La Gazette de GREENWOOD
n°25 (Novembre 2000 )

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New York Blues dans les eighties :
Les jams du Dan Lynch Cafe

Date: 22 Octobre 2000
De: Jean-Michel Borello <jeanmichel63@wanadoo.fr>

J’ai envie de vous parler d’un endroit magique qui malheureusement n’existe plus aujourd’hui mais qui restera à tout jamais gravé dans la mémoire de ceux qui l’ont connu: le Dan Lynch Cafe. Il était situé dans Manhattan, sur la 2° avenue, entre les 13° et 14° rues ,dans ce qu’on appelle l’East Village. C’était à l’époque un quartier encore populaire, avec des épiceries indiennes ,des restaurants ukrainiens ou juifs, des dealers et quelques prostituées.

J’ai intensément fréquenté ce lieu entre 1985 et 1989,à une époque où j’habitais le New Jersey, à vingt minutes de voiture de Manhattan.

En arrivant aux USA, j’ai bien sur cherché à entrer en contact avec les milieux du Blues et quelques jours après mon arrivée, je tombais sur une annonce sur le Village Voice à propos d’une New York Blues Appreciation Society. Mon coup de téléphone tomba sur une voix féminine qui m’invita à venir les voir au Dan Lynch Cafe, dimanche prochain à 17h.

Bill Dicey
Bill Dicey

Ce jour là, je pris une poignée d’harmonicas (je n’osais pas encore prendre ma Fender…) et le cœur battant, je poussais la porte du bar. Une odeur âcre me pris à la gorge, mélange de bière, d’urine, de grésil et d’herbe brûlée…L’endroit était très sombre. A ma droite, le bar, avec une charmante serveuse blonde (qui venait de Zurich et qui s’appelait Carol comme je l’ appris plus tard) au fond, un billard, juste devant les WC. Et à ma gauche, derrière ce qui devait être l’ancien comptoir, l’orchestre, qui jouait un Chicago Blues sourd et violent. Il s’agissait de Bill Dicey, harmoniciste chanteur et animateur des fameuses Sunday afternoon jam du Dan Lynch. A gauche de l’orchestre, un escalier menait à la cave ,domaine du gérant (Mike, antipathique à souhait ,mais pas un mauvais bougre quand on le connaissait) et de certains initiés qui en remontaient souvent chancelants…Sur les murs ,on pouvait voir les affiches des groupes qui se produiraient dans les prochaine semaines. Le Dan Lynch passait un groupe par soir, essentiellement des locaux. Le public de ce dimanche était composé des musiciens qui attendaient patiemment que la jam s’ouvre. Lorsque Bill eu terminé son set, ce fut le moment de s’inscrire sur la liste . Je compris plus tard que cet instant était hautement stratégique. Si on optait pour s’inscrire tout de suite, on jouait devant dix personnes et pas avec les meilleurs musiciens…Si on se mettait vers la fin de liste, on risquait de ne pas passer du tout, la jam se terminant à 21h…Le mieux, c’était de viser les 19/20h heures, l’endroit était alors bourré à craquer…

Nat Riddle
Nat Riddle

Cette scène, je devais la revivre pratiquement tous les dimanche après midi pendant ces quatre ans…J’ai plus appris le blues dans ces jams que pendant tout le reste de ma vie ! L’expérience de jouer chaque semaine vingt minutes durant avec des gens différents avec lesquels il fallait s’adapter dès les premières mesures valait bien tous les professeurs du monde ! Et le public, quoique bienveillant en apparence était sans pitié…On était obligés de sortir le meilleur de soi. Comme j’étais guitariste/chanteur, j’avais le privilège de pouvoir choisir mon répertoire et je m’étais fait un point d’honneur à venir chaque dimanche avec trois nouvelles chansons que je travaillais avec acharnement pendant la semaine…

La musique n’était pas, loin de là toujours de la meilleure qualité, mais ce bar ruisselait d’authenticité…N’importe qui poussant la porte savait dès l’entrée qu’il était dans le royaume du Blues…C’était d’ailleurs le seul bar de New York où on pouvait éprouver ce sentiment. Ailleurs, ça pouvait être plus propre (ça, c’était facile) l’orchestre pouvait être plus organisé, le patron plus sympathique ,mais nulle part ailleurs ça ne pouvait être plus Blues ! Le public était mixte, noirs et blancs mélangés, ce qui était plutôt rare à New York, composé de gens du quartier, d’étudiants, mais surtout de musiciens qui venaient là pour se rencontrer et se mesurer les uns aux autres.

Holmes Brothers

 

Les jams étaient dès le début (vers 1981) menées par Bill Dicey, un excellent harmoniciste mais qui avait hélas de mauvaises habitudes de vie…Comme d’ailleurs un certain nombre de figures du bar…Ce qui fait que pas mal de ces gens sont aujourd’hui hélas passés dans un monde meilleur. Il a ensuite laissé la place à Sherman Holmes (bassiste des Holmes Brothers, la photo de pochette de leur 1° cd est d’ailleurs prise au Dan Lynch) puis à Harry Holt (également bassiste et grand junkie devant l’éternel) .

Lorsque j’y étais, une des principales figures était Charlie Hilbert, le guitariste habituel de Nat Riddle (que je n’ai hélas jamais pu voir , il était alors reparti en Caroline, mais j’en ai beaucoup entendu parler) Les habitués racontaient avec effarement sa rentrée dans le bar, un soir de décembre 1985,dégoulinant de son sang car il s’était fait tirer dessus par l’amant de sa copine au coin de la rue…Il a d’ailleurs quitté New York après cet incident. Et puis Adam Gussow, le futur compagnon de Satan, Wild Bill Durkins, un impressionnant guitariste blues/rockabilly, Sleepy Lester, mon vieux collègue harmoniciste du Mojo Hand Blues Band, Poppa Chubby, qu’on aimait pas trop parce qu’il jouait trop fort et pas bien, Chuck Hanckok, un saxophoniste franchement déjanté…Et Andy Story, un grand guitariste qui aurait pu faire une belle carrière s’il avait bien voulu quitter son job à la poste…Et puis encore des dizaines d’autres…Il n’y avait pas que des bons, mais presque tous avaient cette folie particulière qu’on semblait attraper rien qu’en poussant la porte du bar !

Jean-Michel Borello (gtr) et Lorraine Larocca

La chanteuse (il y en avait beaucoup qui venaient) qui m’avait le plus sidéré était Lorraine Larocca, chauffeur de taxi, aussi large que haute, lunettes noires et bracelets de cuir ,et qui à chaque fois qu’elle apparaissait ,jouait deux morceaux, toujours les mêmes : " Mean and evil " un blues lent en ré avec un break qui faisait à chaque fois écrouler le bar et " Johnny B Good " Après elle, on ne se bousculait pas pour monter jouer…Par contre, on se serait volontiers battu pour l’accompagner !

Il y avait deux batteurs avec lesquels je m’entendais particulièrement bien : Les, un petit exilé polonais qui jouait déjà dans son pays avec le meilleur groupe de blues local (d’après ses dires) et Charles Otis, un très élégant monsieur, avec un éternel cure dent dans la bouche et qui racontait des histoires incroyables sur tous les gens qu’il avait accompagné dans sa longue carrière…

Vers l'été 1988,j'étais parti en vacances dans le Sud et en rentrant, le premier dimanche, je fonce au Dan Lynch.Les types me disent:"Oh man,you really missed something last week! A young french guy came, kind of little fellow, he sang and played the guitar just like BB King himself! He tore the joint down, man! His name was Frank Ash I think!"
Hé oui,Frank était là...Il leur avait laissé à tous un souvenir inoubliable. Et moi, j'avais raté ça...

Le répertoire habituel était surtout basé sur le Chicago Blues, mais on pouvait aussi y entendre de la soul (I got you de James Brown était un grand favori) et un peu de rockabilly ou de jazz. Le rock’n’roll contemporain était strictement prohibé par une règle non écrite mais très respectée…J’ai vu Harry Holt (1,58m et 43kg) virer un guitariste chanteur body buildé en disant : " We dont play no Rock’n’ Roll in here man ! " Et tout ça avec le soutien unanime du public.

On voyait aussi souvent Len Kunsdadt, ex mari de Victoria Spivey et producteur des disques du même nom . Il adorait venir enregistrer ce qui se passait dans le bar et de temps en temps il sortait un album en général inaudible, mais donc tout le monde était très fier ! Toute la collection était à vendre au bar. Je regrette de ne pas avoir tout acheté à l’époque parce qu’aujourd’hui ces disques atteignent des sommets dans les magasins spécialisés !

Après être passé par deux années où il était devenu très à la mode (1993/1995),ce qui a d’ailleurs du le tuer, le Dan Lynch cafe a fermé en 1996 et a été remplacé par un restaurant " Health food " pour yuppies pressés. Lorsque j’y suis repassé en 1999,c’était une boite techno.

Tout cela est bien triste, mais ainsi va le monde…Les dealers, les junkies, les prostituées et les dingues de blues ne paradent plus devant l’entrée du bar. New York a décidément bien changé.

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Guy Davis (Cognac 2000)

A road guy ?
GUY DAVIS
Butt Naked Free

Date: 25 Octobre 2000
De: Chris Ridin' On Godel <christophe.godel@freesbee.fr>
(photos de l'auteur)(sauf la pochette du CD!)

Replaçons le contexte :
Fin juillet 2000 - Cognac - Une des grandes claques du festival fut la découverte de Guy Davis. Enchantement, admiration, bonheur, plaisir, sensibilité, inventivité, passion étaient au rendez-vous.
On pouvait entendre ici ou là, des "Ce Guy Davis est génial", "Ce titre est fabuleux, ça me touche", "Moi, je retourne le voir une troisième fois", "eh, j'ai croisé Guy Davis, trop sympa ce gars", "Que dire... je suis conquis", etc. Oui, le personnage est attachant, touchant, sensible tout en étant gai, léger, plein d'humour. Il transpire la musique et le blues en particulier. Voilà entre autre tout ce qu'on pouvait retirer de ses concerts. Restait plus qu'à voir ce que ça pouvait donner en studio, c'est pour cela que je n'ai pas hésité à acheter son album (Butt Naked Free) pendant le festival.

