Greenwood, où Jean-Paul Levet nous dévoile l'explication de 38 mots! Dans la réédition de Talkin' That Talk, pas moins de 3000 mots ou expressions sont recensés... On vous aura prévenu: ce livre est indispensable!

Présentation officielle de Talkin' That Talk:

Jean-Paul Levet
Talkin' That Talk. Le Langage du blues et du jazz.
Editions Kargo www.k-a-r-g-o.com
608 pages. 23 euros.

Les activités de langage sont centrales dans la culture populaire noire : vannes, chants, bouts rimés, toasts et rapping sont autant d¹activités grâce auxquelles l¹individu se voit reconnaître et acquiert un statut.
L¹objet de Talkin¹ That Talk, dictionnaire encyclopédique et anthologique, n¹est pas de cerner l¹ensemble des contours de ce particularisme langagier, mais son plan lexical : ce dictionnaire couvre ainsi plus de 3 000 termes ou expressions relevant de l¹argot bien sûr, mais aussi du jargon spécifique aux musiciens, aux différentes techniques et pratiques instrumentales, aux conditions et lieux de production de la musique. Il recense également métaphores récurrentes, surnoms, noms de lieux, faits historiques, institutions, marques commerciales, nombres et personnages...
Rejetés en tant que Noirs, en marge comme tout musiciens, blues singers, jazzmen et rappeurs parlent leur singularité. C¹est cette singularité que traque Talkin¹ That Talk : son champ d¹investigation est précisément délimité, qui se propose d¹inventorier leur vocabulaire, tel qu¹il se révèle dans des productions orales attestées. Cette édition considérablement enrichie de Talkin¹That Talk (dont la précédente version, chez Hatier, fut publiée en 1992) prolonge l¹examen lexical du blues et du jazz en y incluant les significations musicales plus récentes du vocabulaire négro-américain, à savoir celles du hip-hop.





SOMEBODY HOODOOED
THE HOODOO MAN





Date: Lundi 14 Février 2000
De: Jean-Paul Levet <jplevet@afpa-inmf.com>

Quelques termes pour s'y retrouver dans les pratiques magiques afro-américaines

Lord, I wonder what's the matter this time, it seems like everything has changed
It seems like this woman that I've been lovin' have found some other man
I hold up my hand, I'm just trying to get my baby to understand
See, my baby don't love me no more,
all because somebody hoodoo'd the hoodoo man

Hoodoo Hoodoo, Sonny Boy Williamson I (1946)


1. HOODOO

Terme probablement d'origine africaine
Ensemble de croyances, coutumes et de pratiques magiques importées d'Afrique, mêlées à des éléments d'origine européenne, cubaines (influence de la santeria) et intégrant des savoirs faire indiens notamment en matière d'utilisation des plantes. Les survivances africaines (Yoruba, Fon…) apparaissent assez clairement dans certaines pratiques comme celles liées au carrefour (cf. crossroads) et aux traces de pas (cf hot foot powder). L'utilisation des plantes doit beaucoup aux croyances indiennes ; mais leur utilisation dans le hoodoo n'est que marginalement à visée médicinale : le hoodoo doctor est moins un guérisseur, un herboriste qu'un sorcier.
Il faut distinguer hoodoo de voodoo (vaudou) ; les 2 termes coexistent en Louisiane mais renvoient à des pratiques différentes, le terme voodoo étant peu employé dans les autres régions du Sud. Dans les endroits où les termes cohabitent, il apparaît que hoodoo est plus particulièrement utilisé par les Noirs en zone rurale et le terme voodoo par les Blancs ou les Noirs urbanisés.
Le hoodoo met l'accent sur les pratiques magiques, sur les dons et pouvoirs individuels ; il n'entretient que peu de liens directs avec une religion. Du panthéon africain des dieux, seul Legba apparaît dans le hoodoo : c'est le black man, le dark man, en d'autres termes le devil (voir ce terme), que l'on peut croiser au carrefour (crossroads)
Synonymes : conjuration, witchcraft (2 termes anglais standards signifiant respectivement évoquation des démons, incantation et sorcellerie/magie noire) et rootwork, mot mettant en relief l'importance centrale des racines.
Les termes hoodoo man/woman, root doctor, root worker, conjure, conjurer, cunjure ou conjure man/woman ; quant au terme two-headed doctor, il est plus spécifiquement employé en Floride.

