Voilà ce qu'écrivait la Gazette de Greenwood en mars 2000 (n°17), en publiant la première partie de cet article qui fut complété dans les numéros d'avril (n°18) et mai (n°19):
A plusieurs reprises sur la liste de diffusion LGDG,
nous nous sommes interrogés sur le sens réel de certains mots ou expressions fréquemment utilisés
par les bluesmen. A la suite de l'article "
C'est donc avec fiereté que La Gazette De Greenwood publie ici ce glossaire. Laissons le dernier mot à Jean-Paul Levet qui nous a écrit dans un e-mail: "Longue vie a la Gazette de Bois Vert, Halte aux volees du même nom!"
Depuis le 25 mars 2003, nous avons la chance de trouver en librairie la réédition mise à jour de Talkin' That Talk, livre indispensable à qui veut un peu mieux comprendre le blues!
C'est donc avec plaisir que nous republions ici la compilation de trois articles parus en 2000 dans la Gazette de Greenwood, où Jean-Paul Levet nous dévoile l'explication de 38 mots! Dans la réédition de Talkin' That Talk, pas moins de 3000 mots ou expressions sont recensés... On vous aura prévenu: ce livre est indispensable!
Présentation officielle de Talkin' That Talk:Jean-Paul LevetTalkin' That Talk. Le Langage du blues et du jazz. Editions Kargo www.k-a-r-g-o.com 608 pages. 23 euros. Les activités de langage sont centrales dans la culture populaire noire : vannes, chants, bouts rimés, toasts et rapping sont autant d¹activités grâce auxquelles l¹individu se voit reconnaître et acquiert un statut. L¹objet de Talkin¹ That Talk, dictionnaire encyclopédique et anthologique, n¹est pas de cerner l¹ensemble des contours de ce particularisme langagier, mais son plan lexical : ce dictionnaire couvre ainsi plus de 3 000 termes ou expressions relevant de l¹argot bien sûr, mais aussi du jargon spécifique aux musiciens, aux différentes techniques et pratiques instrumentales, aux conditions et lieux de production de la musique. Il recense également métaphores récurrentes, surnoms, noms de lieux, faits historiques, institutions, marques commerciales, nombres et personnages... Rejetés en tant que Noirs, en marge comme tout musiciens, blues singers, jazzmen et rappeurs parlent leur singularité. C¹est cette singularité que traque Talkin¹ That Talk : son champ d¹investigation est précisément délimité, qui se propose d¹inventorier leur vocabulaire, tel qu¹il se révèle dans des productions orales attestées. Cette édition considérablement enrichie de Talkin¹That Talk (dont la précédente version, chez Hatier, fut publiée en 1992) prolonge l¹examen lexical du blues et du jazz en y incluant les significations musicales plus récentes du vocabulaire négro-américain, à savoir celles du hip-hop. |
Date: Lundi 14 Février 2000
De: Jean-Paul Levet <jplevet@afpa-inmf.com>
Quelques termes pour s'y retrouver dans les pratiques magiques afro-américaines
Lord, I wonder what's the matter this time, it seems like everything has changed
It seems like this woman that I've been lovin' have found some other man
I hold up my hand, I'm just trying to get my baby to understand
See, my baby don't love me no more,
all because somebody hoodoo'd the hoodoo man
Hoodoo Hoodoo, Sonny Boy Williamson I (1946)
1. HOODOO
Terme probablement d'origine africaine
Ensemble de croyances, coutumes et de pratiques magiques importées d'Afrique, mêlées à
des éléments d'origine européenne, cubaines (influence de la santeria) et intégrant
des savoirs faire indiens notamment en matière d'utilisation des plantes. Les survivances africaines (Yoruba,
Fon…) apparaissent assez clairement dans certaines pratiques comme celles liées au carrefour (cf. crossroads)
et aux traces de pas (cf hot foot powder). L'utilisation des plantes doit beaucoup aux croyances indiennes ; mais
leur utilisation dans le hoodoo n'est que marginalement à visée médicinale : le hoodoo doctor
est moins un guérisseur, un herboriste qu'un sorcier.