CD Guy Davis Ce disque est un de ceux que j'écoute le plus depuis juillet. Je crois qu'il est évident que je l'aime, et que je retrouve tout ce que j'ai ressenti à Cognac. Bien sûr, on pourrait me taxer de la nostalgie aigu, ce qui ne serait pas faux, mais tout de même, il y a matière pour qualifier cet album d'indispensable !

Contrairement à Cognac, on le retrouve sur pratiquement tous les titres accompagnés d'autres musiciens. Et les quelques titres entendus à Cognac s'en trouvent très souvent bonifiés ! Seul, Guy Davis vaut clairement le détour, mais accompagné, ça le fait véritablement. Cela lui donne tout le panel possible pour poser l'ambiance qu'il souhaite à ses titres. Chacun de ses titres est une petite tranche de vie.
On y retrouve vraiment l'esprit de Guy Davis tout au long de l'écoute du disque. Premièrement, dans le livret, à la première page, vous pourrez lire un "Did you know". 3 petites anecdotes pleines d'humour, le concernant de près ou de loin.
Ensuite, pour quasiment chacun des titres, le thème, son inspiration ou son influence est présenté en quelques lignes. C'est vraiment sympathique comme idée. On prend tout de suite la mesure du morceau, on s'en imprègne encore mieux voire on le comprend mieux. Et c'est parti pour 13 morceaux excellents, où Guy Davis fait preuve de technicité et de fealing à la guitare 6 ou 12 cordes, et à l'harmonica.

Ca commence par la narration fort rythmée d'une partie de carte, basé sur un riff de Son House revu et travaillé par Sieur Davis. Avec ce "Waiting on the cards to fall", on est dans l'ambiance immédiatement. Le Sud n'est pas loin je vous le dis.
Et d'ailleurs on la prend, cette route qui mène au Sud, avec l'excellente ballade bluesy suivante, racontant la vie d'un "road guy" justement.
Et finalement, on sait que l'on y est dés qu'on entend ce "Writing paprer blues", reprise assez fidèle du morceau de Blind Willie Mc Tell ! On y est, on y est, je vous dis. Sa voix rauque et son excellent jeu à l'harmonica nous transporte, soutenu en cela par un très bon jeu à l'orgue !
Histoire de confirmer notre situation, Guy Davis nous distille un "Sometimes I wish" très sombre, influencé par le titre "Death ain't got no mercy in this land" de Gary Davis, tellement influencé, que pour Guy, il est de lui. Uniquement accompagné d'une basse, ce titre est vraiment saisissant.
Afin de reprendre la route de façon plus légère et jovial, un titre assez proche du Kansas City style je trouve (les spécialistes confirmeront!). Premier titre où on le retrouve véritablement seul, lui et sa guitare. Ca y est, on recommence à battre la mesure du pied.
Rythme qui ne fera que s'amplifier avec le titre suivant, plein de vie, qui s'appelle "Never met a woman treats me like you do". Ce doit être lié !! En tout cas, la formation entière se fait plaisir. On a droit à la batterie, basse, mandoline, accordéon, guitare, harmonica, ainsi que la voix de Guy, un peu poussée, crois-t-on, mais point n'en est.
Guy nous emméne ensuite dans une petite ville perdue des US, où il nous compte l'histoire vraie d'une gamine de lycée qui lui a demandé de partir avec lui, alors qu'il officiait pendant une semaine pour un cours artistique. Sugarbelle blue est une magnifique histoire et une magnifique ballade. La guitare de Guy est accompagnée par un accordéon très présent, rendant l'ensemble fort agréable.
Guy Davis (Cognac 2000) Après cette halte touchante, Guy reprend la route avec son "meet me where the river turns". Un p'tit blues dansant et léger fort sympathique. Et je vais le citer pour que vous preniez mesure du personnage :"I wrote this song in about one hour while driving through British Columbia. I guess I must've seen a river somewhere". Voilà ce n'est pas plus compliqué que cela le Blues. Une heure, un blues, un p'tit morceau de vie léger et plein de soleil.
Ensuite, il nous fait partager un souvenir d'enfance, souvenir d'un gars étrange qu'il voyait en face de sa maison jusqu'à ce que son père lui donne de l'argent et qu'il s'en aille. Plusieurs années plus tard, cela donne un country blues à la Big Bill Broonzy et Doc Watson. Mandoline, guitare et harmonica, ce "Rambling Ways" est un régal je trouve.
Encore un souvenir :une vieille dame de Harlem lui avait raconté comment elle ramassait le coton et comment elle s'esquivait avec son petit ami. Il nous distille là un superbe jeu de slide à la 12 cordes, lui seul ! Ce "Come On Sally hitch a ride" est dans la plus pure tradition du delta ! Excellent... paroles limitées, tout dans l'expressivité et le double sens des mots, et dans le bruit du bottleneck qui heurte le manche ! J'adore !
Titre suivant, "ain't no bluesman". Première mention de son fils Martial, qui, soit dit en passant, a l'air d'être un sacré numéro, comme son père. Ce titre haut en rythme et en couleur, où l'harmonica prédomine une nouvelle fois. Il me fait un peu penser à un "Baby please don't go" pour vous situer la musicalité du titre ! "Ain't no bluesman, I'm the bluesman's son, but I'll sing this song until my Daddy comes" ! Cette chanson, écrite à Calgary, était véritablement chanté par son fils, jusqu'à ce dernier "claims he's retired" :-)
On en arrive à l'avant dernier titre, qui donne son nom à l'album. Il est encore question de son fils, qui dansait comme un sauvage sur ce titre parait-il. Du coup, Guy Davis l'a laissé tel quel, un superbe instrumental où il fait preuve d'une très grande dextérité à la 6 cordes. "Butt naked free" est un titre vraiment plaisant, et sûrement très captivant pour tout bon guitariste !
Et la route s'achève ici, avec ce superbe "Raining in my soul". Un blues lent où l'harmonica est Roi, Roi du blues, Roi de ces notes bleues qui peuvent vous déchirer le coeur et vous emmenez vers je ne sais quelle contrée obscure de votre Histoire. La guitare électrique est là au service du reste des instruments, distillant quelques phrases d'ambiance magnifiques ici ou là, dans le lointain. La guitare sèche de Guy s'occupant d'une rythmique impeccable. Comme le souligne Guy Davis, même si ce morceau a été très rapide à écrire, il a mis des années à se construire en lui. Et croyez-moi ça se sent, à croire que par moments, il réussit à sortir quelques éléments vous appartenant tout aussi profonds.

Voilà ce que je peux ressentir après une petite virée sur la route de Guy Davis, un plaisir sans cesse renouvelé. Cet album vaut vraiment le détour à mon sens, il est riche, riche de blues et de sentiments simples.
Bien sûr, c'est album studio très abouti, léché, où Guy joue de plusieurs instruments, sûrement enregistrés les uns après les autres, même pour les parties guitare/harmonica. Je ne suis pas sûr de cela, mais cela m'est indifférent, car pour l'avoir vu sur scène, il maîtrise parfaitement toutes ces techniques. Et ce qui est bien avec lui, c'est que sa technique est mise au service du blues et de sa vie, aucune excentricité, aucune démesure, aucune démonstration de force. C'est juste, c'est beau, ça sonne bleu, ça sonne Blues.


réf CD: GUY DAVIS - BUTT NAKED FREE [Red House Record - RHR CD 142]

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Thierry Anquetil

Interview:
Thierry Anquetil

une main géante m'est tombée dessus...

Date: Octobre 2000
De: Cédric Vernet <cedricblv@hotmail.com>

Thierry Anquetil fait partie du peloton du blues français.  Originaire de Caen, ce chanteur guitariste perpétue avec passion le Chicago Blues dans sa plus pure tradition. Il était le 14 Octobre 2000 programmé lors de la nuit du blues du Train-Théâtre de Portes-Lès-Valence en première partie de John Hammond. C'est après son excellent concert que nous l'avons rencontré, pour Radio BLV et LGDG. Cette interview est disponible intégralement en Real Audio sur www.bluesnco.fr.fm


LGDG : Avant de commencer cette interview, peux-tu nous donner tes impressions sur cette très belle salle du Train-Théâtre ?
Thierry Anquetil :
Super impression, super endroit, super accueil ! L'acoustique de la salle est vraiment génial. Le public y était très éclectique, sympathique et humain.

LGDG : Où en est ton projet de deuxième album ?
Thierry Anquetil :
Le deuxième album attend des sous. Nous avons fait des demandes de subventions au conseil général de Basse-Normandie qui vont certainement se débloquer. C'est un problème matériel mais on est plein d'espoir. Je suis conscient que tout cela a pris du temps et je m'en excuse auprès du public qui attendait un nouveau disque. De toute façon, ça nous devient vital d'avoir un nouveau produit vraiment pro. Actuellement nous avons un nouveau disque mais il est artisanal. Cela nous permet tout de même de démarcher dans les festivals. Le principal c'est d'être présent et de continuer à être vivant.

LGDG : Le premier album date de 1997 et il comprenait que des compositions personnelles. Est-ce-que ça te tente de faire des reprises sur le prochain disque.   ?
Thierry Anquetil :
Oui tout à fait. Je me sens plus interprète dans ma tête que compositeur. Quand on est un bluesman, je pense que la créativité est dans l'improvisation. Le blues, comme le jazz, sont des musiques d'improvisations. C'est là qu'on trouve notre bonheur. Mais je continuerais à faire des compositions bien entendu. J'envisage même de faire des titres en français. C'est une autre démarche, c'est un autre monde. Pour l'instant, je veux rester dans le blues et être un bluesman européen au niveau artistique donc je continue à chanter en anglais.