Robert Johnson dans Stones In My Passway décrit un ensemble de phénomènes typiques des pratiques hoodoo : allusions à sa trace (cf hot foot powder), route obstruée (block), encombrée de pierres (cf crossing), manifestations physiques décrites (perte d'appétit, douleurs), sentiment que son chemin est devenu noir, qu'on veut attenter à sa vie et l'éloigner de son amour ; cet ensemble de manifestations l'amène à la chute inéluctable : il est victime d'un mauvais sort, il doit s'en aller :

I got stones in my passway
And my road seem dark as night
I have pains in my heart
They have taken my appetite

(…)
Now you trying to take my life
And all my loving too
You laid a passway for me
Now what are you trying to do

(…)
I got three legs to truck on
Boys please don't block my road
I been feeling ashamed about my rider
Babe, I'm booked and I got to go

Stones In My Passway, Robert Johnson (1937)


2. BARRED

Litt : barré, empêché. Sous l'influence d'un mauvais sort, ensorcelé :

I wrote you a letter mama,
Put it in your front yard
I would love to come to see me
But your good man got me barred

Writin' Paper Blues, Blind Willie McTell (1927)


3. BLACK CAT

Le black cat, le chat noir, est, comme dans les systèmes de croyance européens, un mauvais présage ; s'il croise la route de quelqu'un, celui-ci, pour éviter le mauvais œil qui lui est ainsi promis, n'a plus qu'à faire demi-tour et à rentrer chez lui :

I don't know why
But I sure don't get no mail
It must be one o' them old walkin' black cats
Been walkin', walkin' all over my trail.

Black Cat Trail, Carolina Slim (1952)


Mais dans le monde du jeu, de la loterie (cf policy, numbers) et des activités illicites, le chat noir est plutôt présage de bonne fortune.

Black cat bone : tous les root doctors interviewés par Zora Neale Hurston ou Harry Middleton Hyatt qui étudièrent les traditions hoodoo dans les années 30, précisent que le chat noir possède un os qui possède le pouvoir de rendre son utilisateur invisible ou de rendre un amour perdu dans la mesure où le chat est ébouillanté vivant à minuit. L'identification de l'os donne lieu à diverses croyances. Une fois repéré, l'os est oint de Van Van Oil puis glissé dans une main mojo : il peut alors agir pour faire revenir un amour perdu

4. CONJURE LADY (MAN)

Dans le hoodoo, personne douée de pouvoirs occultes (voyance, capacités d'envoûtement ou de guérison...) :

I've got to see the conjure man soon
Because these gin-house blues is campin' round my door
I want him to drive 'em off
So they won't come back no more

The Ginhouse Blues, Bessie Smith (1926)


Parmi les plus célèbres, Sanité Dédé (fin du XVIIIè), Marie Laveau (1794-?), la plus célèbre des figures du vaudou, qui la supplanta vers 1820 et disait tenir ses pouvoirs du serpent (d'où
son surnom de `Snake Marie', sa fille `Tite Marie' Laveau, toutes trois de La Nouvelle-Orléans, Ida Carter et, plus près de nous puisque décédée en 1944, Aunt Caroline Dye :

Well I'm going to Newport
To see aunt Caroline Dyer
She's a fortune-teller
Oh Lord, she sure don't tell no lie

Hoodoo Woman, Johnny Temple (1937)


5. CROSSING

Pratique magique basée sur le fait de mettre en travers du chemin de la personne visée de la poussière, des herbes, des aiguilles ou autres, le "mal" entrant par le pied au moment où celle-ci franchit la marque.
Par extension, synonyme de jinx

6. CROSSROADS

Le carrefour, lieu où des chemins se croisent, fait l'objet de croyances diverses un peu partout dans le monde. Dans le hoodoo, le crossroads est un lieu où l'on pose ou enterre des préparations variées selon les effets recherchés ; mais c'est aussi le lieu par excellence où l'on peut acquérir un pouvoir , un savoir ou une technique (jeu de cartes, instrument de musique, art de la danse ou de la prise de parole…).
Dans le rituel généralement décrit, celui qui désire acquérir un tel pouvoir doit attendre à un carrefour 3 ou 9 nuits particulières ; durant ces visites successives, il doit être témoin de l'apparition d'animaux (les plus fréquemment cités sont le poulet, le chien et le taureau, tous noirs) et lors de la dernière, c'est le "devil" (voir ce terme) qui va apparaître et, s'il ne s'enfuie pas de peur, il recevra le don désiré.

