La Gazette de GREENWOOD
n°43 Tome 4 (Juin 2002)

Spécial Blues Qui Roule en Amérique:

Scratch My Back aux U.S.A.

date: 19 mai 2002
de: Jocelyn Richez <jrichez@noos.fr>

A l'initiative de la très active association nantaise Blues Qui Roule (www.bluesquiroule.com), forte d'une dizaine de groupes dont Malted Milk, Awek, Flyin' Saucers, Mo & the reapers, etc..., les "Scratch My Back" se sont produits aux USA, en Floride et en Géorgie, en avril 2002. Un groupe de blues français qui fait une tournée américaine avec en particulier une programmation dans l'un des plus grands festivals de blues américains, c'est suffisamment rare pour que l'on s'y attarde. Puisque j'ai eu la chance de pouvoir les accompagner durant cette tournée, j'en profite pour vous en faire un compte rendu illustré aussi complet qu'objectif. Voici mon carnet de route:

 

Scratch my back


Julien


Kevin


Miguel

Tout d'abord, je vais vous présenter le groupe Scratch my back composé de 5 musiciens originaires de la région Nantaise. Si le nom du groupe est une référence à un titre de Slim Harpo, ils ne jouent pas du swamp blues mais plutôt du west coast blues et du Chicago blues. Leur musique est particulièrement vivante et festive très respectueuse des grands maîtres comme T Bone Walker. Je dois avouer que je suis parti à Jacksonville avec une petite appréhension. Assister aux concerts de Scratch my back tous les soirs pendant 8 jours, il y avait un réel risque de lassitude. Mes craintes se sont vite levées et au contraire, j'ai pris de plus en plus de plaisir au fil des jours, au fur et à mesure que la tournée avançait. La routine ne s'est jamais faite sentir et au contraire, tous les concerts étaient différents que ce soit au niveau du répertoire, de l'ordre des morceaux, du contexte avec de nombreuses surprises et des boeufs tous les soirs. Il est important d'insister sur la grande homogénéité du groupe formé de copains qui s'entendent comme les 5 doigts de la main. Kevin Doublé au chant et à l'harmonica, c'est le leader naturel du groupe, celui qui communique sur scène. Voilà un type qui respire la sincérité, qui a une véritable âme de bluesman et ça se ressent dans son jeu où le feeling se mêle à la virtuosité. Il est à l'aise dans différents styles de blues, il ne faut surtout pas négliger son chant plein de nuance. C'est une véritable personnalité. Julien Broissand le guitariste du groupe, a un jeu résolument west coast, à la fois très inspiré des grands maîtres du genre mais avec aussi une petite touche personnelle. Ces performances sont souvent fonction du contexte, du public, de l'ambiance. Il a connu quelques belles inspirations et a fait quelques rencontres musicales inoubliables, notamment avec Bernard Allison. Ce Julien est un grand séducteur qui a fait craqué les petites américaines !

Sylvain Fétis au saxophone est le dernier venu dans le groupe, il s'est non seulement parfaitement intégré au groupe, je dirais même que son saxo a apporté une originalité, un son au groupe qui le rend indispensable. Son jeu très jazzy, fait de longs solos, d'improvisations et d'inspirations originales a impressionné l'auditoire. La section rythmique avec Miguel Hamoum à la basse et Olivier Sueur à la batterie est solide et a surtout le mérite de ne jamais en faire trop restant en permanence au service du groupe et de ses solistes. S'il y a bien une chose que je déteste dans certains concerts, c'est l'interminable solo de batterie ou de basse que Scratch my back m'a toujours épargné.

Ce groupe est tout sauf un produit marketing, ce sont tous de véritables artistes à tous les sens du terme, avec une énergie qui ne s'est jamais démentie. Leur répertoire est encore largement basé sur des reprises mais pas forcément des gros standards mille fois entendus. Le meilleur exemple est sans doute "party girl", un titre obscur et méconnu de T Bone Walker qui est aujourd'hui l'un des plus beaux fleurons de leur répertoire. Quelle bonne idée d'avoir aussi repris le "big boss woman" de Johnny Bassett !

J'ai remarqué qu'ils ne sont jamais aussi bons que quand il y a plein de jolies femmes dans la salle ! Et comment font ils pour avoir des costumes toujours impeccables, surtout quand on voit le souk qu'il y avait dans leur camping car ?