Il faut distinguer hoodoo de voodoo (vaudou) ; les 2 termes coexistent en Louisiane mais renvoient à des
pratiques différentes, le terme voodoo étant peu employé dans les autres régions du
Sud. Dans les endroits où les termes cohabitent, il apparaît que hoodoo est plus particulièrement
utilisé par les Noirs en zone rurale et le terme voodoo par les Blancs ou les Noirs urbanisés.
Le hoodoo met l'accent sur les pratiques magiques, sur les dons et pouvoirs individuels ; il n'entretient que peu
de liens directs avec une religion. Du panthéon africain des dieux, seul Legba apparaît dans le hoodoo
: c'est le black man, le dark man, en d'autres termes le devil (voir ce terme), que l'on peut croiser au carrefour
(crossroads)
Synonymes : conjuration, witchcraft (2 termes anglais standards signifiant respectivement évoquation des
démons, incantation et sorcellerie/magie noire) et rootwork, mot mettant en relief l'importance centrale
des racines.
Les termes hoodoo man/woman, root doctor, root worker, conjure, conjurer, cunjure ou conjure man/woman ; quant
au terme two-headed doctor, il est plus spécifiquement employé en Floride.
Robert Johnson dans Stones In My Passway décrit un ensemble de phénomènes typiques des pratiques
hoodoo : allusions à sa trace (cf hot foot powder), route obstruée (block), encombrée de pierres
(cf crossing), manifestations physiques décrites (perte d'appétit, douleurs), sentiment que son chemin
est devenu noir, qu'on veut attenter à sa vie et l'éloigner de son amour ; cet ensemble de manifestations
l'amène à la chute inéluctable : il est victime d'un mauvais sort, il doit s'en aller :
I got stones in my passway
And my road seem dark as night
I have pains in my heart
They have taken my appetite
(…)
Now you trying to take my life
And all my loving too
You laid a passway for me
Now what are you trying to do
(…)
I got three legs to truck on
Boys please don't block my road
I been feeling ashamed about my rider
Babe, I'm booked and I got to go
Stones In My Passway, Robert Johnson (1937)
2. BARRED
Litt : barré, empêché. Sous l'influence d'un mauvais sort, ensorcelé :
I wrote you a letter mama,
Put it in your front yard
I would love to come to see me
But your good man got me barred
Writin' Paper Blues, Blind Willie McTell (1927)
3. BLACK CAT
Le black cat, le chat noir, est, comme dans les systèmes de croyance européens, un mauvais présage
; s'il croise la route de quelqu'un, celui-ci, pour éviter le mauvais œil qui lui est ainsi promis, n'a
plus qu'à faire demi-tour et à rentrer chez lui :
I don't know why
But I sure don't get no mail
It must be one o' them old walkin' black cats
Been walkin', walkin' all over my trail.Black Cat Trail, Carolina Slim (1952)
Mais dans le monde du jeu, de la loterie (cf policy, numbers) et des activités illicites, le chat noir est
plutôt présage de bonne fortune.
Black cat bone : tous les root doctors interviewés par Zora Neale Hurston ou Harry Middleton Hyatt qui étudièrent
les traditions hoodoo dans les années 30, précisent que le chat noir possède un os qui possède
le pouvoir de rendre son utilisateur invisible ou de rendre un amour perdu dans la mesure où le chat est
ébouillanté vivant à minuit. L'identification de l'os donne lieu à diverses croyances.
