Carnet de route
U.S.A. 2001 3 ème partie |
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Une grande tasse de café et quelques doughnuts nous remettent sur pied. La matinée se passe très calmement. Nous prenons des photos de Memphis et, sur le coup de midi, nous arrivons à Beale Street où nous décidons de nous offrir un repas cajun composé de gumbo, de brochettes, et de black catfish. L'après-midi est consacrée, mais en vain, à essayer de trouver l'église d'Al Green. Nous avons l'adresse, mais les sens uniques et les routes soudainement interrompues ont raison de notre patience. A 18 heures, nous nous trouvons en face de la Mount Pleasant Baptist Church où nous sommes invités à assister à une répétition du Spirit of Memphis. Ici encore, nous avons le privilège d'être les seuls à pouvoir y assister. Au fur et à mesure que les membres du groupe arrivent, ils installent leur matériel en bavardant et en riant beaucoup. Ils donnent réellement l'image d'une équipe très sympathique et très soudée qui aime à se retrouver pour jouer et pour chanter. La répétition commence vers 20 heures et pendant plus d'une heure, le Spirit of Memphis nous offrira une musique d'une qualité exceptionnelle! Ce groupe légendaire fondé en 1930 s'appelait à l'origine The T. M. & S. Gospel Singers, d'après le nom des églises de leurs membres (Tree of Life, Mount Olive et St. Matthew's Baptist Church). Vers 1933, le groupe s'appela The Spirit of Memphis Quartet, en référence à l'avion de Lindbergh, The Spirit of St. Louis. Rappelons au passage qu'en gospel, un quartet ne comprend pas nécessairement quatre personnes. Professionnels depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ils ont enregistré pour les labels King et Peacock. Ces nombreuses faces sont aujourd'hui considérées comme des classiques du style "quartet". Huebert Crawford, après avoir fondé les Soul Setters (Isaac Hayes y tenait le piano), a été l'arrangeur, le guitariste et le ténor du groupe à partir de 1977. Il n'en fait plus partie actuellement et nous en reparlerons plus tard. Actuellement, le leader du groupe est Melvin Mosley, Jimmie Allen (basse), Brown Berry (bassiste). Une guitare, un piano et une batterie les accompagnent. Produit par David Evans, leur CD enregistré en 1984 sous le label High Water est un must. Nous rentrons chez David vers 22 heures et il nous emmène au McDonald de Millington, petite ville située au Nord de Memphis. Robert enregistre ensuite, jusqu'à 2 heures du matin, de rares 45 tours de l'impressionnante collection de David. |
Répétition du Spirit of Memphis, Mount Pleasant Baptist Church (photo GL) |
Il pleut. Enregistrement de 45 tours. A 11 heures, nous allons chez Robert Gordon, un ami de Robert. Il est l'auteur de It came from Memphis (1995) et va publier incessamment une biographie de Muddy Waters. C'est précisément aujourd'hui qu'il doit remettre son manuscrit à l'éditeur et plusieurs détails restent encore à régler. Malgré son emploi du temps fort chargé, il nous accueille dans son bureau, nous fait écouter des enregistrements inédits et nous montre des documents exceptionnels. Je me souviens, entre autres, de la photographie originale du père de Muddy Waters sur une carte d'identité de l'US Air Force. Robert a pris rendez-vous avec Odie Tolbert, un autre de ses amis qui est archiviste à l'Université de Memphis. Nous l'y rencontrons à 15 heures et il nous présente de nombreux documents concernant la COGIC (Church of God in Christ) dont le fondateur est Charles Harrison Mason. Après la visite de deux magasins de disques et d'une librairie, nous faisons une petite provision de Samuel Adams car demain, nous quittons Memphis et nous craignons ne pas trouver cette marque dans le Mississippi. A la caisse, l'employé me demande ma date de naissance. Celle-ci sera imprimée sur la souche! Vers 18h30, nous arrivons chez David. Son épouse nous a mitonné un vrai repas à la mode du Sud : porc accompagné de chutneys aigres et sucrés, haricots au citron et au poivre, cake à peine sucré et pommes de terre. Un vrai régal qui tombe à point : c'est à peu près le seul repas que nous avons pris aujourd'hui, tant notre journée a été chargée. La soirée se passe, jusqu'à une heure assez avancée, à enregistrer des disques de la collection de David Evans. |