Olivier


Sylvain

 

La Floride et Jacksonville

La floride est cet État du sud des États-Unis voisin de l'Alabama et la Georgie qui forme une péninsule longue de 700 km entre le golfe du Mexique à l'ouest et l'océan Atlantique à l'est, et prolongée au sud par l'archipel des Keys. Sa population est supérieure à 15 millions d'habitants (ce qui en fait le 4ème état le plus peuplé des USA) et sa capitale est Tallahassee (125 000 h.). C'est un état où il règne un climat quasi tropical et que l'on connaît surtout par les cartes postales. Car le tourisme est la principale ressource de la Floride, notamment autour de Miami, Tampa et bien sûr Orlando où se trouvent les célèbres parcs d'attraction Disneyworld et Epcot sans oublier les plages, les Everglades, Cap Canaveral (la plus grande base de lancement de fusées des Etats-Unis) et pour les amateurs de courses automobiles Daytona.

Et Jacksonville alors ?

Sachez que c'est quand même la plus grande ville des USA en superficie et la 15ème en nombre d'habitants. Au départ, je m'attendais à trouver une ville industrielle, polluée avec des banlieues sinistres et dangereuses; j'avais tout faux !!! certes s'il y a bien quelques industries et s'il y a sans doute des quartiers misérables en périphérie du centre (je ne les ai pas vu), la ville est essentiellement composée de quartiers résidentiels, le downtown présente quelques bâtiments au look spectaculaire, dont un à base pyramidale et un autre en forme de crayon ! On y remarque aussi un métro aérien moderne et de magnifiques ponts suspendus parfois longs de plusieurs kilomètres.

Ce n'est effectivement pas la principale destination des touristes, pourtant, la partie côtière, en bordure d'océan atlantique ressemble bien à la Floride des cartes postales. Que ce soit à Jacksonville beach, Amelia Island ou Fernandina beach, on trouve toujours de grandes plages de sable ensoleillées, des palmiers, des maisons aux multiples couleurs souvent pastels, des voitures de sports, des harley davidson, des belles femmes etc

Amelia Island est mondialement connue pour son tournoi de tennis qui se déroulait d'ailleurs pendant notre séjour avec quelques unes des meilleures joueuses mondiales comme Venus Williams (future gagnante), Justine Henin, Monica Seles, Ana Kournikova et Mary Pierce.

Musicalement parlant, Jacksonville est surtout réputé dans le monde comme étant la capitale du rock sudiste, la ville de Lynyrd Skynyrd, Molly Hatchet et des Allman brothers. A vrai dire, le rock sudiste ne semble plus y être très présent dans la programmation des bars, y compris au fameux Freebird cafe, dont la patronne est Judy Van Zandt Jenness, la veuve de Ronny Van Zandt, ex chanteur de Lynyrd Skynyrd. Aussi étonnant que cela puisse paraître vu de France, c'est un vrai challenge que de trouver un T shirt "Lynyrd Skynyrd" à Jacksonville.

La population autour de Jacksonville est à très large majorité blanche ce qui n'empêche pas le blues d'y être bien présent avec quelques festivals spectaculaires mais aussi une multitude de clubs et de bars qui programment de la musique "live". La région possède quelques groupes de blues de grande qualité comme Slim Goody ou Jim Mc Kaba dont la notoriété n'a malheureusement pas encore franchi l'atlantique.

 

mercredi 3 avril: palace saloon à Fernandina beach, Floride

Pour ce long voyage, j'ai immédiatement été mis dans l'ambiance blues puisque dès la salle d'embarquement à Roissy, je me suis retrouvé avec le grand Jimmy Morello et la chanteuse Lisa Bourne qui venaient de se produire au quai du blues. Le monde est vraiment petit ! et je n'étais pas au bout de mes surprises puisqu'à peine installé dans l'avion, je vois débarquer les musiciens de Malted Milk, Arnaud Fradin, Manu Frageul et Michel Catel qui partaient eux aussi à Jacksonville, ville départ de leur longue tournée américaine de 4 mois avec le "Memphis Blues Caravan" de Big Joe Turner. Je n'étais pas mécontent de les retrouver, sachant que l'escale à Chicago allait durer plus de 5 heures. le temps m'a ainsi paru moins long surtout qu'il y a eu quelques péripéties avec les bagages.