Une fois repéré, l'os est oint de Van Van Oil puis glissé dans une main mojo : il peut alors
agir pour faire revenir un amour perdu
4. CONJURE LADY (MAN)
Dans le hoodoo, personne douée de pouvoirs occultes (voyance, capacités d'envoûtement ou de
guérison...) :
I've got to see the conjure man soon
Because these gin-house blues is campin' round my door
I want him to drive 'em off
So they won't come back no more
The Ginhouse Blues, Bessie Smith (1926)
Parmi les plus célèbres, Sanité Dédé (fin du XVIIIè), Marie Laveau (1794-?),
la plus célèbre des figures du vaudou, qui la supplanta vers 1820 et disait tenir ses pouvoirs du
serpent (d'où
son surnom de `Snake Marie', sa fille `Tite Marie' Laveau, toutes trois de La Nouvelle-Orléans, Ida Carter
et, plus près de nous puisque décédée en 1944, Aunt Caroline Dye :
Well I'm going to Newport
To see aunt Caroline Dyer
She's a fortune-teller
Oh Lord, she sure don't tell no lie
Hoodoo Woman, Johnny Temple (1937)
5. CROSSING
Pratique magique basée sur le fait de mettre en travers du chemin de la personne visée de la poussière,
des herbes, des aiguilles ou autres, le "mal" entrant par le pied au moment où celle-ci franchit
la marque.
Par extension, synonyme de jinx
6. CROSSROADS
Le carrefour, lieu où des chemins se croisent, fait l'objet de croyances diverses un peu partout dans le
monde. Dans le hoodoo, le crossroads est un lieu où l'on pose ou enterre des préparations variées
selon les effets recherchés ; mais c'est aussi le lieu par excellence où l'on peut acquérir
un pouvoir , un savoir ou une technique (jeu de cartes, instrument de musique, art de la danse ou de la prise de
parole…).
Dans le rituel généralement décrit, celui qui désire acquérir un tel pouvoir
doit attendre à un carrefour 3 ou 9 nuits particulières ; durant ces visites successives, il doit
être témoin de l'apparition d'animaux (les plus fréquemment cités sont le poulet, le
chien et le taureau, tous noirs) et lors de la dernière, c'est le "devil" (voir ce terme) qui
va apparaître et, s'il ne s'enfuie pas de peur, il recevra le don désiré.
Dans son enregistrement "Cross Road Blues" de 1936, et bien qu'étant incontestablement initié
(Hellhound on my Trail, Come On In My Kitchen et Little Queen Of Spades contiennent des références
explicites respectivement à la Hot Foot Powder, au nation sack ou à la main mojo), Robert Johson
fait bien plus référence aux aléas de l'auto stop qu'au rituel hoodoo. Le mythe selon lequel
il aurait cédé son âme au diable pour devenir un maître de la guitare trouve probablement
sa source dans ce rituel du crossroads, mais l'interprétation la plus communément avancée
qui en fait un héros faustien, est largement ethnocentrique et jamais le devil, au sens où l'entend
le hoodoo, ne se propose de faire griller pour l'éternité l'âme ainsi cédée (cf
devil).
7. CURSE
Sortilège :
Says I believe, I believe, the good Lord has put a curse on me
I believe, I believe, the good Lord has put a curse on me
Because every woman that I got, some man takes away from me
Blue, Black And Evil, Leroy Erwin (1947)
8. DEVIL
Le devil, selon les informants, est indistinctement aussi appelé "big black man", "rider"
ou "little old funny boy", c'est le descendant des dieux des carrefours, dont Legba. Il a peu à
voir avec Méphistophelès et le mythe faustien du pacte avec Dieu ; il s'agit plutôt d'un mentor,
d'un sage doublé d'un professeur enseignant une technique et la sagesse.
"If you want to learn how to make songs yourself, you take your guitar and you go to where the road crosses
that way, where a crossroads is. Get there, be sure to get there just a little 'fore 12 that night so you know
you'll be there. You have your guitar and be playing a piece there by yourself...A big black man will walk up there
and take your guitar and he'll tune it. And then he'll play a piece and hand it back to you. That's the way I learned
to play anything I want."