Dans son enregistrement "Cross Road Blues" de 1936, et bien qu'étant incontestablement initié (Hellhound on my Trail, Come On In My Kitchen et Little Queen Of Spades contiennent des références explicites respectivement à la Hot Foot Powder, au nation sack ou à la main mojo), Robert Johson fait bien plus référence aux aléas de l'auto stop qu'au rituel hoodoo. Le mythe selon lequel il aurait cédé son âme au diable pour devenir un maître de la guitare trouve probablement sa source dans ce rituel du crossroads, mais l'interprétation la plus communément avancée qui en fait un héros faustien, est largement ethnocentrique et jamais le devil, au sens où l'entend le hoodoo, ne se propose de faire griller pour l'éternité l'âme ainsi cédée (cf devil).

7. CURSE
Sortilège :

Says I believe, I believe, the good Lord has put a curse on me
I believe, I believe, the good Lord has put a curse on me
Because every woman that I got, some man takes away from me

Blue, Black And Evil, Leroy Erwin (1947)


8. DEVIL

Le devil, selon les informants, est indistinctement aussi appelé "big black man", "rider" ou "little old funny boy", c'est le descendant des dieux des carrefours, dont Legba. Il a peu à voir avec Méphistophelès et le mythe faustien du pacte avec Dieu ; il s'agit plutôt d'un mentor, d'un sage doublé d'un professeur enseignant une technique et la sagesse.

"If you want to learn how to make songs yourself, you take your guitar and you go to where the road crosses that way, where a crossroads is. Get there, be sure to get there just a little 'fore 12 that night so you know you'll be there. You have your guitar and be playing a piece there by yourself...A big black man will walk up there and take your guitar and he'll tune it. And then he'll play a piece and hand it back to you. That's the way I learned to play anything I want."
Interview de Ledell Johnson citée par David Evans in Tommy Johnson


Le rituel du crossroads est l'un des plus communément pratiqué dans le hoodoo comme le montre les très nombreux témoignages recueillis par Harry Middleton Hyatt entre 1935 et 1939 (Hoodoo - Conjuration - Witchcraft - Rootwork, Alma C. Hyatt Foundation, 1970-1978) :

"If you want to know how to play a banjo or a guitar or do magic tricks, you have to sell yourself to the devil. You have to go to the cemetery nine mornings and get some of the dirt and bring it back with you and put it in a little bottle, then go to some fork of the road and each morning sit there and try to play that guitar. Don't care what you see come there, don't get 'fraid and run away. Just stay there for nine mornings and on the ninth morning there will come some rider riding at lightning speed in the form of the devil. You stay there then still playing your guitar and when he has passed you can play any tune you want to play or do any magic trick you want to do because you have sold yourself to the devil. "
Interview recueillie à Ocean City, Maryland.


"You go out there [to the forks of a road] about four a'clock, jis' commence dawnin' day, jis' about crack of day -- an' start a-pickin' at de guitar. Yo' go jis' onest. An' they says de devil came out an' take it -- jis' somepin will pull it from you, you jis' give up to it. An' he'll tune up an' hand it back to you and you start to play . You can pick any song you want to pick."
Interview recueillie à Wilmington, North Carolina.


9. DOCTOR (Root Doctor, Goofer Doctor, Snake doctor, Two Headed / faced Doctor) :
sorcier, guérisseur, jeteur de sorts :

I'm a snake doctor man
Got my medicine, I say, in my bag
I mean to be a real snake doctor man
And you know I don't mean to be no quack
(...)
I know many of you men are wondering
What the snake doctor man got in his hand
He's got roots and herbs,
Steals a woman, man, everywhere he land

Snake Doctor Blues, Jaydee Short (1932)

10. DOUBLE EYED (ou HEADED, SIGHTED)

Qui a des dons de double-vue, voyant :

Double-Eyed Whammy, Freddy King (1966)

11. DREAM BOOK

Litt : `Livre des rêves'.

Ces opuscules, publiés par les organisateurs des loteries clandestines (cf numbers), sont destinés à guider les parieurs dans leurs choix en leur fournissant des listes de nombres
supposés entretenir d'étroites relations avec leur expérience, leur histoire et leurs rêves :

I'm gonna buy me a dream book
See what my dreamin' means
I dreamed I was mixin' sweet milk
With my baby's cream

Dream Book Blues, Tommy Griffin (1936)


Parmi les plus populaires, `Aunt Della's Dream Book', `Aunt Sally's Policy Players Dream Book', `The Gypsy Witch Book' et `The Three Witches Dream Book'.

