La Gazette de GREENWOOD
n°44 (Juillet 2002)

Tom Cat (*)

(*)ça faisait tellement plaisir à Georges que son article soit dans le Tom Cat :-)






Tome 3
  • Ca n'Arrive pas qu'aux Autres !(Une galère bizarre autant qu’étrange)
  • Blues in Meudon:
    • Meudon, côté cour
    • Meudon, côté jardin
  • Boogietown: Elliott Murphy, John Hammond, Fred & the Healers et Alex Schultz, Canned Heat
  • Spring Blues Festival d'Ecaussinnes






  
Tome 1:
  • A tribute to Jimmie Lee Robinson:
    un voyageur Solitaire dans Maxwell Street
  • John Lee Hooker:
    • >interview de Tomasz Dziano:
      Tribute to John Lee Hooker
    • Live at Newport
    • au Casino de Montreux
  • Kevin Brown: Mojavé Dust
  • Elmore D. : Basse Moûse Blues
  • Blind Willie Walker: South Carolina Rag
  • The Hoodoomen: Keep on dreaming
  • Awek à l'Eden Rock (Lyon)
  • Les Bloosers à la Pléaide (Tours)
  • La Rubriqu'à Blues: Kenn Lending, Bluedaddies, Henry Johnson, Booglerizers, bloosers





Tome 2
  • L’arrivée du Blues en France
  • Et la France découvrit le blues, 1917 à 1962: Introduction
  • Cyril Lefebvre: "Musique française et américaine de la même époque et d'il y a longtemps"

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MISSISSIPPI HEAT

date: 2 juin 2002
de: Georges Lemaire <lemaire.g@skynet.be>
photos 1, 2, 4, 7: Todd Winters; 3, 5, 6, 8: Michel Lacocque; 9: Georges Lemaire
(Tous droits réservés)

Au moment où le cinquième album de Mississippi Heat vient de sortir, il est temps de retracer la carrière de ce groupe qui, depuis onze ans, a acquis ses lettres de noblesse dans la Windy City et dont le leader, l'harmoniciste Pierre Lacocque, est originaire de Ransart, petite commune de Belgique située dans le Hainaut, près de Charleroi.

Pierre Lacocque (photo Todd Winters)
Pierre Lacocque
C'est vers l'âge de seize ans que Pierre Lacocque est arrivé à Chicago. Son père, théologien, lui a fait un jour cadeau d'un petit harmonica dont les sonorités ont ému Pierre jusqu'aux larmes. Mais, comme il ne savait pas en jouer, il l'oublia assez rapidement.

A l'époque, la famille Lacocque ne possédait pas de télévision, mais Pierre écoutait fréquemment la radio. Il appréciait par dessus tout la musique d'Aretha Franklin, d'Otis Redding et de Ray Charles. A ce moment-là, le blues lui était totalement inconnu.

Pour se rapprocher de l'Université de Chicago où le père de Pierre enseignait la théologie, la famille déménage dans le quartier de Hyde Park. Un samedi soir, dans un bâtiment de l'Université, Pierre, pour la première fois de sa vie, entend du blues : c'était Big Walter Horton qui soufflait dans un harmonica amplifié. Les sons puissants qu'il en tirait et le style avec lequel il jouait ont profondément bouleversé Pierre et ont probablement été déterminants pour sa future carrière musicale.

Deux jours plus tard, le lundi suivant, Pierre achetait des harmonicas, une quantité impressionnante de disques de blues et se mettait au travail. C'est aussi à partir de ce moment qu'il a commencé à fréquenter assidûment le Theresa's, le Pepper's lounge et le Checkerboard, clubs de blues réputés de Chicago.

Au Theresa's, il fait plus ample connaissance avec Junior Wells qui sera sa deuxième grande influence. Il l'accompagne parfois sur scène ainsi que Phil Guy, le frère de Buddy.

En 1970, Pierre Lacocque quitte Chicago pour entamer, à Montréal, des études de psychologie. Mais ce n'est pas pour autant qu'il abandonne l'harmonica. Dès qu'il le peut, il accompagne des orchestres de blues et de blues rock.

Il regagne Chicago en 1976 où il fonde une famille et se consacre à sa carrière.

A la fin des années 80, il se remet au blues et accompagne Calvin Jones, Willie Smith, Pinetop Perkins.

Mississippi Heat a vu le jour en 1991, au café Lura (3184, N. Milwaukee Ave.), un établissement typiquement polonais qui présente des groupes de jazz et de blues. Le guitariste Jon McDonald a invité Pierre à l'accompagner sur scène. Robert Covington était au chant et à la batterie. Le public a été tellement séduit et enthousiaste qu'ils ont décidé de continuer à jouer ensemble et Bob Stroger est venu renforcer la section rythmique à la basse. Peu après, Jon McDonald a cédé la place à Little Smokey Smothers et lorsque celui-ci est parti, il a été remplacé par les guitares de Billy Flynn et de James Wheeler.

Pierre et Michel Lacocque (photo Todd Winters)
Pierre et Michel Lacocque
C'est Michel Lacocque, le frère de Pierre, qui a proposé ses services pour remplir les fonctions de manager du groupe, en assurer l'intendance et s'occuper des bookings.

