La Gazette de GREENWOOD
n°38 - Tome 3 (Décembre 2001)

Tome 1 | Tome 2 | Tome 3

Tome 3: Spécial Lucerne Blues Festival 2001
+ Spécial Noël: la Rubriqu'à Blues!


7th LUCERNE BLUES FESTIVAL
Casino - 8-11 novembre 2001
"The Blues Is Back In Town…"

Lucerne Blues Festival
date: 26 novembre 2001
de: Phil CatFish <philpretet@aol.com>
(photos © Philippe Pretet)

7 ans déjà ! L'âge de raison pour ce festival helvète qui, d'année en année, confirme qu'il est devenu " le " rendez-vous incontournable de la scène blues européenne hivernale indoor. Guido " Mojo " Schmidt (President) et Fritz " Big Daddy " Jakober (artistic Director) véritables " fondus " de blues, ont cette passion commune (et le budget qui va avec !) qui fait soulever des montagnes pour que les conditions de jeu et la chaleur de leur accueil retentissent positivement sur les artistes. D'ailleurs, peu d'entre eux ratent leur set à Lucerne. Ce n'est pas un hasard ! Chapeau bas Messieurs ainsi qu'à toute votre fine équipe. Vivement la 8ème !

Jeudi 8 novembre :

Lazy Lester
Lazy Lester

Première surprise annoncée par Fritz Jakober : l'absence pour cause de maladie de Jerry Mc Cain (problèmes dorsaux) et de Little Hatch (hospitalisé). Lazy Lester, prévu initialement pour le lendemain, endossa les habits du désigné volontaire d'office pour assurer un set inopiné avec le frotteur nonchalant Fred Reif (washboard). Malgré quelques imprécisions, le louisianais affublé de sa guitare acoustique fait toujours rêver . Ce bluesman est, faut-il le rappeler, l'un des derniers grands du blues des marais encore en activité. Sa version poignante de I'm a lover, I'm not a fighter, Nothing but the Devil, ou d'Irene fait replonger dans la nostalgie langoureuse des fifties… Son clin d'œil au regretté Frank Frost, sur Big Boss Man, présent sur ces planches en 1999, a fait ressurgir le souvenir ému de celui qui fut, de mon point de vue, l'un des artistes les plus appréciés à Lucerne, toutes éditions confondues.
Eddie C Campbell
Eddie C. Campbell

On doit le " choc " de la première soirée à Eddie C. Campbell dans ses habits de monstre sacré du Chicago West Side Sound. Affublé de son inséparable fender mauve (en souvenir de sa mère !) Eddie C Campbell a interprété un set de très grande qualité, ambiance soul funky blues, soucieux de démontrer au public européen (qu'il connaît bien pour avoir habité en Allemagne et en France dans les années 90), qu'il est toujours un acteur qui compte dans la blues scene chicagoane. L'interprète du mythique " King of the Jungle " qu'il ne joue que très rarement en public, a présenté un spectacle qui a débuté par son dernier album Hopes & Dreams, dont plusieurs titres sont écrits par sa charmante femme Barbara Mayson Campbell. Ce fut l'occasion de vérifier, si besoin est, que celui qui fut naguère lancé par Willie Dixon, possède un jeu de guitare d'orfèvre, d'une grande technicité, d'un coulé somptueux, sans jamais être agressif. La grande classe ! Une sonorité que l'on reconnaît immédiatement par un toucher inimitable et un swing intemporel … sans parler d'un timbre de voix suave et pur sur Sister Taught Me Guitar, ou Summertime. Les intonations aiguës rutilantes de sa guitare savent placer le niveau très haut sur Hey, hey the blues is all right ou sur le joyau à l'état brut que fut la version de That's When I Know accompagnée par la rythmique de rêve du toujours sémillant Willie Black et l'orgue discret mais efficace de Ronald Hollister. La cerise sur le gâteau fut offerte au final avec une version de Let's Twist… à la Chuck Berry outre une reprise endiablée de Sex Machine qui auront marqué cette 7ième édition du Lucerne Blues Festival. Ne ratez sous aucun prétexte ce bluesman majeur lors de l'unes de ses trop rares tournées sur le vieux continent.
Holeman
John Dee Holeman