C'est aux alentours de 22h (heure locale) que nous arrivons à Jacksonville dans un état de fatigue que vous devinez après ce long voyage et là, je dois dire que nous n'avons pas perdu de temps: nous sommes directement parti vers Fernandina beach (à environ 30 km au nord-est de l'aéroport) et le Palace Saloon pour aller assister au premier concert de la tournée de Scratch my back (avec nos bagages ! pas question de perdre du temps en passant par ma chambre). Le concert est déjà bien entamé puisque j'arrive à la pose et que le premier set a été paraît il particulièrement long. A peine arrivé dans le club, je suis accueilli par Alain Leclerc dit "harmo" (président de Blues Qui Roule), Kevin et Julien de Scratch my back. Je suis immédiatement dans l'ambiance… Ils arborent un grand sourire; à priori le premier set s'est bien passé et l'accueil du public fut bon ce que j'ai pu effectivement rapidement vérifier. Le Palace Saloon est un grand club assez haut de plafond avec 2 salles, l'une comprenant le bar, l'autre la scène et les tables de billard ce qui est assez courant aux USA. La décoration y est assez spectaculaire avec en particulier un magnifique pirate grandeur nature à l'entrée. Le deuxième set tourne rapidement à la jam session avec les musiciens locaux de Slim Goody (le groupe de notre hôte, Karl Davis) mais aussi avec Arnaud Fradin et Emmanuel Frangeul ! Malgré les 7 h de décalage horaire, ils ne rechignent pas à jouer longuement, quelle santé !

Le public est encore assez nombreux compte tenu de l'heure tardive, surtout en semaine et ça danse ce qui est bon signe… Ils reçoivent même un gros pourboire de la part d'un spectateur: c'est l'amérique !

J'ai fait la connaissance de Robin Campbell, un journaliste local auteur d'un article titré "the french revolution" avec une photo où figurent Julien et Kevin de Scratch my back ainsi que Karl Davis. C'est un grand fan de Scratch my back !

Le concert se termine à plus de 2h du matin heure locale, c'est à dire 9h du matin heure de Paris, bref, la journée fut particulièrement longue et il est plus que temps d'aller se coucher !

 

jeudi 4 avril: rafters blues club à l'ile St Simons, Georgie

Le lendemain, Scratch my Back partage l'affiche avec Slim Goody au Rafters Blues Club, un club situé en Géorgie à une petite centaine de km au nord de Fernandina beach. C'est un club qui se trouve curieusement à l'étage. Il est décoré avec quelques affiches et surtout des photos dédicacées de musiciens qui y ont joué, comme par exemple Sean Costello. On y trouve encore l'incontournable billard à 6 trous dont sont très friands les américains. Il n'y en a qu'un seul compte tenu de la petite taille de la salle. On peut y manger, on a le choix entre une nourriture tex-mex et des fruits de mer et c'est plutôt bon. La soirée Mississippi Mud se déroule en 3 sets, d'abord Slim Goody puis un deuxième set français avec Mississippi Mud (un groupe acoustique composé de Kevin Doublé, harmo et chant et Morgan Lebec, guitare et chant - Yann le Bassiste et Jérôme le batteur sont restés en France) puis Scratch my back pour finir par Slim Goody. La soirée est assez chaude, je remarque une présence feminine bien plus importante qu'en France et une fois encore, ça danse ! Apparemment, elles ne sont pas insensibles au charme des musiciens français. Leur succès est tel que le patron du bar leur demande de revenir la semaine suivante (le 9 avril) ce qui n'était initialement pas prévu. Le dimanche 7, c'est Gary Primich (avec Shorty Lenoir et Jeff Turmes) qui joue au Rafters Blues Club ! Le concert s'est terminé tard dans la nuit, la fatigue commençant à se faire sentir au point que je me suis endormi dans le bar malgré le volume sonore assez élevé !

 

vendredi 5 avril: Festival "springing the blues" à Jacksonville beach, Floride

Vendredi 5 avril, c'est le grand jour pour le groupe Scratch my back qui doit jouer à 17h sur la grande scène du festival "Springing The Blues" de Jacksonville. Pour planter le décor, le site du festival est localisé est bordure d'océan, au niveau de la première rue à Jacksonville beach. La scène est immense que ce soit en largeur, en hauteur ou en profondeur, avec 2 écrans géants situés de chaque côté de la scène, car tous les concerts sont intégralement filmés. Une première zone située juste devant la scène est réservée aux personnes bénéficiant d'une accréditation (c'est classique), par contre, il existe une seconde zone pour les spectateurs payants, les spectateurs gratuits étant assez loin de la scène sur une grande pelouse. Si le soleil est déjà bien présent à Jacksonville en ce début avril, le vent se lève rapidement, nous rappelant qu'on est en bordure d'océan. Autour de la zone réservée aux concerts et aux spectateurs s'est monté un véritable village comprenant divers stands; on peut y trouver de quoi boire et manger (avec une étonnante diversité), un disquaire (avec un choix très réduit: ce n'est pas la Belgique !), des T shirts, polos, casquettes, affiches du festival. Plus insolite, on peut se faire percer ou tatouer !