LGDG : Quel regard porte-tu sur le blues français contemporain ?
Thierry Anquetil :
J'ai rencontré Patrick Verbeke au festival de Tullins. Ca s'est très bien passé humainement parlant. Quant je suis rentré sur Caen, j'ai écouté son nouvel album quelques mois plus tard et j'ai  pris une claque. Je pense qu'il est vraiment au top. Il ne faut pas oublier que des gens comme Benoît Blue Boy ou Patrick Verbeke sont des pionniers du blues en France. Ils ont tracé la voie et lorsque la brèche était faite on est passé derrière eux. Ils sont la preuve qu'on peut chanter le blues en français et je chanterais moi aussi un jour en français. Mais pas seulement, l'anglais est tout de même une langue universel. Je suis en fait devenu un défenseur du blues français. Il y a quelques années, je pensais que le blues ne pouvait se chanter qu'en anglais. Mais le débat blues français / blues anglais n'a pas de sens. L'essentiel c'est de le faire avec le cœur.

LGDG : Chanter en français permet peut-être une meilleure communication avec le public ?
Thierry Anquetil :
En utilisant la langue française, les français vont bien sûr mieux nous comprendre. Cependant, dans les festivals de blues, je suis persuadé que la moitié du public ne comprend pas l'anglais et pourtant ils sont là et ça leur plaît à mort ! Pourquoi ? Parce que le blues est un état d'esprit avant même d'être une musique, une couleur de peau, une langue. Donc on ressent l'émotion. Tout le monde connaît bien les textes de blues puisque c'est la vie de tous les jours, aussi bien la vie triste que la vie heureuse. Que tu chantes en espagnol, en français ou en chinois le blues est toujours là.

LGDG : Tu as joué deux fois au festival de Tullins. Tu y as rencontré Patrick Verbeke en 2000 et Franck Ash en 1999. Ce dernier nous avais dit en interview qu'il avait gardé un très bon souvenir de sa rencontre bluesical avec toi. Je pense que ça doit être réciproque ?
Thierry Anquetil :
Oui tout à fait. Bizarrement avant de venir la première fois à Tullins il y a 2 ans, j'avais fait une  interview sur le magazine BLUES & Co. Lorsqu'ils m'ont demandé quels étaient mes bluesmen français préférés, c'est lui qui m'est venu en tête en premier. Le hasard a fait qu'on s'est retrouvé quelques mois après ensemble sur la même scène à Tullins. J'en ai un super bon souvenir. C'est vraiment quelqu'un de très pro.

LGDG : La presse spécialisée te considère comme un des 4 meilleurs bluesmen français. Qui mettrait-tu dans ton podium de tête.
Thierry Anquetil :
Tu me poses une question qui me touche directement car j'ai toujours exclu d'entrée de jeu l'esprit de compétition et de comparaison dans un domaine artistique. Les podiums c'est bien mais pour le sport. Si on peut dire que quelqu'un est meilleur c'est qu'il va t'aller droit au cœur. Mais après c'est une question de circonstance. En ce qui me concerne, je peux difficilement faire ce type de classement. On peux tous être numéro un.

LGDG : Comment as-tu découvert le blues et as-tu découvert la musique avec le blues ?
Thierry Anquetil :
Non, j'ai toujours été fou de musique. Je suis chanteur avant d'être guitariste. J'ai toujours chanté. Le plus loin souvenir que j'ai c'est quand, tout petit, ma mère chantait Tino Rossi et Luis Mariano, et que je chantais derrière elle. A 12 ans, je faisais des imitations de Tino Rossi et de Luis Mariano et je chantais dans les mariages. C'était mes premières idoles. Ensuite, je suis venu tout naturellement à la variété française : Claude François et Eddy Mitchell. Lui, ça commençais à me travailler lorsqu'il s'est mis à faire deux ou trois Rock'n'roll. Je regardais sur les albums, c'était signé Claude Moine et Chuck Berry. Et justement, c'est à l'armée, en 1976, que j'ai eu la grande révélation. Je suis allé voir Chuck Berry au stadium municipal de Toulouse. J'ai pris une claque quand il a fait un blues. J'avais jamais entendu de blues de ma vie ! J'ai eu une main géante grande comme le stadium municipal qui m'est tombée dessus et j'étais enterré six pieds sous terre. Si tu veux, la première fois que j'ai entendu un blues, ça m'a claquer la tête parce que ça correspondait vraiment à ce que j'avais toujours en moi, à mon feeling. J'ai trouvé la musique qui correspondait à mon état d'esprit et là j'ai foncé.

LGDG : Qu'est ce que le blues t'as apporté de plus beau dans la vie ?
Thierry Anquetil :
A l'époque je ne jouais pas d'instrument. Le fait de s'intéresser au blues m'a poussé à en apprendre un. Lorsque je suis rentré de l'armée, fin 1979 à 22 ans, j'ai acheté ma première guitare. J'ai fait mon premier concert en Septembre 1980 alors que j'avais six mois de guitare !

LGDG : Comment s'est passé ton été musical ?
Thierry Anquetil :
L'été s'est très bien passé. On a fait pas mal de choses dont Tullins avec en première partie Popa Chubby. C'est toujours un plaisir de venir au festival de Tullins. L'ambiance, l'accueil, c'est super sympa pour tous les artistes qui vont là-bas.  On a passé une bonne saison en général même si on n'a pas été débordé par les évènements. On fera mieux l'année prochaine. 

LGDG : Thierry Anquetil, merci et à très bientôt.
Thierry Anquetil :
A bientôt merci !

 

Propos recueillis par C.Vernet le 14/10/00 pour Radio BLV
(BLUES'N'Co, tous les samedis de 12H15 à 14H, Radio BLV - 93.6 FM (Drôme - Ardèche), Sur le web : www.bluesnco.fr.fm )

 

Contact Scène Rhône-Alpes  : BGB Productions - 04 76 07 78 33 Hors RA : 02 31 08 49 36

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Cadi Jo Blues Band
CADI JO BLUES BAND
Rester Tranquille

Date: 9 Octobre 2000
De: Uncle Lee <latailla@club-internet.fr>

Voilà un disque bien frais ! Non pas qu'il vient de sortir (il est disponible depuis fin 1999), mais il est " musicalement " frais. Cadi Jo Blues Band est un groupe de blues (vous vous en seriez douté) qui distille une musique joyeuse.
Jean-Pierre Carraro (alias Cadi Jo) est un as de l'harmonica, mais il n'en fait pas une montagne et son disque n'est pas " que " un disque d'harmonica. C'est le disque d'un groupe qui a décidé de nous faire passer un bon temps et de faire danser dans les chaumières en puisant son inspiration dans le blues habituel (et ce sont de bonnes habitudes : Chicago, New-Orleans, Mississippi) qu'ils n'hésitent pas à mâtiner de funk et rock, voire de rockabilly. Même dans un instrumental comme " So Long Brother " qui démarre très roots (harmonica + guitare acoustique), la pression monte avec l' arrivée de la basse et de la batterie, et termine hard (blues) avec la guitare électrique sur-saturée.
Le groupe possède une " french touch " indéniable, puisque ses textes sont chantés en français : Cadi Jo fait partie de ces joueurs de blues qui osent la langue d' Astérix et qui y réussit parfaitement : textes intelligents qui évitent les clichés blues (qui une fois traduits perdent souvent toute leur saveur). Les clins d'oil au blues sont pourtant souvent présents mais restent discrets. Ainsi, la rivière auprès de laquelle la fille aimait traîner pourrait être l'Adour, le Cher ou l'Odet, mais on apprend au détour d'une phrase que dans ses rêves " c'était le Mississippi " !
La voix est parfaitement placée par rapport à l'instrumentation ; je le précise car j'ai lu quelque part que le chant était un peu trop masqué derrière les instruments. Que nenni ! A mon goût, c'est impeccable, ce dosage voix/instruments est parfait pour qu'on puisse dire, à l'instar de groupes comme la Sale Company ou A86 : " c'est du blues français ". Cadi Jo ne déclame pas de la poésie (quoique.) et sa voix est un instrument à apprécier parmi les autres.
Nos musiciens bordelais connaissent la musique, celle qu'on aime, et ils nous proposent là un disque des plus réussis. La preuve, quand je l'ai mis dans mon lecteur de CD, tout le monde chez moi s'est mis à danser ! Le groupe existe depuis 3 ans et a déjà de nombreux concerts (notamment au Cricketers de Bordeaux) ou premières parties, festivals, etc. Quant à lui, Jean-Pierre Carraro souffle dans son harmonica depuis plus de 15 ans et ses maîtres s'appellent George Smith, Little Walter et Sonny Boy Williamson. En 1988, il a remporté le trophée HOHNER " Hommage à Sonny Terry ", puis a été se produire aux USA et Canada aux côtés de quelques grosses pointures. Un vrai blueseux donc ! Mélangez avec un guitariste, un bassiste et un batteur plus rocks, et vous obtenez le Cadi Jo Blues Band, qui nous prépare un second disque pour bientôt, alors restez tranquille : savourez celui-là en attendant.

Jean-Pierre Carraro (harmonica, chant), Jean-Claude Horgue (batterie), Pierre Bernard (basse), Hervé Fodor (guitare)

réf CD: " Rester Tranquille " 63625662 CJ

Contact : " Musique à Bouche " Production, 34 rue Jeanne de Lestonnat 33440 AMBARES
Tel/fax : 05 56 77 50 12
E-mail : CADIJO@free.fr

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livre: "LE BLUES"
un coup de Blues à 10 F... pas cher!
"LE BLUES" Stéphane Koechlin (Librio Musique)

Date: 14 Octobre 2000
De: Aliocha <al.blues2000@magic.fr>

Cet ouvrage, comme toute la série Librio Musique d'ailleurs, se divise en deux grandes parties, la première traite le thème à proprement proprement parler de l'ouvrage (ici Le Blues), la deuxième est composée d'annexes : lexique, chronologie, discographie sélective, bibliographie, et sites internet. Mais nous avons droit en plus pour cet ouvrage à une préface, signée par l'inévitable et toujours sympathique Patrick Verbeke. Que dire sur la préface si ce n'est que c'est du Verbeke. Alors on aime ou pas, moi j'aime.