12. DYE, Aunt Caroline

Une des conjure ladies dont le peuple du blues a conservé la mémoire :

I'm goin' to Newport News
Just to see Caroline Dyer
She's a fortune telling woman
Oh Lord, and she don't tell no lies

Aunt Caroline Dyer Blues, Memphis Jug Band (1930)


Quoique dise le Memphis Jug Band, elle était de Newport, Arkansas et non de Newport News

13. FIX

Mauvais sort. V. Jeter un sort, envouter :

I'm going In Louisiana
I'm gonna get me a mojo hand
I wanna fix my woman
So she can have no other man

Mojo Hand, Lightnin' Hopkins (1962)


D'où `fixer' sorcier, personne douée de pouvoirs surnaturels :

Oh, baby I'm the fixer
I am the fixer
I'm the fixer pretty baby
I got everything that you need

I'm The Fixer, Willie Mabon (1963)

14. GOOFER

Goofer dust : Mélange dont les ingrédents de base sont de la boue prise dans un cimetière, du sel et de la poudre de sulfure ; d'autres ingrédient, peuvent être adjoints (tête de serpent ou os broyés, poivre rouge ou blanc, peau de serpent, d'herbes en poudre…) utilisé dans le hoodoo pour jeter le mauvais œil sur un concurrent de n'importe quelle nature. Répandue devant la porte d'entrée elle protège du mauvais oeil; quand elle est brulée par un root doctor, elle permet de jeter un sort; saupoudrée sur l'oreiller, elle est censée provoquer la mort du dormeur...

Gettin' sick and tired of the way you do 'Time, mama, I'm gonna pizen you
Sprinkle goopher dust around your bed
Wake up some mornin', find your own self dead.

I don't know, Cripple Clarence Lofton (1939)


Pour se prémunir de la "poussière goofer", le port à la cheville d'un bracelet avec 9 Devil's shoestring et une dime en argent est recommandé, mais jeter du sel dans les coins de la maison, laver ou balayer le sol sont aussi utilisés pour éviter au mal de "d'empoisonner les jambes" (poison the legs).

The gypsy woman told my mother
Before I was born
`You got a boy child comin'
Goin' to be the son-of-a-gun
He gonna make pretty women
Jump and shout...

Hootchie Cootchie Man, Muddy Waters (ca 1952)
15. GYPSY

Tzigane, bohémienne; joue un grand rôle (divinatoire et/ou maléfique) dans de nombreux blues :

16. HAND

Hand, lucky hand, hoodoo hand, voodoo hand ou mojo hand : cf mojo hand

Dans cette acception, hand dérive peut-être de "Lucky hand root" (un ingrédient pour amulette à destination des joueurs, nom d'une racine d'orchidée assez rare ou de l'utilisation d'os de la main dans la fabrication des mojo.
Lord, I know many of you mens,
Wondering what the snake doctor got in his hand
He's got roots and herbs
Steals a woman, man, everywhere he land

Snake Doctor Blues, J.D. Short (1932)

One night I was layin' down
I feel so bad, so low, so low
Blues came along
Heal me heal me

The Healer, John Lee Hooker (1989)


17. HEAL

Guérir, cicatriser

Healer : Guérisseur, guérisseuse
Blues is the healer
All over the world
He heal me
He can heal you

The Healer, John Lee Hooker (1989)



18. HELL HOUND

Selon Samuel Charters, cette image fait probablement référence aux `chiens de l'enfer' promis aux pêcheurs coléreux par les églises noires
I got to keep moving (2)
Blues falling down like hail (4)
And the day keeps on mindin' me
There's a hell-hound on my trail
Hell-hound on my trail (2)

Hell Hound On My Trail, Robert Johnson (1937)

19. HEX

Sortilège, mauvais sort
Won't you tell me baby
Who can your good man be
I woke up this morning baby
With a hex all over me

I Couldn't Stay Here, Charly Jordan (1936)

I got a black cat bone
I got a mojo too
I got John The Conqueroo
I'm gonna mess with you
I'm gonna make you girls lead me by my hand
Then the world'll know
I'm a hootchie cootchie man.