L'originalité de Mississippi Heat réside dans le fait qu'ils veulent conserver le son du Chicago blues des années 50 et 60, son qui a été forgé par Muddy Waters, Sonny Boy Williamson, Jimmy Rogers, Howlin' Wolf et tant d'autres. Mais comme marcher dans les sentiers battus n'est pas leur fort, pratiquement tous les titres des albums de Mississippi Heat sont des compositions originales.

Leur premier album, STRAIGHT FROM THE HEART (Van Der Linden Recordings - nom de la maman de Pierre - VR 100 RE), paraît en janvier 1993. Des musiciens de tout premier ordre ont participé à l'enregistrement de ce premier CD :

Chaque album de Mississippi Heat reçoit la visite de guests. Ce premier CD ne fait pas exception et est rehaussé par la présence de Calvin Jones, un bassiste légendaire qui a accompagné Muddy Waters pendant près de vingt ans et de Sam Lay, une autre grande pointure originaire d'Alabama, arrivé à Chicago à la fin des années 50, qui a mis sa batterie au service de Howlin' Wolf, Paul Butterfield, Willie Dixon et Otis Rush. Il a également participé au célèbre album Highway 61 Revisited de Bob Dylan. Inventeur du double shuffle, il est surnomme The Shuffle Master !

Pour LEARNED THE HARD WAY (Van Der Linden VR - 101), le second album de Mississippi Heat paru en 1994, Robert Covington, déjà malade, doit abandonner les baguettes. Il est donc remplacé par Deitra Farr au chant et par Allen Kirk à la batterie. Celui-ci, ancien batteur des Chicago Diamonds et des Fabulous Fishheads, remplaçait également Robert Covington, quand il était en tournée, dans l'orchestre The Big Four qui accompagnait Sunnyland Slim.

Quant à Deitra Farr, elle est née à Chicago. Son père ne possédait que des disques de blues. Elle a donc grandi, nourrie de musique bleue. De plus, elle a beaucoup chanté le gospel et cela s'entend !

Elle travaillait à l'Université de Chicago quand Phil Guy est venu y donner un concert. Les amies et collègues de Deitra étaient au courant de sa passion pour le chant et l'ont mise au défi de chanter avec Phil Guy. Celui-ci a apprécié sa voix et l'a invtée à venir l'écouter au Checkerboard. C'est de cette façon que sa carrière de chanteuse a débuté. Elle a travaillé avec Sunnyland Slim, Homesick James et Wilie Kent.

C'est en janvier 1993 que Bob Stroger lui a annoncé que Pierre Lacocque recherchait une chanteuse pour quelques concerts. C'est ainsi qu'elle est devenue la chanteuse du groupe. Elle est également écrivain, poète et enseignante.

A l'occasion de ce deuxième album, Bob Stroger a fait un cadeau inestimable à Pierre : il y chante pour la première fois. C'est un titre de Big Bill Broonzy qui date de 1935 et qu'il a lui-même arrangé, Keep Your Hands Off Her.

Le troisième album, THUNDER IN MY HEART (Van Der Linden - VR 102) paraît en 1995. L'équipe, cette fois, demeure inchangée mais est renforcée par Michel Lacocque, le frère de Pierre, qui participe aux chœurs et par Ken Saydak, qui tient les claviers. Originaire de Chicago, il a accompagné Mighty Joe Young pendant cinq ans, a ensuite rejoint l'orchestre de Lonnie Brooks, puis celui de Johnny Winter. Il a participé au derner CD de Zora Young, Learned My Lesson. Il a également accompagné Johnny B. Moore sur son album Delmark Trouble World ainsi que sur les superbes Red Hot Mamas et Clark Street Ramblers (Blue Chicago).

Le groupe reste solidement soudé jusqu'en 1996. Mais peu après, Deitra Farr, James Wheeler, Bob Stroger et Billy Flynn quittent Mississippi Heat pour entamer une carrière solo.

On pourrait aisément croire que ces fréquents changements de personnel n'ont pas été bénéfiques. Bien au contraire. C'est à chaque fois un sang neuf qui est venu redynamiser l'équipe. Toutefois, l'orientation générale de Mississippi Heat, le Chicago blues des années 50 et 60, n'en a pas été modifiée.

George Baze (photo Michel Lacocque)
George Baze

Au début de l'année 1997, Pierre Lacocque doit donc reconstituer une nouvelle équipe autour de la chanteuse Katherine Davis, une alto aussi à l'aise dans le blues que dans le Rhythm & Blues: Ike Anderson à la basse. Aux drums, Kenny Smith, le digne fils de Willie "Big Eyes" Smith qui accompagna Muddy Waters pendant une quinzaine d'années. A la guitare, George Baze, le demi frère de John Primer. Pendant longtemps, il a accompagné Junior Wells et était un habitué des jams du lundi soir, au Buddy Guy's Legend's. Au piano et à l'orgue, Barrelhouse Chuck, un spécialiste du boogie-woogie qui, à la fin des années 70, suivait toutes les tournées de Muddy Waters pour pouvoir écouter son pianiste, Pinetop Perkins. En 1979, à Chicago, il a rencontré Sunnyland Slim qui l'a pris sous son aile, qui l'a présenté aux plus grands pianistes et qui a fait son éducation musicale. Il a joué et enregistré avec Jimmy Dawkins, Billy Boy Arnold, Hubert Sumlin et bien d' autres.