A proximité de la scène, sur la première rue se trouve le fameux Freebird cafe. Le festival dure 3 jours, comprenant 20 concerts, tous sur la grande et unique scène avec des horaires moins tardifs que ce qui se fait en Europe, ce qui permet d'aller ensuite dans les bars où on peut assister à des boeufs mémorables. Pour ce qui est de l'organisation, rien à dire, c'est carré, bien réglé avec des sets parfaitement minutés et une curiosité pour nous européens: il n'y a jamais de rappel ! Il y a aussi des spécificités très américaines comme l'ouverture du festival avec des militaires en uniforme avec drapeaux et hymne national et surtout une insolite élection de la miss festival !

Scratch My Back Le public est nombreux, j'ai entendu parler de 20000 spectateurs pour les trois jours. L'ambiance y est estivale et familiale. Scratch my back joue le concert inaugural du festival qui comprend de grosses têtes d'affiche comme Tommy Castro, Kenny Neal, Bernard Allison, Lucky Peterson, Gary Primich. Le temps qui leur est attribué est assez court: 45 minutes, le temps de jouer 8 morceaux, dont 2 compositions du groupe et des reprises qui occupent une place particulière dans le répertoire de Scratch my back: "Party girl", "Caledonia", "Flip, flop & fly". Le public déjà nombreux semble découvrir avec beaucoup d'intérêt la prestation de nos jeunes frenchy. Le concert est entièrement filmé et c'est impressionnant d'observer le ballet des cameramen tournant autour des musiciens.

Karl Davis Le concert suivant est celui de Slim Goody. Slim Goody, c'est d'abord le groupe du chanteur Karl Davis, le blues shouter du Nassau county. Sa voix est puissante et nuancée. C'est un chanteur éclectique à l'image de son groupe, capable de chanter les blues lents avec beaucoup d'intensité (notamment, son grand classique "I smell trouble" qu'il interprète remarquablement), de faire danser avec des titres plus funky, de donner des frissons sur des morceaux gospelisants, un gars très à l'aise sur une scène où il bouge beaucoup avec un côté théatral. Son guitariste, Jack Corcoran, est très influencé par le style west coast, c'est un amateur d'Hollywood Fats et Clarence "Gatemouth" Brown. Son morceau de prédilection est le fameux "Okie Dokie Stomp", un de mes morceaux préférés ! autant dire qu'il m'a tout de suite plu…

Miguel avec Fabrice Quentin C'est ensuite le groupe Mofro qui est monté sur scène. Ce n'est pas un groupe de blues traditionnel avec une dominante rock 70's mais ce fut surtout l'occasion d'une rencontre aussi inattendue que sympathique: imaginez vous que le bassiste de ce groupe américain est français, il s'appelle Fabrice Quentin et est originaire de Normandie. C'est en suivant sa petite amie anglaise à Londres qu'il a croisé les Mofro en tournée en Angleterre.

Kenny Neal Il m'était jusque là complètement inconnu et avouez que c'est quand même insolite de faire sa connaissance à Jacksonville ! La surprise était d'ailleurs totale pour lui aussi qui ne s'attendait pas à croiser des Français surtout aussi nombreux sur ce festival. J'en ai profité évidemment pour lui présenter Miguel, le bassiste de Scratch my back.

Le concert suivant fut celui de Reba Russell, une chanteuse blanche originaire du Mississippi et installée à Memphis. Sa voix est puissante et me rappelle parfois Lou Ann Barton. Son groupe joue un blues-rock énergique et assez roots.

C'est Kenny Neal qui a clôturé cette première soirée de festival avec un show dans la lignée de ceux que j'avais vu à Paris, de bonne qualité mais avec un répertoire presque exclusivement basé sur des reprises, ce qui est dommage pour un musicien de cette envergure. Il a joué comme à son habitude de divers instruments, de la guitare bien sûr, de l'harmonica et aussi de la lap-steel. Pour l'anecdote, sachez que son batteur n'est jamais arrivé. C'est Jim Jenness, le batteur de Slim Goody qui l'a remplacé (sachez pour info qu'il est l'actuel mari de Judy Van Zandt).