Interview de Ledell Johnson citée par David Evans in Tommy Johnson
Le rituel du crossroads est l'un des plus communément pratiqué dans le hoodoo comme le montre les
très nombreux témoignages recueillis par Harry Middleton Hyatt entre 1935 et 1939 (Hoodoo - Conjuration
- Witchcraft - Rootwork, Alma C. Hyatt Foundation, 1970-1978) :
"If you want to know how to play a banjo or a guitar or do magic tricks, you have to sell yourself to the
devil. You have to go to the cemetery nine mornings and get some of the dirt and bring it back with you and put
it in a little bottle, then go to some fork of the road and each morning sit there and try to play that guitar.
Don't care what you see come there, don't get 'fraid and run away. Just stay there for nine mornings and on the
ninth morning there will come some rider riding at lightning speed in the form of the devil. You stay there then
still playing your guitar and when he has passed you can play any tune you want to play or do any magic trick you
want to do because you have sold yourself to the devil. "
Interview recueillie à Ocean City, Maryland.
"You go out there [to the forks of a road] about four a'clock, jis' commence dawnin' day, jis' about crack
of day -- an' start a-pickin' at de guitar. Yo' go jis' onest. An' they says de devil came out an' take it -- jis'
somepin will pull it from you, you jis' give up to it. An' he'll tune up an' hand it back to you and you start
to play . You can pick any song you want to pick."
Interview recueillie à Wilmington, North Carolina.
9. DOCTOR (Root Doctor, Goofer Doctor, Snake doctor, Two Headed
/ faced Doctor) :
sorcier, guérisseur, jeteur de sorts :
I'm a snake doctor man
Got my medicine, I say, in my bag
I mean to be a real snake doctor man
And you know I don't mean to be no quack
(...)
I know many of you men are wondering
What the snake doctor man got in his hand
He's got roots and herbs,
Steals a woman, man, everywhere he land
Snake Doctor Blues, Jaydee Short (1932)
10. DOUBLE EYED (ou HEADED, SIGHTED)
Qui a des dons de double-vue, voyant :
Double-Eyed Whammy, Freddy King (1966)
11. DREAM BOOK
Litt : `Livre des rêves'.
Ces opuscules, publiés par les organisateurs des loteries clandestines (cf numbers), sont destinés
à guider les parieurs dans leurs choix en leur fournissant des listes de nombres
supposés entretenir d'étroites relations avec leur expérience, leur histoire et leurs rêves
:
I'm gonna buy me a dream book
See what my dreamin' means
I dreamed I was mixin' sweet milk
With my baby's cream
Dream Book Blues, Tommy Griffin (1936)
Parmi les plus populaires, `Aunt Della's Dream Book', `Aunt Sally's Policy Players Dream Book', `The Gypsy Witch
Book' et `The Three Witches Dream Book'.