Kenny Smith (photo Todd Winters)
Kenny Smith

En 1999, ils gravent un quatrième album, HANDYMAN (Van Der Linden Records), qui est unanimement apprécié par la critique. Le magazine canadien Real Blues le considère comme le meilleur album de Chicago blues. Living Blues précise qu'il s'agit d'un des meilleurs disques de blues actuel et le magazine français Soul Bag lui attribue Le Pied.

La réédition européenne de 2000, un digipack paru sous le label CrossCut (CCD - 11064), comporte deux superbes bonus tracks.

Carl Weathersby et Pierre Lacocque (photo Michel Lacocque)
Carl Weathersby et Pierre Lacocque

Roger Weaver
Roger Weaver

Comme d'habitude, Pierre Lacocque a trois invités de marque :

  • Billy Boy Arnold, né en 1935 à Chicago. Cet harmoniciste légendaire a accompagné Bo Diddley dans les années 50. Il a été initié à l'harmonica par John Lee Williamson, le premier Sonny Boy à qui il a rendu visite à trois reprises. John Lee est décédé peu après, mais c'est cette rencontre qui a décidé Billy Boy à consacrer sa vie au blues. En 1952, il signe son premier contrat d'enregistrement avec le label Cool. C'est à la sortie du disque qu'il s'est aperçu qu'on lui avait donné le surnom de Billy Boy. Il avait alors 17 ans, en paraissait 15 et disait à tout le monde qu'il en avait 19! Ce surnom ne lui a donc pas plu, mais il lui est resté toute sa vie.
  • Carl Weathersby est né à Jackson (MS). Sa plus grande influence a été un ami de son père : Albert King. C'est un musicien qui a vécu des jours difficiles. Il a participé, dans l'infanterie, à la débâcle de la guerre du Vietnam. Il a été témoin d'atrocités innommables. Il a aussi exercé divers métiers : policier, gardien de prison, ouvrier dans une aciérie. Quand il joue, quand il chante le blues, il sait parfaitement de quoi il parle. Ses productions sur le label Evidence sont caractérisées par des envolées psychédéliques et beaucoup de distorsion. Ici, avec Mississippi Heat, il revient aux sources, à un blues pur et dur.
  • Cousine de Howlin' Wolf, Zora Young est née à West Point (MS) et est arrivée à Chicago à l'âge de sept ans. Depuis sa plus tendre enfance, elle a chanté le gospel dans les églises baptistes. Elle a enregistré avec Sunnyland Slim, Willie Dixon, Buddy Guy, Albert King, Jimmy Dawkins.
Le guitariste George Baze est décédé pendant le mixage de Handyman et Barrelhouse Chuck quitte le groupe pour entamer une carrière solo. Pierre Lacocque fait alors appel à Chris Winters (un guitariste renommé sur la scène de Chicago. C'est également un professeur de guitare très demandé), à Roger Weaver (un maître des claviers), à Steve Howard (basse) et à Michael Thomas (guitare rythmique).
Inetta Visor (photo Todd Winters)
Inetta Visor

Au moment d'enregistrer leur cinquième album, Mississippi Heat doit faire face au départ de Katherine Davis qui quitte le groupe pour tenter, elle aussi, une carrière en solo.

Elle est remplacée par Inetta Visor, une chanteuse que les frères Lacocque ont repérée en allant prospecter dans les innombrables églises baptistes du South Side. Il est bon de rappeler que les chorales de gospel constituent un important réservoir de talents pour la scène blues.

Cette fois, Pierre a fait appel à la participation de trois invités : Billy Boy Arnold, Carl Weathersby, et Peter " Madcat " Ruth, un virtuose de l'harmonica, aussi à l'aise dans le folk et dans le blues que dans le jazz ou même le rock. Il a étudié l'harmonica avec Big Walter Horton et dans les années 70, il a parcouru le monde en accompagnant le célèbre pianiste de jazz, Dave Brubek. Il a participé à l'enregistrement d'une cinquantaine d'albums.

Nous venons de le voir, Pierre Lacocque s'entoure de musiciens exceptionnels, que ce soit sur scène ou pour les enregistrements en studio.

Billy Boy et Pierre Lacocque  (photo Michel Lacocque)
Billy Boy et Pierre Lacocque
Pierre Lacocque au studio Tone Zone (photo Georges Lemaire)

Ce cinquième album, FOOTPRINTS ON THE CEILING (CrossCut Records), enregistré l'été dernier au studio Tone Zone, à Chicago, Mississippi Heat est venu le présenter ce 25 mai, en première mondiale, au 15ème Spring Blues Festival d'Ecaussinnes.

Georges LEMAIRE

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