Changement de style avec la Musik Maker Foundation emmenée par Tim Duffy pour la deuxième année consécutive à Lucerne. Intro au vitriol blues de " Mudcat " dont la guitare acoustique slide s'enflamma bien vite ! On attendait de voir sur scène John Dee Holeman, ex conducteur d'engins de chantier, authentique bluesman adepte du Piedmont Blues en provenance de Durham en Caroline du Nord. Il n'a pas déçu. Loin s'en faut. Ses intonations à la Lightnin' Hopkins et à la Blind Boy Fuller sont perceptibles sur Strange Blues, Sugar Mama, ou encore sur Early Morning Blues. Qu'il joue en acoustique sur une steel national ou à l'électrique, le style de ce natif du Comté d'Orange (Ca) est fondé sur la musique des string-bands (guitare, banjo, contrebasse). Le blues roots sans fioriture en somme !
Et puis on assista au come back saisissant de Cootie " Sugar Man " Stark, musicien septuagénaire aveugle vêtu d'un complet orange flashy (de bien mauvais goût) dans un intéressant répertoire acoustique swinguant à souhait, mâtiné du blues du Piedmont comme sur Metal Bottoms et Jigroo.
Eddie Tigner
Eddie Tigner

La bonne surprise de cette revue new look vint d'Eddie Tigner, ancien pianiste d'Elmore James, lorsque ce dernier habitait Atlanta dans les années 50. Son style blues jazzy du plus bel effet, un toucher subtil et léger, une voix qui a gardé tout son allant, ont rempli d'admiration les fervents des barrels houses des années 30/40.

" Cool " John Ferguson, n'a de cool que le surnom, tant sa guitare style Hendrix assène des solos acides et des riffs saignants ! Cela dit, ce gaucher talentueux a su mettre le feu à merveille en fin de set, comme pour réveiller le public qui baye aux corneilles après minuit !

En deuxième partie de soirée, petite note grinçante : le sourire " ultra brite " de Calvin Jackson n'enleva pas la détestable impression d'un set passablement ennuyeux d'où n'émergea que, timidement, le groove d'un batteur certes doué mais plongé dans l'atmosphère stupéfiante du " deep joint " ! A vite oublier.

Enfin, au bar du casino, jusqu'aux premières lueurs de l'aube, Darrell Nulisch accompagné en la circonstance par l'excellent texan Johnny Moeller a fait montre d'une énergie rare dans un répertoire soul/blues détonant. On ne dira jamais assez que Darrel Nulisch possède une des plus belles voix " blanches " de ces dernières années.

Vendredi 9 novembre

Roy Gaines
Roy Gaines
Pour commencer, Lazy Lester II : le retour ! Cette fois-ci à l'harmonica, accompagné par les deux guitaristes de Big Georges Johnson, Phil Schmid et le très bon Jemery Johnson. Quelle bonne idée ! Avec un répertoire solide, cette légende vivante (living legend comme il le répète à qui veut l'entendre en backstage) a ravi une foule nombreuse sur les morceaux de son nouvel album " Blues Stop Knockin' " (cf rubriqu'à blues du présent numéro).

Roy Gaines, guitariste démonstratif s'il en est , était venu à Lucerne pour enregistrer un album " live " au casino, que l'on trouvera avec plaisir chez Crosscut Records. Aucun faux pas n'étant permis, tout le team s'est mis au diapason de son leader, quelque peu nerveux, pour sortir un set de bonne qualité , même si par moments, des distorsions rythmiques sont venues troubler l'intensité et la dynamique du show. La section cuivres mérite tout de même un accessit tout particulier avec Johnny Viau (sax tenor) Troy Jennings (sax baritone) et Georges Pandis (trompets). Quant au débonnaire Billy Haynes, bassiste de son état, on lui accordera la palme de l'excitation, littéralement en transe derrière son pupitre instable qui flirta avec les planches à plusieurs reprises, à cause de ses fougueux élans ! Bref du bon R&B texan.
Otis Clay
Otis Clay

La seconde " claque " du festival est à mettre à l'actif de Mister Otis Clay. Ce pur blues shouter, adulé par le public noir du sud pendant les seventies, qui vit à chicago, n'a pas son pareil pour transcender l'atmosphère d'une salle, faire chavirer les cœurs sur les reprises d'Otis Redding, ou de Wilson Pickett. Ses mimiques expressives et grimaçantes au service d'un chant plaintif, larmoyant, ses gémissements ou ses cris rauques sortis d'un organe rocailleux et guttural, ne peuvent laisser insensible. Omniprésent sur scène, ce charismatique chanteur imprégné de l'esprit du Chiltin' circuit, issu des cabarets du Sud, est un grand monsieur de la soul music. A noter la présence dans la section cuivre de Bridget Page Lockett (trompette) qui a accompagné Willie Kent, ainsi que le jeune et prometteur guitariste Bemabi Tillmann.