I'm Your Hootchie Cootchie Man, Muddy Waters (1953)
20. HOOTCHIE-COOTCHIE (Hootchy-Kootchy, Hooch)

Féticheur, personne douée de pouvoirs magiques

21. HOT FOOT POWDER (HOT FOOT OIL)

Préparation à répandre ("sprinkling") sur le passage de la victime visée, mélangée avec de la poussière prélevée dans les traces de pas de la personne visée, dans l'objectif de la faire quitter la ville ou de la faire sortir de votre vie .
Le mélange peut également être lancé par-dessus l'épaule gauche dans une rivière, l'envouteur devant s'éloigner sans jeter un regard derrière lui. Dans un environnement urbain où les traces de pas sont inhabituelles, les pratiques se sont adaptées, la poudre étant répandue dans la cour ou les chaussures de la personne visée.

You sprinkled hot foot powder, mmm
Mmm, around my door
All around my door
It keep me with ramblin' mind, rider
Every old place I go

Hellhound On My Trail, Robert Johnson (1937)

I'm gon' cut out playing policy
Because my numbers just won't fall
Somebody's put jinx on me
Oh well, well, and I can't have no luck at all

Cut Out Blues, Peetie Wheatstraw (1936)
22. JINXING

Pratique magique dans laquelle la malédiction, le mauvais sort proviennent d'un mélange d'herbes, de poudres et de liquides divers jeté dans la cour de la victime. Le jinxing est sensé produire du mauvais œil, de la déveine chronique (bad luck).
Jinx désigne ainsi par extension, la déveine, la guigne.

Personne ou objet portant malheur; sort, mauvais sort

23. JOHN THE CONQUEROR ROOT (JOHN THE CONQUEROO)

Racine dite Jean le Conquérant / Jean le Vainqueur. En langage scientifique (ipomoea jalapa)
Sous ce terme on trouve en réalité 3 sortes de racines :
la racine tubéreuse de ipomoea jalapa, proche de la patate douce ou High John The Conquer
la racine de trillium grandiflorum, variété de lis ou Low John, plus rarement appelée The Conqueror
la racine de alpina galanga, variété de gingembre appelée Chewing John ou Little Joh to Chew ; des 3, seule cette dernière est ingérée (mâchée ou en jus)
Cette racine apparaît dans le nombreux préparations magiques et notamment dans la main ou le sachet mojo (cf mojo hand/bag) sensés apporter puissance et prospérité. Elle n'est jamais ingérée (la plante est un laxatif puissant).
My pistol may snap, my mojo is frail
But i rub my root, my luck will never fail
When i rub my root, my John the Conquer root
Aww, you know there ain't nothin' she can do, Lord,
I rub my John the Conquer root
I was accused of murder in the first degree
The judge's wife cried, "Let the man go free!"
I was rubbin' my root, my John the Conquer root
Aww, you know there ain't nothin' she can do, Lord,
I rub my John the Conquer root
Oh, i can get in a game, don't have a dime,
All i have to do is rub my root, i win every time
When i rub my root, my John the Conquer root
Aww, you know there ain't nothin' she can do, Lord,
I rub my John the Conquer root

My John The Conquer Root, Muddy Waters (1964)

I got a black cat bone
I got a mojo too
I got John The Conqueroo
I'm gonner mess with you
I'm gonner make you girls
Lead me by my hand
Then the all world'll know
I'm the hootchie Kootchie man.

Hootchie Cootchie Man, Muddy Waters (1953)
Elle tirerait son nom du surnom d'un esclave (High John the Conqueror) réel ou mythique, réputé être le fils d'un roi africain et dont la vie aurait été un exemple pour ceux qui brulaient de se rebeller mais étaient effrayés de le faire ouvertement. Son habileté à tromper son maître, à le rouler dans la farine était légendaire, ce qui en fit, à l'instar de Br'er Rabbit, un héros dans l'imagerie populaire.