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A 7h30, nous bouclons les valises. Robert enregistre quelques derniers disques pendant que je prends mon petit déjeuner et je le relaye quand il vient à table. Nous faisons nos adieux à nos hôtes et prenons la direction du Sud. Nous passons par Holly Springs, lieu de naissance de Robert Belfour, et arrivons à Oxford, petite ville universitaire, patrie de R. L. Burnside, mais aussi de Faulkner. Celui-ci est omniprésent (statue de William Beckwith, sur un banc, affiches) et deux photos ornent un mur de la chambre du Downtown Inn Motel que nous avons réservée. Nous faisons le tour de Courthouse Square et admirons la statue du soldat confédéré. La chaleur est humide et une pluie diluvienne s'abat sur la ville. Nous regagnons le motel pour prendre un peu de repos. A la télévision, le bulletin météo n'est guère rassurant pour le week-end prochain. Nous devons nous rendre à Clarksdale pour assister au Sunflower River Blues Festival. Pourvu que celui-ci ne soit pas annulé! La soirée se passe calmement au restaurant avec deux amis de Robert, Tom Freeland, avocat à Oxford, grand amateur de blues (lire son article sur Robert Johnson, Living Blues N° 150) et avec Scott Barretta, l'éditeur de ce magazine. Les fried oyster po'boys étaient excellents! |
Oxford (photo GL) A Oxford, Georges Lemaire en compagnie de Faulkner, l'enfant du pays (photo RS) |
La Hunter Chapel, Como, MS (photo RS) La Hunter chapel (photo GL) Dwayne Watkins (des Canton Spirituals) et Robert Sacré, à Canton (MS) (photo GL) Huebert Crawford (photo GL) La gare de Canton (MS) (photo GL) |
De bonne heure, nous mettons le cap vers Jackson, capitale du Mississippi, et visitons les University Press of Mississippi. Robert y a rendez-vous avec Steve Yates, l'Assistant marketing manager. En début d'après-midi, à 20 miles au Nord de Jackson, nous arrivons à Canton, une petite ville comptant environ dix mille âmes. A l'entrée, se dresse une belle église que, bien entendu, nous photographions. Un Noir en sort et, intrigué, vient à nous. Robert lui explique que nous sommes amateurs de musique gospel ; il nous répond qu'il s'appelle Cornelius Dwayne Watkins. La surprise est de taille : nous sommes en face du guitariste et chanteur des Canton Spirituals. Downtown, nous passons par l'Office du Tourisme tenu par deux charmantes dames qui, depuis des années, rêvent d'ériger une statue à la mémoire d'Elmore James qui naquit à Canton en 1918. Elles sont avides de renseignements concernant l'enfant du pays et Robert répond bien volontiers à leurs demandes. Elles nous offrent des rafraîchissements ainsi qu'un T-shirt du Festival de Gospel de Canton. Vers 18 heures, nous arrivons à Batesville, située à une vingtaine de miles à l'Ouest d'Oxford. Nous y réservons une chambre au motel Skyline et prenons immédiatement la direction de Como (400 habitants) où doit avoir lieu un revival à la mémoire de Napoléon Strickland, décédé le 20 juillet dernier. Célèbre dans tout le Mississippi, ce joueur de fifre fabriquait ses instruments lui-même. Un joueur de fifre emmène un groupe de percussionnistes selon une chorégraphie élaborée transmise de génération en génération. Au début de la Révolution, les esclaves adoptèrent cette musique copiée sur la musique militaire écossaise. Ce qui la différencie de la musique européenne réside surtout dans les mélodies et la polyrythmie inspirées de la tradition de l'Afrique de l'Ouest. Arrivés à Como vers 19h30, nous nous rendons à la Hunter's chapel, rendue célèbre par les enregistrements de Mississippi Fred McDowell. Nous trouvons la petite église, perdue en pleine campagne, au milieu des champs de coton. Nous sommes les premiers arrivés et l'endroit est désert. La première personne que nous rencontrons est Huebert Crawford, un ancien leader du Spirit of Memphis, dont j'ai parlé plus haut. Huebert Crawford a été shérif à Memphis et l'est encore "part time ". Il nous apprend que son fils a été batteur du groupe Granfunk Railroad et qu'il travaille actuellement avec James Brown. Il nous dit également que John Wilkins, le pasteur de la Hunter's chapel, est le fils de Robert Wilkins lui-même! Pendant ce temps, les fidèles arrivent et prennent place sur les bancs de bois. Ici, l'ambiance est toute différente des services auxquels nous avons assisté précédemment : l'église est beaucoup plus petite, mais est pleine à craquer. Il va sans dire que, et le cas s'est maintes fois présenté au cours du voyage, nous sommes les seuls Blancs à assister au service. Nous assistons alors, ébahis, à la pratique du "lining hymns" dont l'origine remonte au XVIIème siècle, quand, dans les paroisses