Le Blues (librio) Dans "Le Blues" la première partie se lit comme un roman : il s'agit d'une historique du blues romancée, qui prend comme points de repères des personnalités marquantes de l'histoire de notre musique. Et si je parle de roman, c'est qu'à aucun moment on ne rentre vraiment dans les détails "techniques" (dates, heures et lieux des enregistrements, musiciens présents ou supposés présents, température extérieure au studio, température à l'intérieur du studio, menu du jour au restaurant au coin de la rue, etc ...) ; S.Koechlin nous dévoile l'histoire du blues, avec ces "légendes" et tous les petits trucs qui rendent le blues aussi mystérieux au premier abord, mais sans pour autant tomber dans la fiction, il ne s'agit pas d'une version écrite de "Crossroads" (le film). On est tout le long du livre captivé par l'aspect magique du blues, et même quand on croit déjà connaître tout cela. Alors si les plus acharnés des "archivistes" pourront trouver ce livre a priori trop axé sur le "mythologie du blues", je ne peux que leur conseiller de ce faire leur idée par eux-même : ils risquent d'être fort surpris.

La seconde partie permet d'avoir quelques renseignement précis qui font peut-être un peu défaut à la première partie (et encore) : une chronologie avec certaines des dates marquantes, un lexique rapide pour comprendre un peu mieux le jargon, et une discographie relativement complète. On s'étonnera cependant de la distinction faite dans la discographie entre "Le courant Jazzy" qui comprend T-Bone Walker, Duke Robillard et Boz Sgaggs, et "Le Blues Californien" qui ne comprend que Charles Brown, mais il s'agit toujours du même problème de classification. Mais autrement tout est bon à garder !

Nous sommes ici en présence d'un ouvrage à mettre entre toutes les mains, à prêter et à offrir à "qui-mieu-mieu", surtout quand on considère le prix ! Pour dix francs, s'en passer est inacceptable, quitte à faire l'impasse sur son paquet de clope quotidien. Je conseillerais même de l'offrir accompagné d'une bonne compile de blues (voire deux, ou même de plusieurs disques de blues) ; car le livre + la compile = un ou une nouvel(le) adepte du blues ... c'est beau les maths ! ! !

J'allais oublier le défaut fondamental de ce livre, il s'agit d'une défaut impardonnable, qui risque d'en choquer plus d'un, mais je me dois en bon citoyen de vous prévenir : "La Gazette de Greenwood" ne figure pas dans la liste des sites Internet . . . oui je sais on se devrait de boycotter ce livre rien que pour ça . . .

PS : à signaler dans la même collection, des ouvrages sur Coltrane, Miles Davis, Billie Holiday, Jimi Hendrix, mais aussi Bowie, les Beatles, Trenet, Brassens, Dutronc, Gainsbourg, Bashung,, Bob Marley ...

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John Hammond
Il y a tellement de belles chansons...

John Hammond a effectué une tournée en France. La Gazette de Greenwood l'a vu à Blois et à Dijon.

texte: Uncle Lee <latailla@club-internet.fr>
interview et photos: Didier Taberlet <didlus@club-internet.fr>

John Hammond (photo Didier Taberlet) Love In Vain… ce fut le dernier titre qu'interpréta John Hammond lors de son passage à Blois. Et ce fut une des interprétations de ce titre les plus émouvantes que j'ai pu entendre.
Ce concert de 1h30 a été un véritable bonheur, comme une parenthèse Mississippi dans un monde Hip-Hop. Car la présence de John Hammond était presque anachronique dans cette salle visiblement plus adaptée et habituée aux concerts rap ou trash metal. Ceci dit, je ne vais pas critiquer car c'était une très (très) bonne idée de produire John Hammond ! Deux regrets quand même : public pas assez nombreux (ou salle trop grande ?), et première partie assurée par Louis Ville, rock français. No comment, mais pourquoi ne pas avoir programmé un groupe de blues local ?
John Hammond est apparu sympathique, n'hésitant pas à parler (un peu) français, muni de son porte-harmonica, d'une guitare folk et d'une National Steel. Ce fut un festival de Delta Blues (Robert Johnson, Washboard Sam, Cousin Joe, etc) où John Hammond s'est donné à fond. Un très grand moment, en tout cas pour moi qui ai jeté aux oubliettes les à-priori que j'avais sur le personnage. Le titre de " Robert Johnson Blanc " qu'il s'est octroyé (ou qu' "on " lui a apposé) est certes énervant, limite mégalo, mais au fond il le mérite bien ! Il n'a en fait visiblement pas la grosse tête et on ne peut que lui tirer notre chapeau pour sa sincérité et sa fidélité envers le blues.

Quelques extraits des propos de John Hammond à Didier Taberlet (retrouvez l'intégralité de l'interview dans le Blues&co de Novembre 2000):

John Hammond (photo DSidier Taberlet) je n'écris pas de chansons. Je connais beaucoup de chansons, je suis un chanteur, un musicien, c'est ce que j'aime faire. Il y a tellement de belles chansons, je n'en ressens pas le besoin ...

[...]

Je pense que c'est vraiment bien que des personnes jouent du country-blues, en solo. Pour moi c'est l'art du blues.
C'est comme la photographie noir et blanc, c'est vraiment l'art. Je veux dire, la couleur est belle, c'est une autre dimension, mais pour une belle photo simplement le noir et blanc c'est l'essence même.

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Imperial Crowns
Les nouveaux prêcheurs

Date: 20 Octobre 2000
De: Docteur Blues docteur Blues <jtravers@europost.org>

Décidément, Outside Records a le don de nous sortir des albums blues hors du commun, après le succès du "Tribute to Lee Brilleaux" et la mise en lumière du groupe Jesus Volt, le label français réédite un coup de maître avec la découverte du groupe californien Imperial Crowns.
Loin des conventions du genre, on apprécie finalement le retour aux sources d'une certaine forme de blues transmise directement par des écorchés vifs tel que Howlin' Wolf. (Hendrix n'a t'il pas déclaré que la plus grande peur de sa vie fut d'écouter Chester Burnett).
En effet, les Impérial Crowns, comme des affamés, réaniment la flamme, pressent le jus d'un blues d'aujourd'hui, sans édulcorant. C'est peut-être pour cette raison que ce disque étanche notre soif de nouveauté. Il est vrai que sans être méchant avec nous même (musiciens et critiques), on a besoin d'un petit coup de fraîcheur de temps en temps pour nous faire avancer. Les Imperial Crowns : Jimmie Wood à l'harmo, JJ Holiday à la slide et Billy Sullivan aux drums, sont des sidemen accomplis, ils ont joué avec des pointures dans différents styles musicaux, on peut citer : Bruce Springsteen, Megadeth, Hubert Sumlin ou Sunnyland Slim rien que ça ! Ils sont aussi des pensionnaires attitrés du House of Blues de LA. Je vous signale également que des extraits de ce CD ont été employés dans différentes BOF de films américains comme "Simple Plan" et "The Runner", entre autres...

Après les deux titres de mise en jambes, les choses sérieuses commencent avec "Preachin' the blues" un R'n B avec cuivres et slide bien dosés, "Love TKO" une balade country-rock aux accents du Sud, puis le bonheur absolu, un boogie à la JB Lenoir : "Big Boy" véritablement le grand moment de l'album. On reprend un peu ses esprits avec "Since I Met you Baby" sur ce titre le groupe ne fait pas l'impasse sur l'influence californienne et celle de Tom Waits en particulier... Vous en reprendrez bien un petit avec "Altar of Love" le caverneux stonien. Jusqu'au dernier titre "Jack O'Diamonds Blues" la Slide de JJ Holiday est omniprésente et quelle classe mes zamis !!! Bref, un très, très bon disque à ne pas mettre entre toutes les mains ou plutôt si !

réf CD: Imperial Crowns, Outside records OUT 580-009

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La Chaîne Du Blues a cent ans !

En Novembre 1999, La Gazette de Greenwood (elle-même pas très vieille!) fêtait la naissance de La Chaîne du Blues dans son n°13 avec un article :" La Chaîne du blues: enfin sur le web!". Un an est passé (soit environ 1 siècle à la vitesse du web!), et le bébé se porte TRES bien! Genèse d'une très bonne idée:

Date: 31 Octobre 2000
De: Mike Lécuyer <mlecuyer@club-internet.fr>

La Chaîne Du Blues (LCDB) a cent ans !
Hé non, mais qui sait ? Nos sites seront peut-être toujours là dans 100 ans... avec un serveur sur Mars (Jimi Hendrix en webmaster :-). En tout cas c'est un avantage par rapport au papier, bien après notre passage sur Terre on pourra continuer à visiter nos sites... alors que si vous voulez lire les revues que j'ai créées ou si vous voulez écouter les disques (vyniles) que j'ai enregistré (tout ca dans les années 70), il vous faudra être fouineur, patient et chanceux !