Big Georges Jackson n'avait pas la tâche simple après un tel régal… Il devait s'atteler à faire (au moins) aussi bien que ses prédécesseurs sur scène. Le défi était dur à relever. Son harmonica chromatique peu convaincant ce soir-là, outre une présence scénique lymphatique, valu son salut à Jeremy Johnson dont la guitare talentueusement aiguisée fait penser à celle du trop tôt disparu texan Albert Collins !

Aussi, en fin de soirée, personne ne résista au plaisir de réécouter au bar du casino Eddie C Campbell dans une forme éblouissante, qui délivra un show plein de finesse, de taille XXXL !

Samedi 10 Novembre

Harry Hypolite
Harry " Big Daddy " Hypolite
Ah ! le franc sourire de Monsieur Harry "Big Daddy " Hypolite ! Ce louisianais qui " spoke " français comme l'indique sa carte de visite, est l'archétype du type bien dans sa peau, hilare, qui sait communiquer son plaisir de jouer de la musique simple et efficace. Guitariste occasionnel de Clifton Chenier, ami de Buckwheat Zydeco, et de Nathan Williams, Hypolite revendique haut et fort son Creole French Heritage, quand bien même ses influences sont nombreuses : zydeco, rhythm & blues, rural blues louisianais… Sa gibson sonne juste, quoique sporadiquement, laissant à Jimmy D. Lane le soin d'assurer l'essentiel des solos ! Hypolite a eu la géniale idée d'enthousiasmer la salle avec une version " hilarious " de Milk Cow Blues et de faire swinguer sur le low down Louisiana Country Boy. Un très bon moment, assurément .
Lil' Ed
Lil' Ed

James Nixon, vétéran de la scène nashvillienne, est un musicien qui mérite un large détour, tant son répertoire acoustique Memphis blues et R&B fait merveille. Accompagné par l'(in)évitable producteur et guitariste de Memphis, Fred James et par sa femme, Mary Ann Brandon dans un registre " déjà vu " à Lucerne, James Nixon a certainement dû apprécier à sa juste valeur la venue sur scène d'Otis Clay sur un magistral " Hoochie Coochie Man " qui a fait vibrer la salle.

Prenez une pile atomique et branchez-là sur le 220 volts ! Effet garanti ! Lil' Ed & the Blues Imperials c'est du pareil au même ! un zeste de J.B. Hutto mariné dans du chicago blues, c'était la recette de la soirée. Sa version de Stormy Monday fut excellente tout comme le feeling qui coule à flots de Change my Way of Living… Idéal pour les photographes agglutinés en frontstage !

Ayant déjà vu et apprécié Darrell Nulisch la veille, la dernière programmation au bar du casino a permis de revoir la formation du Music Maker Foundation au grand complet avec en sus un bœuf impressionnant de plusieurs musiciens des groupes invités à ce festival, tels Bemabi Tillmann au piano, Jeremy Johnson et consorts…

Un final fort sympathique à l'image de ce festival de Lucerne dont on attend la 8ème édition avec beaucoup d'impatience ! Keep the blues alive !

© texte et photos Philippe PRETET 2001 - tous droits réservés -

retour haut de page



la Rubriqu' à blues…

date: 6 décembre 2001
de: Phil "CatFish" <philpretet@aol.com>

Nouveautés, rééditions, imports : il y en a pour tout le monde et pour toutes les bourses… Voilà de quoi permettre à tout un chacun de faire ses emplettes chez son disquaire favori et/ou sur le net. Bonnes fêtes de fin d'année... in celebration of the Blues.