rurales d'Angleterre, le pasteur chantait ou lisait une "ligne" d'un hymne. Celle-ci était reprise en chœur par l'assemblée. Façon de faire qui s'imposait alors en raison du manque d'éducation des fidèles qui ne savaient pas lire. Cette tradition, également appelée "lining out ", est encore vivace dans certaines églises baptistes noires du Mississippi et des Carolines ainsi que dans les églises baptistes blanches des Appalaches. La mélopée lancinante et hypnotique qui en résulte est surprenante et remarquable et nous fait éprouver des émotions d'un autre âge. Les fidèles chantent et répètent les paroles du pasteur sur un rythme très lent, en traînant sur les syllabes. Huebert Crawford, à l'orgue, accompagne le chœur de l'église de Como dirigé par Gracie Edwards qui n'est autre que la belle-fille de Huebert. Terry Johnson, un chanteur de petite taille aux lunettes rondes se démène, oserai-je dire, comme un beau diable. A l'instar des meilleurs chanteurs de R'n'B, il parcourt l'église en tous sens et offre un spectacle de tout premier ordre. Epuisé, il regagne son siège, comme en extase, en poussant de petits cris perçants. Le prêcheur invité, Gipton Jones, est originaire du Tennessee et appartient à la Jerusalem Baptist Church. Son sermon débute, comme à l'accoutumée, par des bavardages anodins. Il va même jusqu'à plaisanter avec l'assistance. Mais insensiblement, son sermon prend de l'ampleur, jusqu'à atteindre un crescendo qui subjugue la congrégation. Il tape du pied, empoigne certains fidèles, parcourt l'église de long en large et s'écroule, en nage, sur son siège. L'église entière l'encourage et s'exclame. Il se relève subitement et recommence son sermon jusqu'à épuisement. Il s'éponge un front ruisselant, respire difficilement et ferme longuement les yeux, manifestement satisfait du message qu'il a délivré. Nous sortons de l'église vers 22h30. En hâte, les fidèles rentrent chez eux, happés par la nuit. Dix minutes plus tard, l'endroit est à nouveau désert, comme si rien ne s'était passé. Avons-nous réellement vécu tout ceci ? De retour à Batesville, au motel Skyline, nous buvons une dernière Samuel Adams avant d'aller dormir. Il est minuit. D'impressionnants roulements de tonnerre perturbent la nuit du Mississippi. |
Une pluie battante s'abat sur Batesville. Le festival de Clarksdale commence aujourd'hui et nous sommes inquiets. De plus, le sentier bétonné qui mène à notre chambre est entièrement inondé. Nous sommes piégés. C'est donc sur la pointe des pieds et sous l'averse que nous portons nos lourdes valises vers la voiture. Lorsque nous arrivons à Clarksdale, la pluie n'est plus qu'un mauvais souvenir. Nous nous installons rapidement au motel Days Inn et prenons la direction du Sunflower River Blues and Gospel Festival. La Sunflower River arrose Clarksdale et a donné son nom au festival dont c'est la 14ème édition cette année. L'ancienne gare de Clarksdale, le nouveau Delta Blues Museum installé dans les entrepôts de la gare ainsi que la scène du festival forment la Blues Alley. Derrière la scène, une voie ferrée et quelques vieux wagons symbolisent la migration des Noirs vers le Nord. A droite, le Ground Zero, un restaurant qui programme des concerts de blues. Morgan Freeman, l'acteur bien connu en est l'un des propriétaires et dirige également un autre restaurant de Clarksdale, le Madidi. A gauche, sur Issaquena Avenue, l'ancien salon de coiffure de Wade Walton, chanteur, guitariste et harmoniciste, décédé en juin 2000 et qui était régulièrement à l'affiche du festival de Clarksdale. A 14 heures, nous nous rendons au Delta Blues Museum où ont lieu, depuis la veille, une série de conférences ayant pour thème les femmes dans le blues. Nous arrivons à temps pour l'exposé de Steve Cheeseborough. Malheureusement, il illustre sa conférence en chantant et en s'accompagnant à la guitare. De jeunes adolescents noirs essaient d'ailleurs vainement de ne pas éclater de rire. Une demi-heure plus tard, nous allons déguster des BBQ ribs et une délicieuse salade de pommes de terre. Ici, aucune Samuel Adams en vue. Nous nous contentons donc d'une Budweiser. A 15 heures a lieu la conférence de Jim O'Neal, (Women in recording), à l'issue de laquelle Robert rencontre James Segrest, auteur d'une biographie de Howlin' Wolf qui paraîtra bientôt et qui a conçu un site internet qui lui est consacré. Panny Mayfield, journaliste et photographe de Clarksdale, nous délivre des cartes de presse qui nous permettront