12. DYE, Aunt Caroline
Une des conjure ladies dont le peuple du blues a conservé la mémoire :
I'm goin' to Newport News
Just to see Caroline Dyer
She's a fortune telling woman
Oh Lord, and she don't tell no lies
Aunt Caroline Dyer Blues, Memphis Jug Band (1930)
Quoique dise le Memphis Jug Band, elle était de Newport, Arkansas et non de Newport News
13. FIX
Mauvais sort. V. Jeter un sort, envouter :
I'm going In Louisiana
I'm gonna get me a mojo hand
I wanna fix my woman
So she can have no other man
Mojo Hand, Lightnin' Hopkins (1962)
D'où `fixer' sorcier, personne douée de pouvoirs surnaturels :
14. GOOFEROh, baby I'm the fixer
I am the fixer
I'm the fixer pretty baby
I got everything that you need
I'm The Fixer, Willie Mabon (1963)
Goofer dust : Mélange dont les ingrédents de base sont de la boue prise dans un cimetière, du sel et de la poudre de sulfure ; d'autres ingrédient, peuvent être adjoints (tête de serpent ou os broyés, poivre rouge ou blanc, peau de serpent, d'herbes en poudre…) utilisé dans le hoodoo pour jeter le mauvais œil sur un concurrent de n'importe quelle nature. Répandue devant la porte d'entrée elle protège du mauvais oeil; quand elle est brulée par un root doctor, elle permet de jeter un sort; saupoudrée sur l'oreiller, elle est censée provoquer la mort du dormeur... |
Gettin' sick and tired of the way you do
'Time, mama, I'm gonna pizen you
Sprinkle goopher dust around your bed Wake up some mornin', find your own self dead. I don't know, Cripple Clarence Lofton (1939) |
The gypsy woman told my mother
Before I was born `You got a boy child comin' Goin' to be the son-of-a-gun He gonna make pretty women Jump and shout... Hootchie Cootchie Man, Muddy Waters (ca 1952) |
15. GYPSY Tzigane, bohémienne; joue un grand rôle (divinatoire et/ou maléfique) dans de nombreux blues : |
16. HAND Hand, lucky hand, hoodoo hand, voodoo hand ou mojo hand : cf mojo hand Dans cette acception, hand dérive peut-être de "Lucky hand root" (un ingrédient pour amulette à destination des joueurs, nom d'une racine d'orchidée assez rare ou de l'utilisation d'os de la main dans la fabrication des mojo. |
Lord, I know many of you mens,
Wondering what the snake doctor got in his hand He's got roots and herbs Steals a woman, man, everywhere he land Snake Doctor Blues, J.D. Short (1932) |
One night I was layin' down
I feel so bad, so low, so low Blues came along Heal me heal me The Healer, John Lee Hooker (1989) |
17. HEAL Guérir, cicatriser |
Healer : Guérisseur, guérisseuse |
Blues is the healer All over the world He heal me He can heal you The Healer, John Lee Hooker (1989) |
18. HELL HOUND Selon Samuel Charters, cette image fait probablement référence aux `chiens de l'enfer' promis aux pêcheurs coléreux par les églises noires |
I got to keep moving (2) Blues falling down like hail (4) And the day keeps on mindin' me There's a hell-hound on my trail Hell-hound on my trail (2) Hell Hound On My Trail, Robert Johnson (1937) |
19. HEX Sortilège, mauvais sort |
Won't you tell me baby Who can your good man be I woke up this morning baby With a hex all over me I Couldn't Stay Here, Charly Jordan (1936) |
I got a black cat bone I got a mojo too I got John The Conqueroo I'm gonna mess with you I'm gonna make you girls lead me by my hand Then the world'll know I'm a hootchie cootchie man. I'm Your Hootchie Cootchie Man, Muddy Waters (1953) |
20. HOOTCHIE-COOTCHIE (Hootchy-Kootchy, Hooch)
Féticheur, personne douée de pouvoirs magiques |
21. HOT FOOT POWDER (HOT FOOT OIL) Préparation à répandre ("sprinkling") sur le passage de la victime visée, mélangée avec de la poussière prélevée dans les traces de pas de la personne visée, dans l'objectif de la faire quitter la ville ou de la faire sortir de votre vie . Le mélange peut également être lancé par-dessus l'épaule gauche dans une rivière, l'envouteur devant s'éloigner sans jeter un regard derrière lui. Dans un environnement urbain où les traces de pas sont inhabituelles, les pratiques se sont adaptées, la poudre étant répandue dans la cour ou les chaussures de la personne visée. |
