De l’après guerre à la fin des années
50 l’image du jazz change complètement en France et avec elle celle du blues.
Chez les amateurs de jazz, le rejet par nombre d’entre eux du be bop entraîne
une redécouverte du blues, considéré alors
par beaucoup comme une branche morte du jazz depuis le décès de Bessie Smith
en 1937. Grâce aux efforts d’Hugues Panassié, puis de Jacques Demètre, aux
premières tournées de bluesmen, à l’arrivée de nouveaux disques liée en partie
à la révolution technique que constitue le microsillon, le blues commence à
déborder le cadre strict des amateurs de jazz.
Sans doute à cause de la mode swing
qui s’est développée après la guerre, puis du New Orleans Revival avec
Sydney Bechet et Claude Luter, le mot blues apparaît pour la première fois en
1951 dans le
Petit Larousse illustré avec la définition suivante : « Une
variété de fox-trot »[1]. On le voit, les auteurs du dictionnaire ont
confondu la musique noire américaine et cette danse très en vogue dans les
années 20, dont nous avons déjà parlé.
Un
article paru en 1954 dans Paris Match et commenté par Boris Vian
dans Jazz
Hot peut résumer la vision du blues qu’a le grand public français.
Dans cet article on associe le blues à « un état d ’âme infiniment triste , à la
façon d’un poème romantique comme le Lac ou la Tristesse d’Olympio ». Plus
loin on peut lire que « tous les plus purs pianistes de boogie woogie
ont été, à leurs débuts, laveurs de voiture »[2]
! Pour le grand public, le blues est assimilé à une sous-catégorie
du jazz, obscure et mal définie.
[1] cité dans Jean-Paul Levet, Le P.L.I. est-il pris ? Ou le blues du Petit Larousse illustré, in Soul Bag n° 147, été 1997, page 48.
[2] Boris Vian, Revue de Presse, in Jazz Hot 1954.