 

vendredi 5 avril: Freebird cafe à Jacksonville beach, Floride

Le soir, Scratch my back joue au fameux freebird cafe (le club de Judy Van Zandt, la veuve de Ronnie Van Zandt l'ex chanteur de Lynyrd Skynyrd) où ils partagent encore l'affiche avec Slim Goody. Julien Broissant y joue avec un magnifique chapeau de cow boy. La soirée se termine en boeuf avec les musiciens de Slim Goody bien sûr, aussi avec Arnaud Fradin et Emmanuel Frangeul. Au début du concert, l'écran géant du Freebird cafe situé juste derrière la scène montrait les images du concert de Kenny Neal en direct sur la grande scène du festival, la situation était vraiment surréaliste ! Julien et Kevin Dès son concert terminé sur la grande scène, Kenny Neal a traversé la rue pour venir rejoindre les Scratch my back sur la scène, jouant avec la guitare de Julien, boeuffant aussi avec Arnaud et Manu de Malted Milk. Excellente et chaude ambiance dans ce grand club qui comprend deux étages et une vaste terrasse, un billard comme d'habitude dans les bars US, et surtout une décoration en forme d'hommage au groupe Lynyrd Skynyrd, affiches, disques d'or et une photo du groupe sur fond de drapeau confédéré. Une jeune femme qui avait sans doute un peu trop bu a même entamé un strip stease ! C'était vraiment chaud…

 

samedi 6 avril: Festival "springing the blues" à Jacksonville beach, Floride

Ce samedi s'annonce comme étant la "grosse journée" au niveau du festival avec pas moins de 9 concerts sur la grande scène. Je ne détaillerais pas ici les 9 concerts dans la mesure où j'en ai raté un certain nombre, notamment ceux de Fruteland Jackson, Rory Block et Lucky Peterson. Nous avions effectivement d'autres obligations (ma foi fort agréables) nous avons en particulier fait la connaissance d'une petite communauté française à Jacksonville qui s'est montrée fort accueillante.

Alain Leclerc et Gary Primich Le concert du jour fut celui de Gary Primich, chanteur harmoniciste natif de Chicago, installé ensuite au Texas et auteur de quelques bons CD pour les labels Amazing et Black Top. Il est au sommet de sa forme avec un jeu véritablement enthousiasmant évitant le côté démonstratif aussi excessif qu'inutile de certains. Gary Primich était accompagné d'un formidable groupe vraiment bien rodé comprenant notamment le fidèle Shorty Lenoir, guitariste du groupe depuis 1991. Shorty Lenoir ne paye pas de mine au premier coup d'oeil, ce n'est pas un showman (pas le style à jouer avec les dents ou avec la guitare derrière la tête), il ne porte pas de tenue spectaculaire, mais il est époustouflant de virtuosité sur les jumps, son jeu swinguant et flamboyant, très inspiré par T Bone Walker m'a enchanté durant tout le concert. Pas la peine de préciser que Jeff Turmes à la basse, c'est sobre et surtout très efficace. Le répertoire de Gary Primich va du Texas blues au Chicago blues avec une forte dominance West Coast. A vrai dire, ce groupe me fait beaucoup penser au James Harman Band dont les caractéristiques et le répertoire sont assez proches. Vraiment, ce concert de Gary Primich fut un grand moment !

J'ajoute qu' Harmo n'était pas le moins heureux ayant pu réaliser un vieux rêve: voir en chair et en os Gary qui est une de ses harmonicistes préférés. La rencontre en coulisses a été pour lui un moment fort et plein d'émotions.

Bernard Allison Je suis ensuite revenu pour le concert de Bernard Allison que je n'avais pas revu depuis qu'il a quitté la France. Il est entouré de musiciens remarquables mais qui ont tendance à en faire trop, notamment le bassiste qui s'est permis un solo interminable. Si son répertoire a évolué depuis ses débuts parisiens, avec une influence hendrixienne beaucoup moins présente, l'ensemble oscille en blues rock en funk et finalement les morceaux blues sont assez rares. Il y a certes une reprise du papa et surtout une version du blues lent "Tin pan alley" remarquablement interprétée. Son chant s'est affirmé pour devenir l'un de ses points forts mais l'ensemble est trop borderline pour véritablement m'enthousiasmer.