un accès backstage. Les nuages se sont à présent dissipés et le soleil du Mississippi tape dur sur nos crânes plus et moins dégarnis. A 16 heures, les étudiants du Delta Blues Museum se produisent sur le grand podium extérieur. Ce sont de jeunes enfants et le rare public présent à cette heure, probablement des parents et des amis, les encourage vivement. Suivent trois autres formations de Clarksdale : Blues Prodigy, Pure Blues Express et Deep Cuts. Sans grand intérêt. A 18h30, nous allons prendre quelques photos de Clarksdale et nous rafraîchir dans la voiture climatisée garée en face du Ground Zero, le club-restaurant de Morgan Freeman. Frais et dispos, nous écoutons l'excellente prestation du Wesley Jefferson Band qui a diverti la clientèle des juke joints du Mississippi depuis une vingtaine d'années. Se présente ensuite le groupe norvégien Spoonful of Blues, invité parce que Clarksdale est jumelée avec Notodden. Leur musique, très agressive, sort réellement du contexte du festival. Robert, lassé par cette dérive, va prendre un peu de repos dans la voiture. Des centaines de libellules volètent dans l'air chaud et humide de la journée qui s'achève. Je rencontre Scott Baretta qui me demande ce que nous avons fait la veille et je lui fais part de notre excellente soirée à la Hunter's chapel. Il se demande également pourquoi le groupe norvégien a été engagé dans ce festival. Vers 20h30, Robert fait surface, juste à temps pour Miss Sweet Brown Sugar, "The First Lady of Beale Street", que nous avons déjà vue à Memphis. A la périphérie de la Blues Alley, nous prenons place dans un petit bar en plein air, The Delta Amusement Café où nous écoutons Terry "Harmonica" Bean. Le clou de la soirée, Lonnie Shields, de Philadelphie, est accompagné par Sam Carr en personne, le fils de Robert Nighthawk! Ils nous offrent un concert remarquable. Lonnie se dépense sans compter et projette de véritables gerbes de transpiration autour de lui. Le public, conquis, lui fait une ovation bien méritée. Vu le programme chargé du lendemain, nous prenons, vers minuit et demi, la direction de notre chambre, au motel Days Inn. |
Clarksdale : le Ground Zero (photo GL) Jim O' Neal au Delta Blues Museum (photo GL) Blues Prodigy (photo GL) La voie ferrée derrière le main stage (photo GL) La scène principale et la voie ferrée (photo GL) Lonnie Shields (photo RS) |
Après un copieux petit déjeuner (œufs, crêpes, jus de fruits,…), nous reprenons la direction de la Blues Alley, sous une petite pluie fine. Aujourd'hui, dans l'ancienne gare de Clarksdale, les concerts de l'acoustic stage ont lieu de 10h00 à 14h30, suivis par ceux du gospel stage, de 14h30 à 17h30. Mais, à l'extérieur, sur la scène principale, les concerts de blues reprennent dès 14 heures. Il va donc falloir effectuer des choix! Les concerts de l'acoustic stage débutent à 10 heures. Pat Thomas, le fils de James "Son" Thomas, présente un excellent concert de country blues. A 10h35, Robert Balfour monte sur le podium, élégamment vêtu. Il envoûte la salle bondée de sa musique lancinante. Ensuite, Eddie Cotton, qui a tenu les claviers dans l'église de son père, se montre éblouissant de virtuosité. Pour suivre, Eddie Cusic, qui pratique le blues traditionnel acoustique depuis plus d'un demi siècle, nous montre un aperçu de son savoir-faire. La pluie tombe doucement. A midi, Arthur Williams monte sur le podium. Excellent harmoniciste originaire du Mississippi, il réside actuellement à St. Louis et a enregistré avec James "Boo Boo" Davis. Vient le tour de Charles "Wsir" Johnson, conteur, musicien et percussionniste. Il demande la participation du public et nous fait revivre plusieurs siècles de musique en une demi-heure (griot, kora, call and response, confiscation des tambours, rythmes sur le corps, avec des cuillères, le bow diddley, la guitare bricolée avec un manche de brosse et une caisse à cigares, la célèbre guitare National et le bottleneck). John Weston, véritable homme-orchestre, joue en même temps de la guitare, de l'harmonica (adapté sur un rack) et de la grosse caisse à laquelle est fixé un tambourin. Malgré cela, son jeu, tout en finesse, est un véritable régal. John Mohead lui succède. Guitariste blanc très doué, il joue de la slide avec bonheur, mais sa voix n'est définitivement pas à la hauteur de toutes celles que nous venons d'entendre. Après lui, Super Chikan (James L. Johnson) et ses célèbres imitations de chants de volailles donne un concert en solo. Remarquable!
