La seconde guerre mondiale marque une rupture
dans l’histoire de la musique afro-américaine en France. Après septembre 1939
les musiciens de jazz ne viennent plus faire de tournées dans notre pays. Les
importations de disques cessent brusquement. Les 78 tours de jazz se font de
plus en plus rares. Installé à Paris Charles Delaunay se souvient qu’en
l’absence de nouveaux enregistrements chez les disquaires, il fait des
recherches du coté du marché aux puces
de Clignancourt. Il trouve quelques disques dans les centres de ramassage de
l’Abbé Pierre. Enfin, nombres d’amateurs sont obligés de vendre leurs collections
et proposent des ventes aux enchères par correspondance[1].
Durant la guerre les Hot Clubs sont dissous et des 1939 Hugues Panassié quitte
Paris pour s’installer à Mautauban.
Avec l’occupation le jazz ne disparaît pas.
Jacques Demetre se souvient que pendant cette période Hugues Panassié anime une
émission sur Radio Vichy[2].
A Paris Charles Delaunay fait tout pour organiser des concerts. Assimilé à la
variété, le jazz est toléré par les autorités allemandes. Certains occupants
sont même des amateurs de cette musique.
Cependant, le plus surprenant est l’engouement
du public français pour le jazz durant l’occupation, à la grande surprise des
premiers amateurs. Ainsi Charles Delaunay écrit-il : « J’eus rapidement confirmation de la vogue soudaine pour les spectacles
et du goût pour le jazz qui s’étaient emparés des Français (...). En roulant
vers Paris j’avais beau réfléchir, je ne parvenais pas à m’expliquer un
revirement d’attitude aussi soudain de la part d’un public hier encore
indiffèrent sinon hostile au jazz. Un peu plus loin il explique ce
qui attire le public pour cette musique : « Tout
se passait comme si le jazz était désormais devenu le symbole d’un autre mode
de vie (...). Il a le goût du fruit défendu qui se lisait aussi dans les
excentricités de toutes sortes »[3].
Le jazz devient donc une réaction contre l’occupation et donne
naissance en grande partie à la mode des zazous dès 1942, mouvement
protestataire par excellence dont un des principaux chefs de file est le
chanteur Charles Trenet.
En 1945,
le jazz, devenu musique de la libération avec l’arrivée des troupes
américaines, suscite un engouement populaire. Il donne naissance à la mode
swing et influence beaucoup de musiciens français. Les Français découvrent le
jazz au contact des grands orchestres blancs de Glenn Miller, d’Artie Shaw, de
Bennie Goodman ou de Woodie Herman. Lionel Hampton et Count Basie deviennent
aussi très populaires. Cela donne naissance au phénomène de la rive gauche,
lui-même annonciateur du jazz de Saint-Germain-des-Prés.
[1] Charles Delaunay, op. cit, page 247.
[2] Interview de Jacques Demetre réalisée en janvier 1997.
[3] Charles Delaunay, op. cit, page 150.