Et la France découvrit le blues: 1917 à 1962 par Philippe Sauret / La Gazette de Greenwood
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CONCLUSION

       L’étude  que nous avons réalisée montre que la découverte du blues par les Français est liée à plusieurs facteurs.

       D’abord les progrès techniques et économiques considérables obtenus dans le domaine du disque et de la diffusion de la musique. Le passage du cylindre au 78 tours en 1925 assure une ouverture marché français aux labels étrangers. L’invention du vinyl à la fin des années 40 permet des rééditions plus importantes et d’avantage d’importations. L’augmentation des marques françaises après la seconde guerre mondiale assure un meilleur réseau de distribution national et de meilleurs échanges avec les Etats-Unis. L’arrivée du pick up puis du transistor à la fin des années 50 permet une diffusion plus large de la musique auprès du grand public. Bref, au début des années 60 le disque cesse d’être un produit de luxe pour devenir un produit de consommation courante.

       Ensuite, l’évolution des recherches sur le blues dans les milieux du jazz. Dans ce domaine les français, avec Hugues Panassié, Marcel Chauvard et Jacques Demetre, sont des précurseurs. Ils permettent aux premiers bluesmen de tourner dans notre pays et de faire connaître leur musique aux amateurs français et étrangers. La qualité de leurs travaux abouti naturellement à la traduction du livre de l’anglais Paul Oliver, Le monde du blues, premier ouvrage dans ce domaine édité à l’intention d’un large public.

       Enfin, un phénomène de modes. Le blues débarque en France sous couvert du jazz après la première guerre mondiale. Il est porté par la mode pour l’exotisme et le courant surréaliste dans les années 20. Il revient, toujours sous l’appellation de jazz, pendant la seconde guerre mondiale avec la mode des zazous puis celle du swing. Il est de nouveau présent lorsqu’arrivent les premiers disques de rock and roll, qui donne naissance à la mode des yéyés.

       Apres 1962 on observe la création d’un marché du disque spécifique pour le blues, différent de ceux du jazz ou du rock. Preuve que ce marché devient rentable dans notre pays, le 45 tours Shake It Baby, enregistré par John Lee Hooker dans le cadre de A.F.B.F, se vend à plus de 100 000 exemplaires en 1963 ! Ce phénomène n’est d’ailleurs pas propre à notre pays, puisqu’il touche l’ensemble du vieux continent.

 

       Le début des années 60 marque aussi un tournant dans le domaine des recherches sur le blues. Le monde anglo-saxon reprend ses droits grâce aux travaux de Paul Oliver et de l’américain Sam Charters. En 1963 Mike Leadbetter crée en Angleterre la revue Blues Unlimited qui devient le magazine de référence pour les amateurs de blues, jusqu’à la création aux Etats-Unis de Living Blues, par Jim O’ Neal et Amy Van Singel en 1968.

 

       En France, l’A.F.B.F. demeure longtemps la seule manifestation de blues durant les années 60, mis à part quelques prestations de Memphis Slim au cabaret des Trois Mailletz à Paris. Il faut attendre 1968 pour que se forme le Comité de Liaison des Amateurs de Rhythm and Blues (C.L.A.R.B.), créateur de Soul Bag, la première revue française sur le blues, et organisateur la même année du festival de blues de Bagneux, avec John Lee Hooker et Lowell Fulson.

       Depuis le blues suscite régulièrement en France l’intérêt d’un public toujours croissant, grâce notamment aux musiciens anglais (Eric Clapton, John Mayall...) et américains (Steve Ray Vaughan), et l’arrivée du support CD donnant lieu à de multiples rééditions. Actuellement il existe plusieurs magasines qui essayent de promouvoir le blues en France : outre Soul Bag, citons Travel In Blues, Blues Magasine, Blues Boarder...      

       Pour terminer, signalons l’existence d’une scène du blues en France avec beaucoup de musiciens talentueux : Patrick Verbeck, Benoit Blue Boy, Paul Personne, Bill Deraime... Ils contribuent également à faire découvrir le blues aux français. Certains sont en train d’inventer une nouvelle forme de chanson française qui, espérons le, conduira encore plus de monde à découvrir le blues des musiciens afro-américains.


"Et la France découvrit le blues: 1917 à 1962" par Philippe Sauret / La Gazette de Greenwood
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