Mais pourquoi je vous raconte tout ça ? Tout simplement parce que Uncle Olivier a demandé à Oncle Mike de vous parler du pourquoi, du comment de LCDB (à l'occasion du 1er anniversaire et du 100e membre)...
Je reviens donc à mes revues. Début des années 70, il y a plein de groupes français et les revues de rock ne leur accordent pas assez de place à mon gout. Nous créons donc à 3 personnes, en 71, POP 2000 (hé oui c'était le genre de nom à la mode, comme Sport 2000, etc) dont le sous-titre était éloquent : "Le jounal de la pop française". Nous défendons tous les groupes français (belges, suisses, aussi :-) et je dis bien TOUS. De l'amateur au professionnel. Les pros ont droit à des articles ou interviews. Les amateurs sont dans la rubrique "2000 Groupes" (je n'ai pas atteint ce chiffre !) avec souvent, honneur suprême, un article et une photo ! (Je reçois d'ailleurs parfois un mail de remerciement... 30 ans après ! Merci internet). Je raccroche le stylo.
Après ma carrière (?!?) de chanteur (77-80), je raccroche le micro et la guitare... jusqu'à ce que le multimédia réveille tous mes vieux démons...
Et après avoir créé mon site Bleu Blanc Blues en 97, j'ai bien vu qu'il y avait des webrings américaines et plein de sites anglo-saxons, alors hein pourquoi ne pas créer nous aussi une chaine ? Surtout que j'avais découvert dans les moteurs de recherche quelques sites pionniers francophones tout à fait intéressants... et que ce sont les artistes français qui ont besoin de promotion plutôt que les anglo-saxons largement représentés sur le net comme ailleurs. Attention, que ceux qui soutiennent par leur site des artistes anglo-saxons ne se méprennent pas : j'aime AUSSI le blues anglais ou américain (c'est par la que j'ai commencé) mais je préfère, par mes modestes moyens, "aider" des francophones (je le dit souvent aussi dans mes kroniks de disques) qui n'ont pas beaucoup d'ouverture dans les médias.
Une première tentative en 98 sur le principal hébergeur américain de webrings échoue car je n'y ai rien compris. Même pas fichu de créer ma page d'accueil avec logo et code !
En mai 99 je participe à la Première Soirée Blues de St Pierre du Perray organisé par Pierrot "Mississippi".
Quelques temps plus tard je découvre une (petite) chaine de rock sur le site Web N Zic. Je le contacte donc pour avoir des tuyaux et il me propose de créer l'hébergement de La Chaine Du Blues. Super !
La Chaîne du Blues Après quelques mails d'encouragements de Pierrot "Mississippi" et de son nouveau e-pote Olivier "LGDG" , la chaine est lancée fin septembre 1999... [voir LGDG n°13] (Pas vu à la télé, pas un seul disque Universal, mais c'est cool quand même :-)

Un an plus tard nous sommes déjà un peu plus de cent ! Ce qui est assez remarquable, je crois, pour une chaîne francophone.
Quelques contacts virtuels se sont noués, d'autres bien plus réels ont même débouché sur des concerts, des échanges de disques, toutes choses que je n'avais pas vraiment osé imaginer au départ, tout comme BluesTV sur canalweb.net, ou encore le projet de la rubrique "Chaine du Blues" sur francemp3.com (ça avance), etc.
Pour le nouveau siècle ce serait bien d'organiser un petit grand festival avec les groupes de la chaine. Mais quel boulot. Ma (seule) expérience remonte au temps de mes revues et le festival pop qui était censé renflouer les caisses du journal s'est soldé par un bénéfice de 50 FF pour 2 mois de boulot. Vous me direz que je n'ai pas eu de déficit, c'est déjà bien, ok ! Mais si vous avez des idées là-dessus...

Terminons par un point sur la centaine de sites au 27 octobre 2000 (je n'ai toujours pas eu le temps de dessiner une vraie carte) qui, a l'image de notre musique, présente des coins "encombrés" et d'autres plus rares disséminés ça et là sur notre planète (bleue ne l'oublions pas) :

Canada : 6 sites
Belgique : 8 sites
France - Ile de France : 30 sites
France - Nord de la Loire : 24 sites
France - Sud de la Loire : 33 sites


Blues +
Mike lécuyer


Voir la liste des sites de La Chaîne du Blues

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Mance Lipscomb
songster Texan

Date: 22 Octobre 2000
De: Uncle Lee <latailla@club-internet.fr>

Dans la première moitié du 20ème siècle, dans la campagne du Sud des Etats-Unis, les songsters avaient un importance capitale puisque c'est grâce à eux qu'on pouvait faire la fête en musique ! Les meilleurs songsters avaient un répertoire très vaste composé de chansons apprises de la génération précédente ou à l'occasion du passage d'un "minstrel show" ou d' un musicien itinérant. C'est pourquoi il n'y a pas un " style songster " mais un ensemble d'influences variant avec chaque individu : hollers, ragtime, country, coon songs, hillbilly, ballades, gospel, reels, airs mexicains, etc. Le blues en faisait également partie, mais il n'est apparu en tant que tel que dans les années 1910 ou 1920. Il est important de noter que, si la guitare est devenue leur instrument principal en raison de sa commodité et de sa faculté d'adaptation à tous les styles, il y avait à l'origine de multiples autres instruments utilisés: banjos, violons, flûtes, harmonicas, etc.
Le rôle des songsters était d'animer les fêtes (picnics, soirées, bals, messes, bars) dans les communautés noires et blanches à une époque ou les moyens de diffusion de la musique n'existaient pas. Etre songster était rarement un métier, même si ils se faisaient rémunérer pour leurs services, et c'était la plupart du temps des ouvriers ou métayers qui exerçaient cette activité le soir ou les week-ends. Ils étaient donc souvent sédentaires, chaque contrée possédant ses songsters locaux.

Leur déclin vint progressivement avec le développement des musiciens professionnels itinérants (dont les hoboes du blues), puis des juke-box, des disques et de la radio, et ce n'est que dans les endroits les plus reculés que les songsters continuèrent à tenir leur rôle auprès des habitants de leur génération. Bref, leur disparition était inéluctable ainsi que leur oubli si il n'y avait eu la vague folk des années 60 qui permit de se rappeler in-extremis de leur existence. Heureuse vague folk, car outre l' intérêt historique des titres (qui nous donnent une idée des racines du blues), ce que jouent les songsters est tout simplement beau !

Le plus connu des songsters redécouvert est Mississippi John Hurt [voir La Gazette de Greenwood n° 6]. Mais pour un John Hurt ayant été enregistré en 1928 puis miraculeusement retrouvé en 1963, combien de songsters de génie n' ont jamais enregistré et sont morts dans l'oubli total, emportant dans leurs tombes leurs trésors (leurs "songs") ?

Cela aurait pu être le cas de Mance Lipscomb, si celui-ci n'avait été enregistré presque par hasard en 1960. C'est en effet parce que MacCormik était parti au Texas chercher Lightnin' Hopkins et qu'il ne le trouva jamais (non pas à cause de la quatrième dimension mais parce qu' Alan Lomax l'avait devancé de quelques jours, emmenant le guitariste texan à son premier festival de blues..) qu'il décida de se mettre à la recherche d'un éventuel musicien de "vieilles chansons". A Navasota (Texas, Brazos Bottoms), toutes les personnes questionnées à ce sujet lui répondirent sans hésiter : Mance Lipscomb. Accompagné de Chris Strachwitz (qui enregistra à cette occasion le premier disque du label Arhoolie), il rencontra alors un homme de 65 ans qui les accueillit avec gentillesse et saisit fièrement sa guitare pour répondre à leur demande. En vrai songster qui s'adapte à son public (ici des blancs), Lipscomb leur joua tout d'abord Saint Louis Blues. Un peu déçu, MacCormik lui demanda si il ne connaissait pas plutôt des chansons typiques de la communauté noire du Brazos. "Oh d'accord, je vois..." sourit Mance Lipscomb, "Vous voulez entendre la vraie musique !". Et alors MacCormik ne regretta pas son déplacement, car de huit heures du soir à une heure du matin, Lipscomb leur interpréta un florilège de son répertoire. La séance fut interrompue par le guitariste qui s'excusa auprès de ses visiteurs : il désirait dormir un peu avant de se lever à 5 heures du matin pour aller travailler.

Mance Lipscomb, né en 1895 et mort en 1976, est le songster typique. A 11 ans, il dût prendre un travail pour faire vivre sa famille quand son père (ancien esclave devenu violoniste itinérant après l'émancipation) disparût de la circulation, et il devint métayer à l'âge de 16 ans, sur une terre de 20 acres. Le métayage tel qu'il était pratiqué au sud des U.S.A. à cette époque permettait aux grands propriétaires blancs de maintenir les noirs dans un système de quasi esclavage puisque la part de la récolte que touchaient les métayers (50%) servait en grande partie à rembourser le Commissary Store qui fournissait vivres, outils, mules, semences. Pour vivre, il restait environ 150 à 200 $ par an au métayer qui n'avait plus qu' à s'endetter à nouveau pour préparer la prochaine récolte. "J'ai vu des hommes battus à mort pour rien" raconta plus tard Mance Lipscomb en parlant de cette époque.
Après la Grande Dépression (1929) et la fin des grandes plantations, le système changea progressivement dans sa forme et en 1943 Lipscomb devint propriétaire de ses outils et mules tandis que la part de la récolte qui lui revenait augmentait sensiblement (60 à 70%), mais le résultat final restait à peu près le même, les prix du coton et du maïs s'étant effondrés. Ce fut en 1954 qu'un meilleur arrangement lui fut enfin proposé, et il devint gérant de 200 acres en échange d'une part des bénéfices de l' exploitation. Mais deux ans plus tard, Lipscomb quitta la terre, refusant de devenir salarié agricole, et il partit pour Houston (Texas) dans une entreprise de bois de construction. En 1957, suite à un accident, il revient à Navasota où il trouve un emploi de cantonnier, poste qu'il occupait quand il rencontra MacCormik.
Celui-ci a raconté sa première entrevue avec Lipscomb. Il lui est apparût comme un "gentleman" dans son comportement, accueillant et chaleureux envers l'étranger, fier de sa vie et de sa famille (sa femme avec laquelle il était marié depuis 1913, ses enfants et petits-enfants), optimiste quant à l' avenir (en 1960, la ségrégation au Texas commençait à peine à s'atténuer), ne comprenant pas l'attitude passéiste et résignée de certains noirs-américains de sa génération. Une forte personnalité, il lui en a fallu pour apprendre à écrire tout seul à partir de morceaux de journaux récupérés par terre. Il lui en a fallu aussi quand, après avoir menacé de frapper un contremaître blanc qui voulait obliger sa mère à pousser une charrue , il s'est enfui de la ferme. Il ne revint que quelques jours après, supplié par sa mère et..le propriétaire !