A 14 heures, Othar Turner (94 ans) fait une entrée triomphale. Son Rising Star Fife and Drum Band est composé de quatre jeunes percussionnistes : une grosse caisse, deux caisses claires ainsi que sa petite fille de 12 ans, Sharday, qui va déployer ses talents au fifre et au tambour. Selon un rituel qui se répète chaque année, ils sortent de la gare de Clarksdale et emmènent, en musique, les spectateurs qui désirent se rendre au main stage pour assister aux concerts de blues. A 14h40, le Rising Star Fife and Drum Band est en place sur le podium principal. Othar construit lui-même ses fifres (morceaux de canne à sucre évidés et percés de trous) et pratique cet instrument depuis son plus jeune âge et il désire par-dessus tout que son art se perpétue. C'est pourquoi il a initié Sharday. Il est déjà 15h15. Big T. (Terry Williams) and The Family Band se mettent en place. C'est l'orchestre régulier du Ground Zero. C'est Arthneice Jones qui est à l'harmonica! Othar Turner danse dans la foule. Quelle énergie! Peu après 16 heures, je rejoins Robert qui est resté à la gare pour assister aux concerts du gospel stage. L'air de la salle est conditionné et est le bienvenu. Pendant que j'assistais, sur la Blues Alley aux concerts d'Othar Turner et de Big T., j'ai malheureusement raté quatre concerts du gospel stage. Mais j'en ai écouté les enregistrements. Celui de Yolanda Troupe-Williams, de Vicksburg qui a chanté en play-back, celui du Rev. Lloyd Johnson & The New traditions qui a présenté un programme de gospel plus contemporain. Le concert de la Myles Family, qui interprètent des spirituals et des gospel songs traditionnels ainsi que leurs propres compositions et enfin, celui de James Williams and The Messengers. J'entre dans la salle au moment où ce dernier groupe termine sa prestation. L'assistance très nombreuse (en grande majorité des Noirs) est emportée par le rythme et la ferveur religieuse est perceptible. Les Pilgrim Jubilee Singers, de Chicago est le groupe le plus attendu. La qualité exceptionnelle des musiciens fait encore monter la tension d'un cran. Depuis les années 60, ils suscitent l'hystérie dans les salles et les églises. Ce concert n'aura pas démenti leur réputation! Après tant d'émotions, nous revenons au main stage et écoutons le début du concert de Jimbo Mathus. Le déchaînement de décibels qu'il engendre nous donne envie d'aller nous balader un peu plus loin. C'est ce qui me donne l'occasion d'assister à un bien curieux spectacle. Un des nombreux barbecues installés sur la Blues Alley prend feu soudainement et de grandes flammes s'élèvent de l'engin. Aussitôt, le commerçant se saisit d'un tuyau d'arrosage et asperge abondamment les viandes. Un grand nuage de fumée s'élève de l'échoppe. D'autres spécialités sont en vente : soul food, po'boys aux huîtres, gâteaux de maïs et gumbo. A 18h30, la chaleur est à son comble. Super Chikan monte sur scène avec son chicantar (guitare formée d'un jerrycan). Le public lui réserve un accueil enthousiaste et danse près de la scène en chantant avec lui. De temps à autre, Super Chikan ponctue son show d'un cri de guerre : "Shoot that thang!". C'est le titre de son nouveau CD paru chez Rooster. Arthur Williams, assis sur une chaise, nous offre le meilleur de son art. Et le public, qui ne s'y trompe pas, l'applaudit à tout rompre. Ensuite, vient le tour d'Eddie Cotton qui intervient ici avec une incroyable énergie, combinant blues et soul avec bonheur. C'est, je l'ai dit plus haut, une révélation. Retenez bien son nom. Il est en passe de devenir un tout grand nom du blues. C'est J. Blackfoot qui clôture le 14ème festival de