The Blues of Smoky Babe :

Hottest Brand Goin' Prestige/Bluesville OBCCD-595-2

Ces faces remarquables d'un musicien de country blues acoustique de premier plan ont été enregistrées en 1961 à Bâton Rouge (Louisiane) et remastérisées en 2001 dans les studios Fantasy à Berkeley. Smoky Babe de son vrai nom Robert Brown a exercé plusieurs métiers dont celui de nettoyeur de bateaux à Bâton Rouge et mécanicien à Scotlandville (Louisiane). D'un naturel exubérant qui se retrouve dans sa musique, Smokey Babe joue un blues puissant et rythmé qui trahit ses origines terriennes du Mississippi. Il est accompagné sur un titre par Henry Thomas (alias Lazy Lester) et sur deux autres par Clyde Causey (harmonica). Le blues énergique et passionné de Smoky Babe ne s'encombre pas d'artifices : son phrasé dépouillé est bourré de feeling et de swing qui incitent à danser le samedi soir dans les juke joints enfumés. Bizarrement, Smokey Babe ne profitera pas du blues revival des années 60 préférant jouer un country blues bien graisseux mâtiné de boogie… dans son garage ! Il faut dire que Boogy Woogy rag a de quoi scotcher sur place ! Dans la pure tradition des field hollers comme sur Coon Hun ou Locomotive Blues, Smokey Babe et Clyde Causey se renvoient la balle dans un dialogue diablement rythmé. Tout l'album est à l'unisson. Un achat conseillé pour pouvoir apprécier en toute confiance une partie des meilleurs enregistrements de ce bluesmen acoustique sous-estimé.

Skip James :

Blues From The Delta Vanguard VCD 79517-2

Quand on a goûté au blues de Bentonia on ne peut plus s'en passer ! Ceux qui ont eu le privilège de voir et d'écouter Jack Owens, un des premiers disciples du maître danseur " Skip " James, au Blues Estafette 1994 à Utrecht (Hollande), ont gardé un souvenir ému de sa magistrale version en acoustique du vieux spiritual I'm so glad. Ce même titre (repris par le Cream d'Eric Clapton en 1967) qui ouvre la présente réédition de plusieurs titres des deux albums incontournables que sont : Today (VSD 79219) et Devil Got My Woman (VSD 79273). Skip James, créateur de l'école de Bentonia y joue un blues atypique du Delta. Sa voix est super aiguë sollicitant les effets " falsetto " accompagnant sa guitare véloce accordée notamment en ré mineur, avec un mode " fingerpicking " à trois doigts. Au piano, son phrasé est subtil et parfois compliqué, ce qui ajoute une note pathétique à son blues profond, noir et mélancolique. Devil Got My Woman ou Crow Janes sont des exemples édifiants et autobiographiques de ses relations avec les femmes… tout comme Hard Time Killing Floor Blue qui dépeint les heures noires de la grande dépression de 1929. Deux titres inédits raviront les amateurs avec She's All the Word to Me et Everybody Leaving Here pour un total de 75 minutes ! L'enregistrement originel est digitalisé et converti en 20 bit. Le son y gagne en dynamique et en profondeur en respectant les nuances de la voix , guitare et piano. Un véritable coup de cœur de votre serviteur, cela va sans dire mais va mieux en le disant !

Sélection discographique : Skip James, Greatest Of The Delta Blues Singers (Biograph BCD 122). Skip James § Jack Owens : 50 Years/Mississippi Blues in Bentonia (1931/1981 Wolf WBJ 009).

Robert Pete Williams

Fat Possum Records 80349-2

Le chant du coq qui émerge inopinément de Farm Blues , premier titre de cette réédition évoque l'univers country blues rural de Robert Pete Williams. Après avoir été accusé de meurtre en 1956, Williams est emprisonné à perpétuité au pénitencier d'Angola ou sera enregistré le fameux et émouvant Prisoner's talking blues (Angola prisoner's blues Arhoolie). Grâce aux efforts de celui qui l'a découvert en prison, Harry Oster, auquel il doit sa libération sur parole, Pete Williams participe aux tournées de l'American Blues Fest et de Newport en 1964 et 1966. Ce disque enregistré en 1971 chez Ahura Mazda Records, est donc l'occasion de s'intéresser à un bluesman original et inclassable. Sa voix brisée et sa guitare en mode mineur font merveille. Les titres en acoustique et en électrique au boottleneck (assez rare) sont particulièrement saisissants. Good bye Slim Harpo et Got Me Way Down Here en electric boottleneck sont puissants et rugueux, tandis que "You used to be a sweet cover shaker but you ain't no more" véhicule une image sexuelle humoristique... Ses compositions originales telles Vietnam Blues ne manquent pas d'originalité et parfois de caractère dramatique. Un disque country blues à rechercher pour les rares et originales faces électriques slide de ce bluesman majeur.

