L’étude
que nous avons réalisée montre que la découverte du blues par les
Français est liée à plusieurs facteurs.
D’abord les progrès techniques et
économiques considérables obtenus dans le domaine du disque et de la diffusion
de la musique. Le passage du cylindre au 78 tours en 1925 assure une ouverture
marché français aux labels étrangers. L’invention du vinyl à la fin des années
40 permet des rééditions plus importantes et d’avantage d’importations.
L’augmentation des marques françaises après la seconde guerre mondiale assure
un meilleur réseau de distribution national et de meilleurs échanges avec les
Etats-Unis. L’arrivée du pick up puis du transistor à la fin des années 50
permet une diffusion plus large de la musique auprès du grand public. Bref, au
début des années 60 le disque cesse d’être un produit de luxe pour devenir un
produit de consommation courante.
Ensuite, l’évolution des recherches sur
le blues dans les milieux du jazz. Dans ce domaine les français, avec Hugues
Panassié, Marcel Chauvard et Jacques Demetre, sont des précurseurs. Ils
permettent aux premiers bluesmen de tourner dans notre pays et de faire
connaître leur musique aux amateurs français et étrangers. La qualité de leurs
travaux abouti naturellement à la traduction du livre de l’anglais Paul Oliver,
Le monde
du blues, premier ouvrage dans ce domaine édité à l’intention d’un
large public.
Enfin, un phénomène de modes. Le blues
débarque en France sous couvert du jazz après la première guerre mondiale. Il
est porté par la mode pour l’exotisme et le courant surréaliste dans les années
20. Il revient, toujours sous l’appellation de jazz, pendant la seconde guerre
mondiale avec la mode des zazous puis celle du swing. Il est de nouveau présent
lorsqu’arrivent les premiers disques de rock and roll, qui donne naissance à la
mode des yéyés.
Apres 1962 on observe la création d’un
marché du disque spécifique pour le blues, différent de ceux du jazz ou du
rock. Preuve que ce marché devient rentable dans notre pays, le 45 tours Shake It
Baby, enregistré par John Lee Hooker dans le cadre de A.F.B.F, se
vend à plus de 100 000 exemplaires en 1963 ! Ce phénomène n’est d’ailleurs pas
propre à notre pays, puisqu’il touche l’ensemble du vieux continent.
Le début des années 60 marque aussi un
tournant dans le domaine des recherches sur le blues. Le monde anglo-saxon
reprend ses droits grâce aux travaux de Paul Oliver et de l’américain Sam
Charters. En 1963 Mike Leadbetter crée en Angleterre la revue Blues
Unlimited qui devient le magazine de référence pour les amateurs de
blues, jusqu’à la création aux Etats-Unis de Living Blues, par Jim O’
Neal et Amy Van Singel en 1968.
En France, l’A.F.B.F. demeure longtemps
la seule manifestation de blues durant les années 60, mis à part quelques
prestations de Memphis Slim au cabaret des Trois Mailletz à Paris. Il faut
attendre 1968 pour que se forme le Comité de Liaison des Amateurs de Rhythm and
Blues (C.L.A.R.B.), créateur de Soul Bag, la première revue française sur
le blues, et organisateur la même année du festival de blues de Bagneux, avec
John Lee Hooker et Lowell Fulson.
Depuis le blues suscite régulièrement en
France l’intérêt d’un public toujours croissant, grâce notamment aux musiciens
anglais (Eric Clapton, John Mayall...) et américains (Steve Ray Vaughan), et
l’arrivée du support CD donnant lieu à de multiples rééditions. Actuellement il
existe plusieurs magasines qui essayent de promouvoir le blues en France :
outre Soul
Bag, citons Travel In Blues, Blues Magasine, Blues Boarder...
Pour terminer, signalons l’existence
d’une scène du blues en France avec beaucoup de musiciens talentueux : Patrick
Verbeck, Benoit Blue Boy, Paul Personne, Bill Deraime... Ils contribuent
également à faire découvrir le blues aux français. Certains sont en train
d’inventer une nouvelle forme de chanson française qui, espérons le, conduira
encore plus de monde à découvrir le blues des musiciens afro-américains.