Cette deuxième soirée du festival se termine avec le groupe australien "Collard Greens & Gravy". Il s'agit d'un trio (Ian Collard: chant et harmonica, James Bridges: guitare et Anthony Shortte: batterie) originaire de Melbourne que m'avait fortement recommandé Ben Felten de Planet Harmonica. Et je dois dire que je partage son enthousiasme pour ce groupe original au son très roots, influencé par le blues des années 50. Ils réussissent l'exploit de confectionner une musique originale avec un son personnel tout en restant profondément encrés dans la tradition. Personnellement, ils me font penser dans leur démarche aux français de Bo Weavil. Ian Collard, le leader du groupe est une personnalité intéressante et sympathique mais aussi et surtout un harmoniciste de premier plan. J'ai remarqué qu'il aimait beaucoup chanter dans le micro de l'harmonica, ce qui donne un son plus crade. Si les Collard Greens & Gravy sont complètement inconnus du public européen (il faut dire qu'ils ne sont jamais venus en Europe), ce sont déjà des vedettes aux USA où ils étaient programmés en tête d'affiche, et je ne parle pas de l'Australie où ils collectionnent toutes sortes d'awards. "Collard Greens & Gravy" est pour moi la première grosse découverte de ce festival. Quant à Harmo, il était aux anges !

 

samedi 6 avril: jam session au Brampton Inn à Jacksonville beach, Floride

Julien, B Allison, Kevin Le soir, les musiciens français de Scratch my back et de la "Memphis Blues Caravan" de Big Joe Turner participent à une formidable jam session à l'hôtel Brampton Inn où sont logés tous les musiciens programmés au festival. Nos jeunes français sont encore une fois très à l'aise dans ce genre d'exercice et quelques têtes d'affiche du festival comme Jim Mac Kaba, Ian Collard (de Collard Greens & Gravy) et Bernard Allison viennent boeuffer avec eux. Bernard Allison semble particulièrement apprécier Julien et son jeu de guitare. Le boeuf est d'un niveau remarquable, c'est aussi l'occasion de découvrir des musiciens programmés le lendemain comme le génial guitariste chevelu de Jim Mac Kaba, un certain Josh Miller. La soirée est extrêmement conviviale et propice aux rencontres. Elle va se terminer une fois encore très tard dans la nuit. Personne ne s'en ai plaint, surtout pas moi !

 

dimanche 7 avril: Festival "springing the blues" à Jacksonville beach, Floride

Karl Davis et Josh Miller La journée de dimanche commence par la divine surprise de ce festival avec un groupe dont je ne soupçonnais même pas l'existence et que j'ai découvert à Jacksonville: le Jim Mac Kaba After Hour Band, un groupe essentiellement orienté jump & swing comprend pas moins de 6 musiciens, 2 chanteurs et une chanteuse, tous d'un niveau exceptionnel. D'abord, Jim Mac Kaba, le leader du groupe, est un pianiste aussi à l'aise pour jouer le blues que le boogie woogie mais ce n'est pas forcément lui qui occupe le devant de la scène mais plutôt le saxophoniste Kenny Bruce, le guitariste Josh Miller et bien sûr les chanteurs et la chanteuse. Josh Miller est un guitariste impressionnant qui joue tout au doigt (sans médiator) et qui nous a notamment offert une version furieuse et magistrale du fameux instrumental "Okie Dokie Stomp"; du grand art !

Debbie Wilson Au chant, ils étaient trois à se succéder un peu comme au théâtre, d'abord Karl "swing time" Davis, aussi chanteur du groupe Slim Goody, remarquable blues shooter très à l'aise dans ce répertoire. Ensuite, j'ai découvert la charmante Debbie Wilson qui possède une belle voix et surtout une grosse présence: elle m'a personnellement rappelé Janiva Magness, une belle référence ! Crown Prince Waterford Enfin, last but not least, quelle surprise de voir arriver sur scène le légendaire Crown Prince Waterford, un vétéran de la scène de Kansas city (âgé de 82 ans) qui a connu ses grandes heures à la fin des années 40, chantant avec Count Basie et Jay Mac Shann. Si sa démarche est laborieuse et approximative, sa voix est heureusement intacte et je peux vous garantir que c'est un plaisir jubilatoire que d'entendre une telle voix accompagné par un groupe aussi fantastique. Ah vraiment, c'était un concert mémorable !