Clarksdale avec un excellent concert de soul blues et les applaudissements énergiques de la foule et des danseurs témoignent une fois encore de l'excellente qualité de ce festival. Malgré l'heure tardive et la chaleur humide, nous nous promenons dans Clarksdale, à la recherche d'affiches du festival. Notre quête terminée, nous rentrons au motel. Robert, en montant l'escalier extérieur, laisse échapper une bouteille de Samuel Adams qui explose en arrivant au sol. En voulant la rattraper, il en lâche une seconde. Heureusement, nos affiches n'ont pas souffert. Une puissante odeur de houblon envahit le parking du motel. Deux personnes sortent de leur chambre avec des mines inquiètes : ils ont cru entendre deux coups de feu! Nous les rassurons. Il nous reste heureusement deux bouteilles intactes que nous dégustons en téléphonant chez United Airlines pour confirmer notre vol de retour Chicago - Bruxelles. Nos valises sont rapidement bouclées. |
Eddie Cusic et Robert Balfour (photo RS) Super Chikan (photo GL) Othar Turner (photo GL) Terry Williams (photo GL) Sam Carr (photo GL) La fête bat son plein (photo GL) Toute une ambiance! (photo GL) |
Peinture murale, Clarksdale (photo GL) Not far away from home! :-) (photo GL) Shirley Johnson au Blue Chicago (photo GL) |
Il est assez pénible de passer un dimanche dans le Mississippi sans se rendre à l'église! C'est pourtant ce que nous allons faire. Nous préférons ne prendre aucun risque afin de ne pas rater l'avion qui décolle de Chicago, lundi à 11h50. En effet, une panne ou une crevaison pourraient nous retarder. Un dernier tour au centre de Clarksdale nous permet de prendre quelques photos : l'échoppe fermée et abandonnée de Wade Walton, quelques peintures murales et le crossroads entre la 61ème et la 49ème route. Il est 9 heures quand nous prenons la route pour Chicago. Comme à l'aller, nous nous relayons toutes les heures au volant. De cette façon, le voyage paraît plus court et nous ne sommes nullement fatigués. A 14 heures, nous sommes déjà dans le Missouri et mettons le cap vers St. Louis et son arche gigantesque qui s'aperçoit de très loin. A 20h30, nous arrivons à Chicago. Que faire un dimanche soir à Chicago ? La question ne se pose pas! Nous nous procurons un exemplaire du Reader et prenons sans tarder la direction du Loop. Nous nous garons à proximité du B.L.U.E.S. Ce soir, Jimmy Burns est à l'affiche. Originaire du Delta du Mississippi, c'est le frère d'Eddie. Ils viennent d'enregistrer ensemble un CD qui doit paraître prochainement sous le label Blue Suit. C'est un artiste à la voix chaude et au jeu de guitare précis. Nous quittons le B.L.U.E.S. et prenons la direction de la N. Clark Street pour écouter le dernier set de Johnny B. Moore qui accompagne, cette fois, Shirley Johnson au Blue Chicago. Hiro tient la guitare rythmique et nous nous retrouvons avec plaisir après le set. Nous nous dirigeons vers O'Hare, l'aéroport de Chicago et, dans le parking de chez Avis, nous nous installons le plus confortablement possible dans la voiture. Dès six heures, les avions décollent à un rythme accéléré. Nous abandonnons le véhicule à 7 heures et le shuttle nous emmène vers l'aéroport. Nous quittons Chicago, comme prévu, à 11h50 et arrivons à Washington Dulles à 14h40, heure locale (nous devons avancer nos montres d'une heure). Au lieu de partir à 17h50, notre avion à destination de Bruxelles est annoncé à 19h15 et ne décollera qu'à 19h50. Le temps est assez dégagé, mais nous sommes secoués assez violemment. C'est sous un soleil radieux que nous débarquons à Bruxelles - Zaventem, des souvenirs plein les yeux et les oreilles. |