Le talisman le plus puissant, le plus fameux, du folklore négro-américain; il est sensé ramener l'amant(e) infidèle, fortifier son amour ou forcer la chance dans les jeux de hasard:




24. JOMO

Forme inversée de mojo (voir ce terme)
It must be a black cat bone, jomo can't work that hard,
Every time I wake up, Jim Tampa's in my yard

Jim Tampa Blues, Lucille Bogan (1927)

They say there ain't no woman that a man can trust
That they all use juju, and goofy dust
But I don't argue baby
And I ain't gonna make no fuss
'Cause I'm glad, glad, glad, I'm so glad baby
That you put it on me

You Put It On Me, BB King (1968)
25. JUJU

Terme d'origine africaine, aujourd'hui peu usité . Fétiche, talisman gris gris / Celui qui pratique la magie, est doué de pouvoirs surnaturels

26. MOJO HAND (MOJO BAG)

Dans le hoodoo, préparation magique inserré dans un petit sac de flanelle Syn : nation sack (porté uniquement par les femmes), ou conjure bag, hand, lucky hand, root bag, mais aussi toby (dans le Maryland) et gris-gris ; le terme wanga est plus particulièrement utilisé dans les Caraîbes.

La main mojo est généralement portée par celui qui en attend des bénéfices, mais elle peut être placée dans des lieux qu'elle fréquente ; elle ne doit être touchée ou vue que pas son possesseur, au risque qu'elle perde tout effet bénéfique
Just keep your hands off a' my mojo, you can't cut off my luck
Now, keep your hands off a' my mojo, if you ain't got a buck
Time's is hard as hard can be
I don't want no broken man messin' 'round with me
Keep your hands off a' my mojo, you ain't got no time for me

Keep Your Hands Off My Mojo, Leola B. Wilson & Kid Wesley Wilson (1932)

I'm goin' down in New Orleans
Get me a mojo hand
I wan' show all you good-lookin' women
Just how to treat your man

Louisiana Blues, Muddy Waters (1950)

Ce talisman est censé raviver les sentiments amoureux, provoquer le désir, empêcher l'adultère:
Lord I'm goin' to Louisiana
I'll get me a mojo hand
I say I'm going to Louisiana
I'll get me a hoodoo hand
I'm gonna stop my woman
An fix her so she can't have another man

Two Strings Blues, Little Hat Jones (1929)

sous peine de défécation ou de menstruation pendant le coït pour la femme, ou d'impuissance pour l'homme,
Well, I'd like to love you baby
But your good man got me barred

Talking To Myself, Blind Willie McTell (1930)
voire même de mort :
Well I love you mister Charlie
Honey, God knows I do
But the day you try to quit me
Brother, that's the day you die

Staggering Blues, Rosie Mae Moore (1928)

27. NATION SACK/BAG

Peut-être de 'donation'.
Petite bourse portée par les preachers itinérants et dans laquelle ils gardaient les offrandes de leurs fidèles. Pour les prostituées, bourse portée entre les cuisses, le bruit des pièces attirant les clients.
Cette bourse est plus généralement utilisée pour cacher des objets personnels de valeur, et notamment les mains mojo ; le nation sack n'est porté que par les femmes, généralement à la taille plutôt qu'au cou ; le terme est spécialement utilisé dans la région de Memphis :
Oh-ah, she's gone
I know she's won't come back
I've taken her last nickel
Out of her nation sack

Come On In My Kitchen take 1, Robert Johnson (1936)
28. RABBIT FOOT

pied de lapin, ingrédient utilisé dans les pratiques magiques :
A gal for me, had a great infatuation
She wanted me to marry her but she had no situation
When I refused, she near went wild,
Says, I'm bound to hoodoo that child
She went and got a rabbit foot
She buried it with a frog
Right in the hollow of an old burnt log.
Right on theroad where I had to walk along
Ever since then my head's been wrong.

I've Been Hoodooed, Jim Towel (1928)
29. Red flannel

`Flanelle rouge', tissu préféré des `hoodoo men' pour la préparation des `mojo hands' : "Il [Buddy Bolden] buvait tout le whisky qu'il pouvait trouver, ne portait jamais ni col ni cravate, laissait voir sa chemise grande ouverte pour permettre aux femmes de voir sa flanelle rouge, et s'en payait toujours une tranche."
Alan Lomax, Mister Jelly Roll
She had red flannel rags
Talked about hoodooin' poor me

Chant de Whistling Alex Moore cité par Paul Oliver in Conversation With The Blues
30. ROOT

Charme, maléfice, sort, gris-gris :
Mama here come your root man
Open the door and let him in
It's just about time
You using some of your good roots again
(...)
There is one thing baby
You want the root all by yourself
But you know I'm a doctor mama
I don't give it somebody else.