Après un tel show, le concert suivant m'a forcément paru un peu fade. Le groupe Dr Hector & the groove injector n'est pas mauvais, mais leur musique est plus rock que blues.

Manu, Arnaud Fradin, Big Joe Turner Après l'intermède insolite de l'élection de la miss festival, c'est Big Joe Turner & his Memphis Blues Caravan qui monte sur scène. Le spectacle de Big Joe Turner, ex bassiste d'Albert King et BB King, nous emmène sur la route du blues, les titres joués illustrant les différentes étapes de sa vie et de l'histoire du blues. Bien sûr, Memphis et en particulier Beale street y tiennent une place toute particulière, on retrouve à la fois des standards d'Albert King (As the years go passing by) ou de Muddy Waters (Got my mojo working), et surtout de nombreux titres de Malted Milk. Curieusement, il n'y a aucun morceau signé de la plume de Big Joe ce qui peut surprendre pour un spectacle qui retrace sa vie. Big Joe Turner ne chante pas et laisse volontiers la vedette au chanteur guitariste nantais Arnaud Fradin, promis à un brillant avenir, "the new french ambassador to the blues" comme le présente Big Joe. Ce concert est aussi l'occasion de découvrir sur scène le nouveau pianiste du groupe Archie Turner, cousin de Big Joe au CV impressionnant, qui remplace Julien Brunetaud qui avait fait la tournée européenne du groupe. Si je ne conteste pas ses qualités, on sent nettement qu'il découvre une bonne partie du répertoire et que son intégration est toute récente.

Le dernier groupe que j'ai pu voir est une bonne découverte: The Fins, un groupe qui vient du New Jersey et qui comprend pas moins de 8 musiciens dont une section de cuivre très présente. Leur répertoire est assez large comprenant du rhythm & blues, du jump, du swing, du jazz et du Chicago blues. J'ai bien aimé les reprises d'instrumentaux comme "Okie Dokie Stomp", "Two Bones and a pick" ou "Strolling with bone", mais j'ai trouvé qu'il y avait aussi quelques moments plus faibles en milieu de concert, bref, encore une marge de progression.

Tant pis pour le Downchild Blues Band et pour Tommy Castro qui doivent clôturer la troisième journée du festival, je n'ai pas pu assister à leurs concerts étant attendu dans la soirée à Amelia Island pour un autre festival.

 

dimanche 7 avril: festival blues à Amelia Island, Floride

Big Joe Turner Le festival blues d'Amelia Island se déroule sur une seule soirée avec quatre groupes programmés (Jim Mac Kaba / Scratch my back / Slim Goody / Big Joe Turner & his Memphis caravan), tous précédemment programmés au festival "Springing the blues" de Jacksonville. Le festival a lieu dans une grande salle municipale copieusement remplie pour l'événement. L'ambiance me rappelle celle de Bagneux pour la Bagneux blues night. Contrairement au festival "springing the blues" où le public venait d'un peu partout aux USA voire même de l'étranger, le public d'Amelia Island est exclusivement local, l'ambiance y est très familiale avec notamment des jeunes enfants. La sono de la salle est bonne et d'abord l'occasion de ré-entendre le groupe qui m'avait enchanté le matin même, le groupe de Jim Mac Kaba, même si cette fois, Debbie Wilson et Crown Prince Waterford n'étaient plus là. Le concert en forme de confirmation fut une nouvelle fois très bon, j'ai en particulier encore beaucoup apprécié le jeu de guitare de Josh Miller.

Scratch My Back C'est ensuite au tour des Scratch my back de jouer. Ils sont en pleine forme ce qui donne un très bon concert qui fut intégralement filmé comme celui du festival "Springing the blues".

Après un bon concert de Slim Goody, c'est Big Joe Turner et sa Memphis blues caravan qui clôturent le festival dans une salle qui commence lentement à se vider compte tenu de l'heure tardive. Le concert de Big Joe Turner est la copie conforme de celui de l'après midi à Jacksonville avec les même morceaux dans le même ordre. Arnaud Fradin s'est une nouvelle fois particulièrement mis en évidence à tel point un spectateur au look de biker s'est levé de son siège s'est approché de la scène et a jeté quelques dollars aux pieds d'Arnaud qui était en train de jouer un solo dont il a le secret. Voilà le genre de scène qu'on est pas habitué à vivre en France ! Ce même spectateur est revenu en fin de concert pour serrer vigoureusement la main d'Arnaud.