Et la musique dans tout ça ? Eh bien Mance Lipscomb l'a bien sûr apprise de son père qu'il accompagnait parfois à la guitare quand celui-ci allait jouer dans des campements de travailleurs irlandais, noirs ou bohémiens. Puis son style s'est enrichi à l'écoute d'autres songsters, tels Blind Lemon Jefferson (connu comme bluesman par ses enregistrements, mais en fait vrai songster), Leadbelly ou Ralph Lipscomb, son frère.
Le samedi soir, il animait des fêtes pour les noirs, jusqu'au dimanche matin à onze heures ! Puis le dimanche soir, il reprenait sa guitare pour aller faire danser les blancs. Et le lundi, Monday Morning Blues, au champ...
Comme Mississippi John Hurt, Lipscomb utilise la technique du finger-picking (jeu de guitare opposant le pouce sur les basses aux autres doigts sur les cordes hautes) et comme lui son jeu sur les cordes aiguës est très élaboré et mélodique. Ce qui fait que ces deux guitaristes ont souvent été comparés aux musiciens de la Côte Est, bien qu'ils n'y aient jamais mis les pieds [NDLR : bref, la virtuosité et le sens mélodique n'étaient pas une exclusivité de la Côte Est !]. Ceci dit, les deux musiciens sont assez différents, Mance Lipscomb ayant plus de morceaux franchement blues à son répertoire. Si il emploie la méthode des basses alternées, Lipscomb utilise très souvent la technique typiquement texane des basses mono-cordes (la tonique étant percutée inlassablement, marquant un rythme soutenu et puissant sur lequel viennent se greffer la mélodie et le chant). Il joue également plus de morceaux en open-tuning au slide avec un canif ou une simple tige de fer.

A partir de 1960 s'ouvrit à lui une nouvelle carrière musicale. Coqueluche des festivals blues et folk, le vieux paysan texan joua alors devant un public de blancs attentifs et ébahis, bien loin de l'ambiance des Saturday Nights à Navasota ! Et il était heureux de transmettre ainsi son héritage, n 'hésitant pas à prodiguer ses conseils aux jeunes guitaristes venus boire ses paroles. L'un d'eux s'appelait Bob Dylan.Son influence directe ou indirecte sera considérable chez des musiciens tels que Ry Cooder, Taj Mahal, Janis Joplin, et bien d'autres.
De 1960 à 1974, il a enregistré six albums et il apparaît dans plusieurs films, dont " A Well Spent Life " (Les Blank, Flowers Films) consacré à sa vie. En 1974, atteint de pneumonie et victime d'une crise cardiaque, il arrête la musique et meurt à Navasota en 1976.

En conclusion, laissons Mance Lipscomb nous parler du blues :
" ça existait depuis longtemps quand mon père était jeune... Mais ce qu'on appelle le Blues n'est apparu que vers 1917. Un des premiers titres strictement blues fut Blues In The Bottle. Ce que nous écoutions dans ma jeunesse était de la musique pour danser, et il y en avait de toutes les sortes. "

Sources:
"Mance Lipscomb, Texas Songster", CD Arhoolie CD306, notes de Chris Stratwitz et Mack MacCormik,
"Blues: Les Incontournables", (p 116, Philippe Bas-Rabérin), Filipacchi, 1994
"Le Blues Authentique", Robert Springer, Filipacchi 1985
"Nothing But The Blues", Lawrence Cohn, Editions Abbeville, 1997
"Dictionnaire du blues", Jean-Claude Arnaudon, Filipacchi 1977
"Faut-il classer Mississippi John Hurt dans le Piedmont Blues?", Docteur Blues, La Gazette de Greenwood n°5, Février 1999

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espace JR Caussimon de Tremblay:
Little Arthur Duncan
avec Studebaker John & the Hawks

Date: 28 Octobre 2000
De: Jocelyn Richez <jrichez@hotmail.com>
(photos de l'auteur)

Studebaker John
Si le mois d'octobre 2000 était très chargé pour les fans de blues de la région parisienne (et on ne s'en plaindra pas !), le concert de blues du mois fut selon moi celui de Little Arthur Duncan avec Studebaker John & the Hawks à l'espace JR Caussimon de Tremblay.
Ils étaient très attendus suite à leur prestation mémorable lors de la blues estafette 1999 à Utrecht. Je précise d'emblée qu'ils n'ont pas déçu. Au total, 2 sets bien envoyés où Little Arthur Duncan rejoignait Studebaker John & the Hawks après quelques titres.
John Grimaldi alias Studebaker John est un musicien réputé sur Chicago depuis plus de 10 ans, aussi à l'aise à la guitare qu'à l'harmonica (diatonique et chromatique). Il a une voix très particulière dont j'avoue ne pas être fan mais comme il a essentiellement joué en accompagnateur, ce n'était pas très gênant. J'ai particulièrement apprécié son jeux de guitare sauvage et rugueux qui s'harmonise parfaitement avec le style très dynamique de Little Arthur Duncan. Personnellement, je trouve qu'il y a du Hound Dog Taylor dans le jeu de guitare de Studebaker John.
Little Arthur Duncan
Mais la vrai vedette de la soirée était le chanteur harmoniciste Little Arthur Duncan, un type qui a une dégaine unique et aussi une fraîcheur malgré son âge avancé (66 ans). Il ne cherche pas à révolutionner le blues, l'an 2000, il s'en fout. Sa musique est 100% pur blues, du Chicago blues traditionnel, où on perçoit parfois une influence Delta blues dans le côté hypnotique de certains titres. Il faut dire que le papy est né à Indianola dans le Mississippi, la ville B.B King. D'ailleurs il a bien connu le roi du blues quand il était jeune, ayant même chanté avec lui à l'église locale. Le jeu d'harmonica très personnel de Little Arthur Duncan est résolument énergique, c'est un entertainer comme on dit aux USA. Comme Studebaker John, il joue aussi bien sur diatonique que sur chromatique. On sent que le type est habitué des petits clubs du west side et du south side Chicago, et qu'il cherche visiblement à faire bouger le public. D'ailleurs, avec un peu d'imagination, on aurait pu se croire à Chicago assis sur une banquette du Checkerboard Lounge. A l'image de Big Lucky Carter l'année dernière, Little Arthur Duncan semblait vraiment ravi d'être là, paraissant même surpris d'obtenir autant de succès auprès du public de Tremblay qui est un véritable public de connaisseurs. En tout cas, c'est avec un grand sourire qu'il a fait des photos avec une bonne partie de la salle, qu'il a dédicacé les CD et répondu aux questions.
Je signale qu'un CD live de Little Arthur Duncan enregistré au Famous Dave à Chicago vient de sortir et qu'il est excellent ! Il y est accompagné comme sur le CD « singin' with the sun » sorti chez Delmark en 1999 par le Rockin' Johnny Band.

J'en profite aussi pour tirer un grand coup de chapeau à l'espace JR Caussimon et à ses programmateurs qui depuis quelques années nous concoctent un programme blues de très haut niveau, ne cherchant pas forcément à faire venir des artistes à la mode ou des stars vivant sur une réputation, mais d'authentiques bluesmen au sommet de leur forme et souvent en exclusivité parisienne. C'est ainsi que des musiciens comme Byther Smith, Tommy Castro, Lazy Lester, Smokey Wilson, Johnnie Bassett, Roscoe Chenier, Eugène Hideaway Bridges, Percy Strother etc sont venu jouer à l'espace JR Caussimon. Et dès le mois de décembre, on pourra découvrir en France le batteur de Saint Louis Boo Boo Davis que personnellement j'ai déjà vu à l'ouvre avec Arthur Williams à Utrecht.
Bref, l'espace JR Caussimon est aujourd'hui une salle incontournable pour tout amateur de blues en région parisienne avec une programmation remarquable, des horaires raisonnables (pas trop tardifs) des petits prix et un accueil convivial.

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La photo du mois:
"Dream Team"
Boeuf Canal-Web (19 Octobre 2000):
présentation du Festival Blues Sur Seine

Chris Lancry, Franck Ash, Jean-Louis Majhun, Claude Langlois (photo Pierre Mercier)

Chris Lancry, Franck Ash, Jean-Louis Majhun, Claude Langlois
photo: Pierre "Mississippi" Mercier <mississippi@wanadoo.fr>

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le débat du mois:

1938 : Big Bill Broonzy remplace Robert Johnson au Carnegie Hall

et pourtant qui est le plus célèbre maintenant ?

Comme tous les débats (animés) de La Gazette, celui-ci a commencé par un simple message :