Lazy Lester :

Blues stop knokin' TMG-ANTONE'S 0051

Après le très bon "All Over You" (voir rubriqu'à blues gazette N° 36) Lazy Lester réitère avec une nouvelle galette chez Antone's produite par Derek O'Brien. Quoi de neuf ? On notera de prime abord la présence convaincante de la guitare de Jimmy Vaughan sur neuf titres dont I'm your Breadmaker, Baby, les autres titres de l'album étant dévolus à Speedy Sparks. Lazy Lester n'est jamais si bon à l'harmonica que lorsqu'il est (et sait) s'entourer de bons musiciens. Sa récente tournée européenne l'a encore démontré. Le blues lancinant de Leslie Johnson est symptomatique de la région sur les titres écrits de sa main, tels que Go Head, Onderosa Shuffle et I told my little woman, soutenus par la guitare efficace et feutrée de Jimmy Vaughan. Bien sûr, le "swamp sound" transpire abondamment sur No Special Rider à l'acoustique sur lequel Lester s'accompagne de son footboard. Instant magique qui rappelle les maîtres du genre tels Lightnin' Slim, ou Slim Harpo. Pour terminer cet album, un hommage appuyé à Jay D Miller sur Sad City Blues, ballade envoûtante, cadencée par la guitare superbe de Speedy Sparks et le piano tout en finesse de Gene Taylor. Un très bon cru pour s'imprégner toujours et encore de ce blues " vivant " des marais ! Sans hésitation.

Albert King :

More Big Blues ACE CHDCHD 827 Night § day

Cet album est l'occasion de (re)découvrir le célèbre gaucher à la Gibson Flying V (dont les cordes étaient montées à l'envers) lors des sessions enregistrées à Saint-Louis. Attention ! Plusieurs de ces faces figurent déjà sur le Modern Blues MBLP 723 paru en 1989. Néanmoins, l'intérêt de cet album est réel puisqu'il compile des faces réparties sur plusieurs vinyls qui furent enregistrées entre 1959 et 1963 sur les labels Bobbin et King. La session retenue par Ray Topping s'ouvre sur un morceau jazzy typique de l'esprit du Saint-Louis Blues des années 60 avec Let's have a natural ball sur lequel Wilbur Thompson (trumpet) et Otis Wright (bass) sont particulièrement inspirés. C'est avec Don't throw your love on me so strong enregistré sur Bobbin par Bobs Lyons son propriétaire et commercialisé sur King Records, qu'Albert King obtint un joli succès au Bilboard R§B charts. L'Amérique profonde des sixties découvrit alors ses longs instrumentaux en tempo mi-lent qui créaient un effet hypnotique. Albert King joue un style blues original de " blue note sustained " qui prolonge sa voix chaude dans un florilège de notes en glissando. What can I do to change your mind et I walked all night long caractérisent ce style particulier. A noter que sur Dyna Flow, ou Just Plain Blues, l'accompagnement du pianiste est somptueux (malheureusement non crédité !) La technique " dévastatrice " d'Albert King sera copiée ultérieurement, entre autres, et avec le succès que l'on sait, par… un certain S R Vaughan. En résumé, ces 22 titres marquent le début de la riche et mémorable discographie de ce bluesmen. Les trois prises alternatives en bonus apportent une touche de curiosité à des titres classiques bien connus des amateurs (Blues at Sunrise, Why are you so mean to me et The time has come). Les inconditionnels d'Albert King se précipiteront donc chez leur disquaire favori pour acquérir cet album. Les autres découvriront avec bonheur, espérons-le, un artiste emblématique de l'histoire du blues moderne.