Root man blues, Walter Davis (1935)
31. SEVEN

La symbolique du 7 est omniprésente dans de nombreuses civilisations, notamment hébraîque, perse, grecque, romaine ou encore dans l'Inde ancienne. Pour la Bible, le 7 a un caractère sacré : le 7ème jour, c'est le sabbat; Dieu a mis 6 jours pour créer le monde et il s'est reposé le 7ème. En Hébreu, le mot "jurer" signifie étymologiquement "faire 7 fois"; faire 7 fois, c'est donc passer un accord sacré. Lorsque Abraham passe un accord avec Abimelech, il utilise d'ailleurs 7 agneaux. Le chiffre 7 est par ailleurs un chiffre sacré dans la symbolique maçonnique.
Dans ce contexte, il n'est donc pas étonnant de retrouver dans les pratiques magiques des Noirs américains (cf hoodoo) le chiffre 7 associé à de nombreuses superstitions, généralement bénéfiques (sauf dans le cas notable des 7 ans de malheur)
I'm so superstitious
Broke a mirror one day
I'll have seven years bad luck,
Honey, so they say

Superstitious Blues, Joe Brown (1927)
Le chiffre est lié à de nombreuses pratiques magiques et superstitions :
On the seventh hour
on the seventh day
on the seventh month
the seventh doctor say:
`He was born for good luck'
and that you see
I got seven hundred dollars
and don't you mess with me.

I'm your hootchie cootchie man, Muddy Waters (1960)
le terme Seven sisters est d'ailleurs un synonyme de hoodoo man/woman, féticheur, personne douée de pouvoirs surnaturels tels que la divination ; quant au 7ème fils, spécialement s'il est lui-même fils d'un septième fils, il est naturellement doué de pouvoirs que n'ont pas ses frères et soeurs.

Seven Sisters : la constellation des Pléiades ; selon les informants de Hyatt, à La Nouvelle Orléans, famille de 7 sœurs toutes hoodoo women qui opéraient dans les années 1920 et 1930 dans une maison "by the water" :
They tell me Seven Sisters in New Orleans, that can really fix a man up right (2)
And I'm headed for New Orleans, Louisiana, I'm travelin' both night and day
I hear them say the oldest sister look like she's just 21 (2)
And she can look you right in your eyes and tell you exactly what you want done

Seven Sisters Blues, Funny Paper Smith (1931)

32. SPIDER

L'un des ingrédients utilisé dans les préparations magiques.

Lady of the spiders : synonyme de conjure lady
I been so unlucky, baby
I found a spider in my stew
Oh, I didn't know what happened, baby
I got so much confidence in you.

Spider in my stew, Buster Benton (ca 1980)

33. SPRINKLE

Répandre, saupoudrer. Dans le hoodoo, le fait de répandre une poudre (hot foot powder, goofer dust…) à laquelle on attribue des pouvoirs spéciaux, se fait en marchant en arrière.
You sprinkled hot foot powder, mmm
Mmm, around my door
All around my door
It keep me with ramblin' mind, rider
Every old place I go

Hellhound On My Trail, Robert Johnson (1937)

34. TOBY

Charme, talisman :
Toby Woman Blues, Gene Campbell (1931)

35. TRICK

Charme, mauvais sort :
I got a gypsy woman giving me advice
I got a whole lot of tricks, keeping them on ice
I got my mojo workin'
but it just won't work on you

Got my mojo working, Muddy Waters (1957)

36. VOODOO

D'un terme africain signifiant esprit ou Dieu
. Le vaudou est une religion uniquement pratiquée à La Nouvelle Orléans, par des descendants d'Haïtiens (installés depuis la rebellion d'esclaves de 1803). Le vaudou orléannais a grandement dégénéré depuis les années 30, se mâtinant de catholicisme, de spriritualisme et de hoodoo, perdant quelque peu son caractère religieux. Le contact avec Haïti redonne au voodoo contemporain son caractère religieux.

37. WHAMMY

Malédiction, sortilège :
If I could forget about you, baby
I wouldn't be in so much misery
Yes but I think I understand, baby
You must have put your, put your whammy on me

She Put The Whammy On Me, Freddy King (1962)

38. WORK

Pour un charme, un envoûtement, un mauvais sort, agir, faire effet.
I got a gypsy woman giving me advice
I got a whole lot of tricks, keeping them on ice
I got my mojo workin'
but it just won't work on you

Got my mojo working, Muddy Waters (1957)





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