You sprinkled hot foot powder, mmm
Mmm, around my door All around my door It keep me with ramblin' mind, rider Every old place I go Hellhound On My Trail, Robert Johnson (1937) |
I'm gon' cut out playing policy Because my numbers just won't fall Somebody's put jinx on me Oh well, well, and I can't have no luck at all Cut Out Blues, Peetie Wheatstraw (1936) |
22. JINXING Pratique magique dans laquelle la malédiction, le mauvais sort proviennent d'un mélange d'herbes, de poudres et de liquides divers jeté dans la cour de la victime. Le jinxing est sensé produire du mauvais œil, de la déveine chronique (bad luck). Jinx désigne ainsi par extension, la déveine, la guigne. Personne ou objet portant malheur; sort, mauvais sort |
23. JOHN THE CONQUEROR ROOT (JOHN THE CONQUEROO)
Racine dite Jean le Conquérant / Jean le Vainqueur. En langage scientifique (ipomoea jalapa) Sous ce terme on trouve en réalité 3 sortes de racines : la racine tubéreuse de ipomoea jalapa, proche de la patate douce ou High John The Conquer la racine de trillium grandiflorum, variété de lis ou Low John, plus rarement appelée The Conqueror la racine de alpina galanga, variété de gingembre appelée Chewing John ou Little Joh to Chew ; des 3, seule cette dernière est ingérée (mâchée ou en jus) Cette racine apparaît dans le nombreux préparations magiques et notamment dans la main ou le sachet mojo (cf mojo hand/bag) sensés apporter puissance et prospérité. Elle n'est jamais ingérée (la plante est un laxatif puissant). |
My pistol may snap, my mojo is frail But i rub my root, my luck will never fail When i rub my root, my John the Conquer root Aww, you know there ain't nothin' she can do, Lord, I rub my John the Conquer root I was accused of murder in the first degree The judge's wife cried, "Let the man go free!" I was rubbin' my root, my John the Conquer root Aww, you know there ain't nothin' she can do, Lord, I rub my John the Conquer root Oh, i can get in a game, don't have a dime, All i have to do is rub my root, i win every time When i rub my root, my John the Conquer root Aww, you know there ain't nothin' she can do, Lord, I rub my John the Conquer root My John The Conquer Root, Muddy Waters (1964) |
I got a black cat bone
I got a mojo too I got John The Conqueroo I'm gonner mess with you I'm gonner make you girls Lead me by my hand Then the all world'll know I'm the hootchie Kootchie man. Hootchie Cootchie Man, Muddy Waters (1953) |
Elle tirerait son nom du surnom d'un esclave (High John the Conqueror) réel ou mythique, réputé être le fils d'un roi africain et dont la vie aurait été un exemple pour ceux qui brulaient de se rebeller mais étaient effrayés de le faire ouvertement. Son habileté à tromper son maître, à le rouler dans la farine était légendaire, ce qui en fit, à l'instar de Br'er Rabbit, un héros dans l'imagerie populaire. Le talisman le plus puissant, le plus fameux, du folklore négro-américain; il est sensé ramener l'amant(e) infidèle, fortifier son amour ou forcer la chance dans les jeux de hasard: |
24. JOMO Forme inversée de mojo (voir ce terme) |
It must be a black cat bone, jomo can't work that hard,
Every time I wake up, Jim Tampa's in my yard Jim Tampa Blues, Lucille Bogan (1927) |
They say there ain't no woman that a man can trust
That they all use juju, and goofy dust But I don't argue baby And I ain't gonna make no fuss 'Cause I'm glad, glad, glad, I'm so glad baby That you put it on me You Put It On Me, BB King (1968) |
25. JUJU Terme d'origine africaine, aujourd'hui peu usité . Fétiche, talisman gris gris / Celui qui pratique la magie, est doué de pouvoirs surnaturels |