Texas Eastside Kings

Dialtone Records DT 0005

C'est un stéréotype d'écrire que les clubs du Texas ont toujours été un véritable creuset de bluesmen. Force est de constater avec cet album que la formule n'a pas pris une ride. Eddie Stout propriétaire du label DIALTONE à Austin (Tx) et accessoirement bassiste de Matthew Robinson (cf infra) a eu la bonne idée de produire des artistes locaux qui entretiennent la flamme. Un blues du terroir comme on l'aime sans fioritures : authentique et éternel. Le casting est composé de Clarence Pierce (guitar) Donald " Duck " Jennings (trumpets) George Underwood (guitar) Ephraim Owens (trumpet)? Willie Sampson (drums) et James Kuykendall (bass) qui sont des habitués des clubs de l'est d'Austin. L'atmosphère de l'album est frappée du sceau " made in Austin today ", sorte de mealting pot des influences, en passant par les rythmes lents Been a long time jusqu'aux morceaux comme Cut You Loose ou Tell Me au tempo enlevé. De cette pléiade de bluesmen pour la plupart inconnus de ce côté ci de l'Atlantique, on retiendra le jeu sobre et dépouillé du guitariste George Underwood sur Just because my beard is white, I Found Someone et sur Tell Me. Le pianiste Nick Connolly valorise les compositions par son toucher aérien. Ecoutez donc sa version de Stranded ou de Love of Mine ! La rythmique qui ciselle un tempo d'orfèvre est assurée par James Kuykendall qui régale sur les morceaux à tempo mi-lent tel Hoochie Mama ou Kuyk's Back. Clarence Pierce chanteur au timbre acidulé, dont la guitare excelle avec des effets glissando saisissants avec un son très fifties, rend une copie très convaincante sur la très belle ballade You Hurt Me. La section cuivre n'est pas en reste avec un " Duck " Jennings et Ephraim Owens en pleine forme notamment sur Mrs Dee. La diversité des genres et la richesse des interprétations constituent donc l'arme fatale de cet album qu'il est urgent d'acquérir pour s'imprégner de l'ambiance d'Austin… aux antipodes des sentiers rebattus du Blues FM. Indispensable pour terminer l'année en beauté !
Disponible sur le site : http://dialtone.home.texas.net et en import sous les réserves d'usage début 2002 chez Boogie à Levallois-Perret.

Matthew Robinson and the Texas Blues Band

DIATONE DT 0006

Eddie Stout vient de produire chez Dialtone le nouvel album de Matthew Robinson. Ce dernier s'est taillé ces dernières années une flatteuse réputation au Blues Estafette à Utrecht en tournant avec Willie Foster, Blues Boy Hubbard, Phillip Walker et avec son propre groupe les Texas Blues Band (1998). Après l'excellent album " Bad habits " (Fedora FCD 5008) ce texan sort une seconde galette du même tonneau. Dans la lignée des vedettes locales d'Austin, Blues Boy Hubbard ou T.D. Bell, Matthew Robinson est un fin guitariste et un chanteur émérite. Sa voix éraillée au timbre légèrement acide et aigü lui permet des variations originales dont il ne prive pas, pour le plus grand plaisir des amateurs du genre comme sur Don't start me talking ou I asked for water en totale osmose avec son invité Johnny Moeller. Comment ne pas rappeler son talent de musicien dont la guitare au jeu délié en petites touches saccadées magnifie un phrasé de toute beauté comme sur Too many dirty dishes. Son band est à la hauteur. Outre Eddie Stout, bon bassiste de surcroît, sa section cuivre étincelle sur l'interprétation de I got what it takes de Willie Dixon à laquelle il répond magistralement à la manière des blues shouters du chiltin' circuit. Donald Duck Jennings et Ephraim Owens déjà vus dans les Eastside Kings tout comme l'organiste Mickey Bennett démontrent leur savoir-faire énorme sur des morceaux qui swinguent intensément comme too many drivers et Meat me with your black drawers on. Le dernier titre de l'album Party all night porte bien son nom tellement le groove qu'il dégage incline à passer la nuit dans un club du côté d'Austin…
Indispensable bien sûr ! Disponible sur le site de DIALTONE (voir ci-dessus).

retour haut de page


Tome 1 | Tome 2 | Tome 3

Sommaire de Tous les Numéros | N° suivant | N° précédent