 

lundi 8 avril: Uncle Charlie's / Palace Saloon à Fernandina beach, Floride

En cette soirée du lundi 8 avril, il y a un choix cornélien à faire, rendez vous compte: Scratch my back joue au Uncle Charlie's, un petit bar de Fernandina beach alors que Big Joe Turner & his Memphis blues Caravan joue dans le bar voisin, le Palace Saloon où Scratch my back avait joué le premier soir.

Scratch My Back Il y a forcément un des deux groupes qui risque de souffrir de cette concurrence rapprochée et dans l'histoire, Scratch my back a la chance de démarrer son concert une heure plus tôt. Si bien que le public amateur de blues s'est initialement et logiquement dirigé vers le bar où il y avait de la musique, c'est à dire le Uncle Charlie's. La salle assez petite est rapidement bondée (avec même du monde qui écoute sur le trottoir devant le bar ne pouvant rentrer à l'intérieur !). L'ambiance est véritablement torride et les jeunes américaines dansent dans le peu d'espace dont elles disposent, n'hésitant à allumer clairement les musiciens dont que je demande encore comment ils ont pu continuer à jouer dans ces conditions. Apparemment, ça avait l'air plutôt de les motiver et ils font à mon sens leur meilleur concert de la tournée. Le concert est tellement enthousiasmant que j'ai pu entendre crier distinctement dans le bar "vive la France" avec un accent américain !

Alors que le Uncle Charlie ne désemplie pas, la grande salle du Palace saloon où joue Big Joe est malheureusement quasiment déserte. Pourtant, le concert de Big Joe très semblable aux précédents est plutôt bon mais l'effet "boule de neige" l'a desservi: comme le concert des Scratch my back a plu, beaucoup sont restés même entre les sets et ceux qui sont allé voir Big Joe à la pause ont trouvé que ça manquait d'ambiance et sont revenus au Uncle Charlie's. Bref, la tendance ne s'est jamais inversée.

Au Uncle Charlie's, la soirée se termine comme d'habitude par un boeuf bien sympa avec le chanteur Karl Davis et le guitariste Jack Corcoran qui a joué un "Okie Dookie Stomp" furieux pour mon plus grand plaisir. Malheureusement, cette excellente soirée s'est terminée dans la confusion à cause d'un gars jaloux et violent, qui n'acceptant de voir son amie danser avec d'autres hommes l'a violemment frappée, ce qui a provoqué une intervention de la police. Ce concert reste néanmoins l'un de mes meilleurs souvenir du voyage.

 

mardi 9 avril: rafters blues club à l'ile St Simons, Georgie

Mardi 9 avril, nous avons la surprise de voir débarquer une équipe de télévision pour interviewer les musiciens de Scratch my back qui suite à leurs différentes prestations commencent à se faire sérieusement remarquer et à susciter la curiosité des américains. L'interview tout en anglais bien sûr fut relativement long avec une intervieweuse de charme. Pour la dernière date de leur tournée américaine, les Scratch my back retournent au Rafters Blues Club sur l'ile Saint Simons. Cette fois, il y a un grand panneau à l'entrée qui présente le groupe "Scratch my back, swinging blues from France". Malheureusement, le public est beaucoup moins nombreux que la première fois et les musiciens me paraissent un peu fatigués. L'ambiance est loin de celle de la veille et les deux sets du concerts bien que très honorables ne resteront pas pour moi comme étant les plus mémorables de la tournée mais je les excuse volontiers étant moi même dans un état de fatigue assez prononcé alors que je ne suis que spectateur ! La soirée s'est néanmoins terminée par un bon boeuf avec Arnaud Fradin, Manu Frangeul et Karl Davis venus en spectateurs. Archie Turner, présent lui aussi au Rafters n'a pas joué mais s'est bien éclaté sur la piste de danse ! Le lendemain, c'est Big Joe Turner & his Memphis Blues Caravan qui est programmé au Rafters blues club, le monde est petit !

 

Enfin, je voudrais remercier l'association Blues Qui Roule et son président Alain Leclerc qui m'a permis de faire ce beau voyage. J'aimerais aussi féliciter BQR, cette petite structure associative à but non lucratif, pour ses actions en faveur de la reconnaissance du Blues Français. Et comme le clame souvent son président, je dis aussi : "Vive la musique bleue ! Vive la BQrie !"

 

Pour retrouver Scratch my back et Malted Milk sur le web, taper http://www.bluesquiroule.com

Jocelyn Richez – mai 2002

 

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