@patrice
Avec des positions archi-simples et un max de cordes à vide, Robert Johnson utilisait comme ses prédécesseurs ce qui manque à la plupart des guitaristes électriques: une /vraie /main droite!
@lbop
Depuis Hendrix, les "électrifiés" n'ont plus besoin de main droite. A l'époque de Johnson, les guitares étaient faites pour "sonner" et utilisaient des tirants "à faire peur" aux guitaristes actuels.
Il FALLAIT avoir une main droite.Même plus tard, des gens comme Freddie Green utilisaient de véritables poutres injouables pour le commun des mortels sur leur Stromberg.
Ca n'explique rien du talent "unique" de Johnson, ces prédécesseurs n'ayant jamais donné l'impression d'être "vraiment" accompagnés par le diable.
@olivier
Bien que je ne veuille pas "gâcher" l'éloge de lbop pour RJ, je me fais l'avocat du diable (c'est le cas de le dire!): dans les prédécesseurs de RJ, il y avait quand même quelques allumés... notamment Tommy Johnson et Ike Zinnerman, ce denier n'ayant malheureusement laissé aucun enregistrement mais ayant été le "mentor" de RJ.
Les 2 prétendaient aussi (et donc avant RJ) avoir rencontré le diable au crossroad...
@patrice
Les pièces de Robert Johnson ne seraient pas nécessairement plus impressionnantes que celles de ses aînés s'ils avaient bénéficié des mêmes conditions d'enregistrement dix ans plus tôt, et surtout si les matrices nous étaient parvenues dans le même état de fraîcheur.
Preachin'Blues est absolument hallucinant, mais que donnait la version de Son House de 1930, à laquelle nous ne pouvons accéder que sous la forme d'un repiquage crachouilleux ?
Walkin' Blues est un "tube" saisissant, mais Bruno ( Whap Droux Whap ) peut désormais certifier que le diable était également pour quelque chose dans l'original "Black Mama"
De même et pour cause dans Devil Got My Woman de Skip James, pompé sous le titre "Hellhounds On My Trail"
Loin de moi l'idée de nier le talent de créateur de RJ, qui a su intégrer tant de styles traditionnels pour en extraire la quintessence et les couler dans un moule totalement original. Mais ce dépassement ne doit pas faire oublier les styles qui l'ont précédé.
Parmi les innombrables versions de Rollin' And Tumblin', je continue de penser que celle de son créateur Hambone Willie Newbern demeure inégalée en termes de jeu de main droite. Pour revenir aux styles du Delta, il existe plusieurs familles de morceaux ( "Poney Blues", "Screamin' And Hollerin" de Patton avec ses basses à contretemps sur les quatre premières mesures ) que Robert Johnson ne s'est jamais risqué à interpréter en raison de leur complexité rythmique.
Je voulais simplement dire qu'au-delà du son, la plupart des guitaristes d'avant-guerre considéraient la guitare comme un instrument polyphonique, utilisant non pas dix mais deux, trois ou quatre doigts à la manière d'un guitariste classique. Non seulement Robert Johnson avait à son époque un nombre respectable d'égaux qui avaient nom Tampa Red, Blind Boy Fuller, Big Bill ou Bo Carter, mais il serait ambitieux de vouloir citer tous les guitaristes qui, six ou dix ans avant lui, avaient signé un pacte avec le diable... ou plus simplement appris à se servir de leur main droite ;)
@olivier
Il ne faudrait pas réduire RJ au rôle de technicien hors-pair qui aurait "inventé" une technique... ce gars là avait tout simplement du génie (rendez-vous compte: 1936!), même s'il a bien sûr été influencé par d'autres.
@patrice
La maîtrise technique de Robert Johnson est incontestable, mais les procédés qu'il utilisait n'étaient pas réellement nouveaux.
Je ne vois pas ce que cette date peut avoir de surprenant, à la même époque se font connaître Kokomo Arnold, Blind Boy Fuller ou Big Joe Williams qui étaient loin d'être des manchots. Peu auparavant des gens comme Henry Townsend, Charlie Jordan, Scrapper Blackwell, Tampa Red ou Carl Martin se signalaient par une technique au moins aussi époustouflante. Et cinq à dix ans plus tôt on aurait pu citer sans exagération Blind Lemon Jefferson, Blind Blake, Little Hat Jones, Sam Collins, Lonnie Johnson, Clifford Gibson, Oscar Woods, Buddy Boy Hawkins, Willie Walker, Willie McTell, William Moore, Willie Brown, Tommy Johnson, Furry Lewis, Bo Carter, Skip James...
et j'en passe!
Robert Johnson est "moderne" dans la mesure où il fait le lien entre la période la plus riche du blues rural ( 1926-31 ) et ses dignes successeurs ( Muddy, Elmore James, Howlin' Wolf... ) pour ses morceaux les plus audacieux, inspirés de la tradition du Delta. La grande majorité de ses autres pièces, pour la plupart jouées en La standard sur un rythme ternaire rappelant Leroy Carr, ne présentent pas de réelle difficulté technique à partir du moment où l'on sait "marteler" la basse rythmique et conserver une indépendance suffisante des doigts de la main droite ( toujours elle ;) ce que d'autres faisaient bien avant ( par exemple Big Bill, que j'ai malencontreusement oublié dans ma liste )
Son "génie" réside avant tout - à mon humble avis - dans son aisance, sa créativité et la variété des styles qu'il intègre, mais le blues avait déjà une longue histoire, riche de techniques au moins aussi élaborées que la sienne.
@olivier
Sans déc, personne (ici) ne dira que RJ a "inventé" le blues.
Par contre, qu'il était génial: je le dis.
Bien sûr, il a eu des prédécesseurs. Bien sûr on peut trouver dans les titres de RJ des "trucs" que d'autres ont fait avant lui. Bien sûr il a bénéficié des premiers enregistrements de qualité suffisante pour arriver jusqu'à nous.
Mais il n'y a pas que ça... Je pense sincèrement que Robert Johnson a joué un rôle primordial dans ce qu'est devenu le blues (et ses nombreuses branches): citons en exemples les Rolling Stones, Clapton... Il n'a pas été "redécouvert" comme beaucoup de vieux bluesmen un temps oubliés et retrouvés grâce au blues revival. En fait, sa musique a été perpétrée (professeur René... au secours!) par ceux qui l'ont côtoyé (Johnny Shines, R Lockwood Jr, Edwards, qui ont toujours reconnu en lui leur "maître"), ses disques ont continué à circuler parmi un petit cercle d'initiés. C'est pourquoi ils ont tant influencé la musique qui a suivi, du Chicago blues au rock. Même si "RJ-le retour" n'avait pas eu lieu grâce à la réédition de ses 29 titres, la marque de RJ sur la musique serait là.
Bref, je ne prétends pas que "avant RJ, y avait rien" (même pas une mob), mais j'ose dire que "RJ a eu une influence majeure". Pour la guitare ET le chant.
Ce qui n'enlève rien à la qualité ou au génie des autres bluesmen de son époque, ou qui l'ont précédé! dont certains ont évidemment aussi eu une influence sur l'évolution du blues. Je suis le premier à le dire!
PS: tu parles de big Bill. Je suppose que c'est Broonzy. Tu dois savoir qu'il était inconnu du temps de RJ, et que c'est en se produisant en 1938 (le fameux concert organisé par John Hammond, Senior) que sa carrière a vraiment commencé! Il jouait au pied levé en remplacement de Robert Johnson, absent pour cause de mort brutale.
@rené
Euh, cher Boss... A moins que je ne me gourre dans les dates, il me semble qu'il était déjà le guitariste le plus couru de toutes les sessions d'enregistrement à Chicago, non ?
Surtout pour la diversité des styles qu'il était capable de jouer, sans parler de sa maîtrise de la gratte.
@patrice
Broonzy était déjà à Chicago du temps de Papa Charlie Jackson, il a commencé à enregistrer en 1926, il avait gravé plus d'une centaine de titres sous son nom, le double ou le triple en tant qu'accompagnateur, avant que Robert Johnson ne mette les pieds dans un studio et. bien avant 36, il était l'égal de Tampa Red en termes de notoriété, et avait déjà à son actif un nombre de titres fort respectable... sans parler de la suite de sa carrière chez Bluebird, de sa contribution à l'évolutions du blues en tant qu'accompagnateur de Jazz Gillum et Sonny Boy Williamson, y compris à la guitare électrique, mon vieux!
... et je viens de compter les chanteurs que Big Bill a accompagnés avant-guerre, QUARANTE, record absolu pour un guitariste!
... Non, je vais pas me coucher, écoutez donc Long Tall Mama et Bull Cow Blues ( 1932 ) sur les rééditions Yazoo, écoutez les contre-chants en notes simples en compagnie de Georgia Tom, les rags pour deux guitares avec Frank Brasswell, le travail en petites formations, y compris avec des musiciens de jazz comme Punch Miller ou Buster Bennett, tout cela bien avant le concert de 1938. Broonzy n'avait pas l'intensité d'un chanteur du Delta, mais quelle carrière! Et que de précurseurs en sa compagnie dans les studios de Chicago, le fabuleux pianiste Josuah Altheimer déjà cité, l'excellent George Barnes à la guitare électrique ( déjà ! ), et Fred Williams à la batterie, qu'on retrouvera plus tard dans les sessions Bluebird...
Je ne dis pas, que Big Bill était le meilleur ou le plus grand ( quoiqu'en son genre... ;) Je trouve en particulier que vocalement, il ne s'affirmait pas autant qu'il aurait pu le faire, je trouve que sur la quantité impressionnante de morceaux qu'il a enregistrés certains manquent de conviction, tout ce que vous voulez... Mais le blues de Chicago a aussi sa tradition, et même si des "héritiers" de Robert Johnson l'ont régénérée dans les années cinquante, il existe une continuité qui passe par des figures majeures, Big Bill et Tampa Red étant les plus incontournables.
@jean-michel
Mes chers amis bluesophiles,
Sur le débat Robert Johnson vs Big Bill, je pencherais franchement vers Patrice. Effectivement, Big Bill avait vendu bien plus de disques que Robert lorsque celui ci est mort. A Carnegie Hall, il avait interprété "Just a dream" et "I done got wise", deux morceaux à lui. Par contre, pour jouer le paysan du delta, il était arrivé en scène pieds nus, alors que ça faisait belle lurette qu'il n'avait plus vu un champ de coton puisqu'il habitait Chicago depuis longtemps et était très urbanisé. IL avait refait ce coup là en arrivant en France en 53 en se présentant comme "the last of the country blues singers".
A mon avis, Big Bill jouait au moins autant de guitare que Robert, avait des compositions plus nombreuses, dont certaines étaient aussi intéressantes...
La question que je me pose, c'est pourquoi Robert a eu une influence bien supérieure à Big Bill sur une bonne partie de la musique américaine qui est venue après lui... Peut être que si Big Bill était mort à vingt-cinq ans, tué par un mari jaloux (ça aurait tout à fait pu lui arriver) il aurait pu bâtir sa légende. Parce que Robert a une légende et pas trop les autres... Les contemporains de Robert, ceux qui l'avaient vu jouer en parlent en termes élogieux, mais il me semble que Charlie Patton ou Son House avaient beaucoup plus impressionné les gens. Disons que Robert a beaucoup écouté les autres, et fait la synthèse des différents styles de blues qui existaient avant lui.
Une autre réflexion que je me fais à propos de la légende de Robert, c'est que tous les grands du Blues des années 50 n'étaient pas encore à Chicago à l'époque de Robert, ils étaient dans le Delta ou à Memphis: Muddy, le Wolf, Elmore James. Ils n'écoutaient pas trop la musique un peu trop policée du Blue bird sound de Big Bill ou Tampa Red, mais ce qui les entourait, c'est-à-dire les fils directs de Son House et Patton. Robert, ayant fait la synthèse de tout ça, était un modèle bien pratique. Ils se sont donc tous pointés à Chicago avec les musiques de Robert dans la tête, en même temps que la vague d'immigrants du Sud venue travailler dans les usines. Ils ont donc popularisé Robert en l'électrifiant. Pendant ce temps, les auditeurs de Big Bill, les noirs urbains des années 40 commençaient à trouver que cette histoire de blues rappelaient un peu trop l'esclavage et les champs de coton et se sont tourné vers d'autres musiques (le R'n'B ou le jazz). Ce qui fait que Big Bill s'est retrouvé sans public (il a même du venir en France à un moment pour se faire un peu de sous) alors que Robert reprenait une nouvelle vigueur à travers les artistes qui allaient marquer les décennies suivantes. Et aussi l'Angleterre. Lorsque Muddy est arrivé à Londres la première fois (59/60 ?) il a parlé de Robert, Paul Oliver a fait un tapage du diable (c'est le cas de le dire ) autour des deux ou trois morceaux connus de Robert à l'époque, CBS a sorti le premier album et c'était parti... Avant ça, les Américains blancs ne connaissaient Robert qu'à travers deux morceaux sortis le disque "Origin" (1959) "Really the Country Blues".
Tout ça pour dire que les raisons pour lesquelles Robert a fait un tel tabac tiennent à mon avis sur bien d'autres choses que les simples qualités artistiques. Qui sont au demeurant indéniables, Olivier. Mais d'autres en possédaient au moins autant , oui Patrice !
@pierrot
Il me semble avoir vu quelque part que John Hammond avait fait écouter deux morceaux de Robert "walking blues" et "preaching blues" au public du Carnegie Hall..
Je pense également qu'il avait voulu faire venir Robert pour présenter le blues rural dans un programme éclectique certes mais surtout urbain.
Au lieu d'embaucher au dernier moment Big Bill, il aurait sûrement pu choisir un des nombreux gars de la campagne qu'il connaissait, plutôt que de déguiser un citadin.
@patrice
Oui, l'idée de Hammond était de faire une sorte de rétrospective, partant de la musique religieuse pour arriver au swing ( et même un peu au-delà avec Charlie Christian et Lester ) en passant par le New Orleans, le boogie et le blues.
Pourquoi Robert Johnson, se demanderont certains, plutôt que Big Bill si ce dernier était si célèbre? Il est logique de penser qu'il souhaitait illustrer le blues sous son aspect le plus authentiquement "rural", et la plupart des chanteurs de la première génération avaient sérieusement réduit leur activité vers 1930-31, certains étaient morts et d'autres avaient renoncé à la musique.
Cela dit, Big Bill n'est pas apparu "déguisé", puisqu'il a joué chaque fois avec un pianiste ( pauvre Albert Ammons, vraiment peu habitué à ce style! ;) Aucune tricherie, Big bill a fait marrer le public avec ses textes sans chercher à être autre chose que lui-même. On ne saura jamais ce qu'aurait donné la prestation de RJ, en supposant ( s'il n'était prématurément décédé ) que sa timidité maladive ne l'ait pas dissuadé de participer à une manifestation d'une telle envergure au milieu de "vrais" musiciens ( même Big bill se sentait dans ses petits souliers: non, y sont pas "faux" mes accords! ;)))
@rené
Il ne faut pas oublier non plus que John Hammond senior était parfaitement conscient du succès remporté par Robert Johnson dans les états du Sud, que le 78 tours de Terraplane Blues s'était extrêmement bien vendu, et qu'il pensait certainement "assurer" avec une telle recrue.
@pierrot
Il faudrait retrouver les écrits de Hammond senior sur la question.
@patrice
Ahem! Si on relit l'article de John Sebastian de 1939, expliquant que Broonzy, "musicien itinérant typique", "s'est acheté une paire de chaussures neuves et a pris le bus pour New York depuis l'Arkansas", il y a déjà de quoi rigoler un bon coup.
Mais les notes que Hammond a rédigées en 1959 ne sont guère plus honnêtes: "Big Bill Broonzy was prevailed upon to leave his Arkansas farm and mule and make his very first trek to the big city"
Eh oui... reproduit dans le fascicule de la toute fraîche réédition Vanguard! A qui se fier et comment voulez-vous que not' belle jeunesse sépare le bon grain de l'ivresse, sonde le flacon dans ses profondeurs, fasse la différence entre le Four Roses en promo à Carrefour et un Jack Daniel's "single barrel"? ;)
En revanche, Olivier, il y a effectivement un inconnu dont la carrière a démarré à l'occasion de ces concerts: Sonny Terry.
@olivier
Loin de moi l'idée de sous-estimer BBB, que je place avec les plus grands.
N'empêche, RJ a sûrement plus influencé la musique qui l'a suivi (Chicago Blues, Rock). Je devrais dire "la musique que jouais RJ", laissant ainsi leur part à tous ceux, connus ou inconnus, qui, en même temps que lui ou avant lui, jouaient cette même musique.
@lbop
A part ça kicécé qui peut m'essiquer comment un trou du fond comme RJ pouvait connaître les autre joueurs de blues au point d'en être influencé?
@patrice
D'abord premièrement, les médias (quel vilain mot !) ne battaient pas de l'aile, l'industrie du disque était prospère ( yop-la boum! ) et les stations de radio pullulaient, même si les goûts du public avaient changé. Ensuite, non seulement le petit Robert a eu les oreilles bercées depuis sa plus tendre enfance par la musique de tout un tas de "précurseurs" dont vous connaissez les noms mais que peu d'entre vous ont pris la peine d'écouter, mais il a tout bêtement rencontré ses respectables aînés en chair et en os ! Quand Son House et Willie Brown lui ont montré comment utiliser convenablement une guitare, il jouait surtout de l'harmonica, et ses premiers essais n'étaient pas terribles, dit-on.
Mais comme c'était un acharné ( moi, j'appelle ça un musicien ) au lieu d'aller jeûner dans le désert pour rencontrer le diable il est allé écouter et bosser partout où on jouait du blues. West Memphis, St Louis et autres regorgeaient de gars de la cambrousse qui se débrouillaient pas trop mal, s'étaient taillé de solides réputations... comme vous en avez déjà parlé sur la liste, je te renvoie au petit Arnaudon illustré - ou à Herzhaft, chacun ses goûts.
Allez, un petit effort de comparaison:

J'arrête faute de munitions... ça n'enlève rien au génie créateur de Robert Johnson, mais pour chaque morceau on peut trouver ainsi une "filiation" et certainement remonter un peu plus loin que ça. Traduction: la musique ne sort jamais du néant.
@lbop
Reste à éclaircir son extraordinaire emprise sur les musiciens actuels, après une période bien longue où il fut totalement occulté par les spécialistes.
@patrice
Spécialistes, historiens... vu le nombre de conneries qu'ils ont pondues, j'espère ne jamais être assimilé aux uns ni aux autres. Il y a deux aspects dans ta question, le premier concerne la notoriété. L'héritage de Robert Johnson s'incarnait de façon vivante chez les musiciens de Chicago qui l'avaient connu ( Lockwood, Williamson, Muddy, Elmore et j'en passe ) mais il y avait également quelques "fondus" en Europe qui le connaissaient.
Le deuxième aspect est 'achement plus dur à élucider, pourquoi Robert Johnson exerce-t-il une telle influence? Je crois que c'est une question de liens historiques pas simple du tout. Le blues représentait dans les années cinquante une musique du passé - normal, même en 27 on jouait sur cet argument publicitaire - dont on ne voulait plus trop entendre parler.
Et quiqui vient faire un boom à Chicago? Muddy, Wolf, James, Williamson et compagnie, sous la houlette de Willie Dixon qui "sortira" également Chuck Berry et Koko Taylor. A Memphis? Un cousin de Bukka White qui se fait appeler BB King, et bientôt un petit blanc prénommé Elvis qui pique des morceaux à Arthur Big Boy Crudup pour en faire des tubes!

Tous ces mecs qui ont donné à la musique un souffle nouveau, apparemment en rupture avec les vieilles histoires de mules et de champs de coton, ont des liens plus ou moins étroits avec le Delta du Mississippi, qui a toujours été non seulement la région la plus prolifique pour le blues, mais également une de celles qui présentait les styles les plus atypiques, pour ne pas dire les plus proches des racines africaines.

Parmi les derniers chanteurs d'avant-guerre demeurés dans le Sud, on comptait de remarquables guitaristes comme Tommy McClennan et Robert Petway. Mais le seul qui ait tiré parti des vieux styles et les ait affinés au point d'en faire chaque fois des créations totalement originales, c'était Robert Johnson. Tous les musiciens qui l'ont approché ont fini tôt ou tard par venir importer à Chicago, sous une forme nettement plus électrifiée, une partie de son héritage... et c'est par eux que le blues du Mississippi a été connu en Europe. Les Stones, c'est Little Red Rooster de Howlin' Wolf et donc aussi Love In Vain, je pense qu'il y a des floppées de copains sur la liste qui pouraient mieux que moi multiplier les exemples de ce type.
@olivier
lire à ce sujet le roman "à Chicago, un harmonica sanglote le blues", de Gérard Herzhaft, qui raconte (romancée) cette époque où les bouseux venus du mississippi volent la vedette aux "stars" du blues (Big Bill étant d'ailleurs un des rares vrais bluesmen a être cité!). Le blues sophistiqué déclinait, au profit du blues rugueux du Delta, plaisant malgré tout aux nouveaux immigrés venus du Sud. Cela ne leur rappelait pas les champs de coton, mais le pays...
@patrice
Côté bibliographie pour le blues du Mississippi et son incidence sur notre époque, il y a aussi Deep Blues de Robert Palmer ( The Viking Press 1981, Penguin 1982 ), mon petit doigt me dit que Herzhaft s'en est bien imprégné.

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