26. MOJO HAND (MOJO BAG) Dans le hoodoo, préparation magique inserré dans un petit sac de flanelle Syn : nation sack (porté uniquement par les femmes), ou conjure bag, hand, lucky hand, root bag, mais aussi toby (dans le Maryland) et gris-gris ; le terme wanga est plus particulièrement utilisé dans les Caraîbes. La main mojo est généralement portée par celui qui en attend des bénéfices, mais elle peut être placée dans des lieux qu'elle fréquente ; elle ne doit être touchée ou vue que pas son possesseur, au risque qu'elle perde tout effet bénéfique |
Just keep your hands off a' my mojo, you can't cut off my luck Now, keep your hands off a' my mojo, if you ain't got a buck Time's is hard as hard can be I don't want no broken man messin' 'round with me Keep your hands off a' my mojo, you ain't got no time for me Keep Your Hands Off My Mojo, Leola B. Wilson & Kid Wesley Wilson (1932) I'm goin' down in New Orleans Get me a mojo hand I wan' show all you good-lookin' women Just how to treat your man Louisiana Blues, Muddy Waters (1950) |
Ce talisman est censé raviver les sentiments amoureux, provoquer le désir, empêcher l'adultère: |
Lord I'm goin' to Louisiana I'll get me a mojo hand I say I'm going to Louisiana I'll get me a hoodoo hand I'm gonna stop my woman An fix her so she can't have another man Two Strings Blues, Little Hat Jones (1929) |
sous peine de défécation ou de menstruation pendant le coït pour la femme, ou d'impuissance pour l'homme, |
Well, I'd like to love you baby But your good man got me barred Talking To Myself, Blind Willie McTell (1930) |
voire même de mort : |
Well I love you mister Charlie Honey, God knows I do But the day you try to quit me Brother, that's the day you die Staggering Blues, Rosie Mae Moore (1928) |
27. NATION SACK/BAG Peut-être de 'donation'. Petite bourse portée par les preachers itinérants et dans laquelle ils gardaient les offrandes de leurs fidèles. Pour les prostituées, bourse portée entre les cuisses, le bruit des pièces attirant les clients. Cette bourse est plus généralement utilisée pour cacher des objets personnels de valeur, et notamment les mains mojo ; le nation sack n'est porté que par les femmes, généralement à la taille plutôt qu'au cou ; le terme est spécialement utilisé dans la région de Memphis : |
Oh-ah, she's gone I know she's won't come back I've taken her last nickel Out of her nation sack Come On In My Kitchen take 1, Robert Johnson (1936) |
28. RABBIT FOOT pied de lapin, ingrédient utilisé dans les pratiques magiques : |
A gal for me, had a great infatuation She wanted me to marry her but she had no situation When I refused, she near went wild, Says, I'm bound to hoodoo that child She went and got a rabbit foot She buried it with a frog Right in the hollow of an old burnt log. Right on theroad where I had to walk along Ever since then my head's been wrong. I've Been Hoodooed, Jim Towel (1928) |
29. Red flannel `Flanelle rouge', tissu préféré des `hoodoo men' pour la préparation des `mojo hands' : "Il [Buddy Bolden] buvait tout le whisky qu'il pouvait trouver, ne portait jamais ni col ni cravate, laissait voir sa chemise grande ouverte pour permettre aux femmes de voir sa flanelle rouge, et s'en payait toujours une tranche." Alan Lomax, Mister Jelly Roll |
She had red flannel rags Talked about hoodooin' poor me Chant de Whistling Alex Moore cité par Paul Oliver in Conversation With The Blues |
30. ROOT Charme, maléfice, sort, gris-gris : |
Mama here come your root man Open the door and let him in It's just about time You using some of your good roots again (...) There is one thing baby You want the root all by yourself But you know I'm a doctor mama I don't give it somebody else. Root man blues, Walter Davis (1935) |
31. SEVEN La symbolique du 7 est omniprésente dans de nombreuses civilisations, notamment hébraîque, perse, grecque, romaine ou encore dans l'Inde ancienne. Pour la Bible, le 7 a un caractère sacré : le 7ème jour, c'est le sabbat; Dieu a mis 6 jours pour créer le monde et il s'est reposé le 7ème. En Hébreu, le mot "jurer" signifie étymologiquement "faire 7 fois"; faire 7 fois, c'est donc passer un accord sacré. Lorsque Abraham passe un accord avec Abimelech, il utilise d'ailleurs 7 agneaux. Le chiffre 7 est par ailleurs un chiffre sacré dans la symbolique maçonnique. Dans ce contexte, il n'est donc pas étonnant de retrouver dans les pratiques magiques des Noirs américains (cf hoodoo) le chiffre 7 associé à de nombreuses superstitions, généralement bénéfiques (sauf dans le cas notable des 7 ans de malheur) |
I'm so superstitious Broke a mirror one day I'll have seven years bad luck, Honey, so they say Superstitious Blues, Joe Brown (1927) |
Le chiffre est lié à de nombreuses pratiques magiques et superstitions : On the seventh hour on the seventh day on the seventh month the seventh doctor say: `He was born for good luck' and that you see I got seven hundred dollars and don't you mess with me. I'm your hootchie cootchie man, Muddy Waters (1960) |
le terme Seven sisters est d'ailleurs un synonyme de hoodoo man/woman, féticheur, personne douée de pouvoirs surnaturels tels que la divination ; quant au 7ème fils, spécialement s'il est lui-même fils d'un septième fils, il est naturellement doué de pouvoirs que n'ont pas ses frères et soeurs. Seven Sisters : la constellation des Pléiades ; selon les informants de Hyatt, à La Nouvelle Orléans, famille de 7 sœurs toutes hoodoo women qui opéraient dans les années 1920 et 1930 dans une maison "by the water" : They tell me Seven Sisters in New Orleans, that can really fix a man up right (2) And I'm headed for New Orleans, Louisiana, I'm travelin' both night and day I hear them say the oldest sister look like she's just 21 (2) And she can look you right in your eyes and tell you exactly what you want done Seven Sisters Blues, Funny Paper Smith (1931) |
32. SPIDER L'un des ingrédients utilisé dans les préparations magiques. Lady of the spiders : synonyme de conjure lady |
I been so unlucky, baby I found a spider in my stew Oh, I didn't know what happened, baby I got so much confidence in you. Spider in my stew, Buster Benton (ca 1980) |
33. SPRINKLE Répandre, saupoudrer. Dans le hoodoo, le fait de répandre une poudre (hot foot powder, goofer dust…) à laquelle on attribue des pouvoirs spéciaux, se fait en marchant en arrière. |
You sprinkled hot foot powder, mmm Mmm, around my door All around my door It keep me with ramblin' mind, rider Every old place I go Hellhound On My Trail, Robert Johnson (1937) |
34. TOBY Charme, talisman : Toby Woman Blues, Gene Campbell (1931) |
35. TRICK Charme, mauvais sort : |
I got a gypsy woman giving me advice I got a whole lot of tricks, keeping them on ice I got my mojo workin' but it just won't work on you Got my mojo working, Muddy Waters (1957) |
36. VOODOO D'un terme africain signifiant esprit ou Dieu . Le vaudou est une religion uniquement pratiquée à La Nouvelle Orléans, par des descendants d'Haïtiens (installés depuis la rebellion d'esclaves de 1803). Le vaudou orléannais a grandement dégénéré depuis les années 30, se mâtinant de catholicisme, de spriritualisme et de hoodoo, perdant quelque peu son caractère religieux. Le contact avec Haïti redonne au voodoo contemporain son caractère religieux. |
37. WHAMMY Malédiction, sortilège : |
If I could forget about you, baby I wouldn't be in so much misery Yes but I think I understand, baby You must have put your, put your whammy on me She Put The Whammy On Me, Freddy King (1962) |
38. WORK Pour un charme, un envoûtement, un mauvais sort, agir, faire effet. |
I got a gypsy woman giving me advice I got a whole lot of tricks, keeping them on ice I got my mojo workin' but it just won't work on you Got my mojo working, Muddy Waters (1957) |