La Gazette de GREENWOOD
n°45 (Septembre 2002)

Tome 1:
 
Tome 2
  • Festival Jazz de Montauban: les Blues Brothers et Patrick Verbeke

  • interview: Patrick Verbeke, le Pédagogue du Blues

  • Festival de Cognac 2002: "La Blues Rêve Party"

  • Festival de Jazz à Vienne

  • GrésiBlues Festival

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Alan Lomax
Et si il n'avait pas été là...

date: 9 août 2002
de: Xavier Delta Blues <deltablues@wanadoo.fr>

Comment résumer en si peu d'espace, la vie d'un homme Extraordinaire ! Un homme au-delà de toutes critiques, bien au-dessus de tous les compliments dont on pourrait le qualifier. Cet homme-là nous a quittés, laissant derrière lui le Plus Fabuleux Héritage de la Musique Mondiale. Sans lui, peut- être pas de Sonny Boy Williamson, de Son House, de Memphis Slim, de Fred McDowell, de LeadBelly, ou encore de Muddy Waters....... La liste serait bien trop longue à énumérer. Alan Lomax est parti rejoindre ceux qu'il avait découverts, enregistrés, et souvent amenés à la gloire. Au service du Blues, du Folk et de la musique en général pendant près de 60 ans, il avait commencé sa carrière aux côtés de son père, John Avery Lomax au début des années 30. A eux deux, ils ont produit des milliers d'enregistrements pour la Library Of Congress. Des États du Sud au Midwest, en passant par le Nord Est des États Unis mais également par l' Espagne, Haïti et les Bahamas, Alan Lomax nous aura légué par son travail, la plus grande des richesses musicales du siècle dernier.

Alan Lomax Alan Lomax est né à Austin le 31 Janvier 1915. C’est en 1936 qu’il obtiendra son agrégation de Philosophie à l’Université du Texas. Quelques mois plus tard, en compagnie de son épouse Elisabeth Lyttleton Harold, ils partiront à la découverte de nouveaux talents et réaliseront leurs premiers enregistrements à Haïti. L’année suivante, il est nommé Directeur des Archives Musicales Folk de la très sérieuse Library Of Congress. Alan Lomax est un boulimique de travail et en 1939 il obtient un diplôme d’Anthropologie à l’Université de Colombia. Il rentre également à CBS ou il donnera une série d’émissions sur ses premières expériences de « découvreur de talents ». C’est ainsi que des noms comme Woody Guthrie, Aunt Mollie Jackson, Josh White, le Golden Gate Quartet, Pete Seeger ou encore LeadBelly seront entendus pour la première fois à la radio.

En 1938, Alan Lomax va partir à la recherche de certains musiciens de Jazz tels que Jerry Roll Morton pour lequel il écrira même un livre. De grands noms du Blues vont venir enrichir la carrière d’Alan Lomax : Big Bill Broonzy, Muddy Waters, Mississippi Fred McDowell, Son House, Sonny Boy Williamson ou encore Bukka White.

Alan Lomax eut l’excellente idée dans les années 40 de parcourir les pénitenciers du Mississippi et de la Louisiane afin d’enregistrer des documents d‘une authenticité incroyable. Les deux volumes du « PRISON BLUES » allaient faire découvrir au monde entier les voix de ces prisonniers, leurs chants de travail et leurs instruments, eux qui chantaient l’espoir de revoir leur belle ou leur famille mais surtout les peines de cette population noire enfermée, le plus souvent pour des motifs bien futiles…, le principal motif étant d’être "Noir".....

Après avoir parcouru les chemins les plus profonds du Mississippi, il s’arrêtera en 1942 à Rolling Fork, ou un jeune artiste de 29 ans commence à faire parler de lui. McKinley Morganfield, surnommé Muddy Waters. Il l’interviewera et l’enregistrera avant de revenir en 1947 avec le premier magnétophone portatif sous le bras pour continuer à puiser dans les richesses du Deep South.

Dans les années 50, Alan Lomax promènera sa curiosité dans le Nord des Etats Unis et dans les Caraïbes, avant d‘aller continuer à enquêter en Angleterre.

Là, en compagnie de l'Italien Diego Carpitella, de l'Irlandais Seamius Ennis, de l'Ecossais Hamish Henderson et de l'Anglais Peter Kennedy, il aidera le public européen à découvrir le Folk Américain dans une série de programmes télé pour la BBC. Le label Columbia éditera une première encyclopédie musicale de 18 volumes de ces découvertes. Mais l'oeuvre d'Alan Lomax ne s'arrêtera pas à l'enregistrement de musiciens. Il sera à l'origine de projets culturels qui feront date dans l'histoire de l'humanité.

Retournant aux Etats Unis à la fin des années 50, Alan Lomax développera trois systèmes d’analyse culturelle de la chanson, des paroles et des styles de danse. Le « Cantométrics » pour la musique, le « Choréométrics » pour la danse et le « Parlamétrics » pour les paroles et le chant. Grâce ces programmes d’études culturels, des matériels pédagogiques et de nouveaux programmes de télévisions verront le jour. Les élèves musicologues étudieront en détail le système « Cantométrics » afin de mieux comprendre et d’analyser les diversités de la culture musicale américaine.

En 1976, Carl Sagan, alors directeur du Centre Spatial Américain commande à Alan Lomax une étude musicale afin d’envoyer dans l’Espace des extraits musicaux, grâce à la sonde VOYAGER. C’est ainsi que Blind Willie Johnson et Louis Armstrong, mais également divers instruments folkloriques, tels que la Flûte de Pan, les chants M'BUTI d’une tribu pygmée, les chants sacrés des Indiens Navajo et les chœurs du Caucase, accompagneront des extraits de grands compositeurs classiques, Bach, Mozart et Beethoven et sillonneront ainsi l’Espace comme témoignage de la culture Terrienne .

Nous sommes en 1991. Depuis 20 ans, Alan Lomax publie une multitude d'ouvrages, littéraires et musicaux. Mais cette année-là va marquer un nouveau tournant dans l'histoire de la musique. Il compile une base de données multimédia qui examine tous les rapports et toutes les connections existant dans la musique, le JUKE BOX MONDIAL. Cet outil, une nouvelle fois très pédagogique est destiné à la recherche scientifique mais également à l'égalité des chances musicales dans les médias. Alan Lomax expliquera ce projet en ces termes :

« Toutes les cultures ont besoin de leur juste part d’audience. Quand les paysans ou les populations tribales entendront ou verront leurs traditions diffusées dans les grands médias, et lorsqu’ils entendront leurs propres enfants les reprendre, alors quelque chose de magique se produira. Ils verront alors que leur style expressif est aussi bon que celui des autres et, s'ils sont équipés de moyens de communication équivalents, alors, ils continueront à perpétrer leurs traditions… »

Alan Lomax s’est éteint le 19 Juillet dernier d’une attaque cardiaque au Country Side Hospital de SAFETY HARBOR en Floride. Récemment, il avait continué à produire des succès mondiaux, notamment avec l’album PLAY de Moby sorti en 1999, mais également avec la Bande Originale du Film des frères Cohen « O’Brothers » dans lequel il adaptait un titre de Po Lazarus qu‘il avait lui-même enregistré au Pénitencier du Mississippi en 1959.

La disparition d’Alan Lomax à l’âge de 87 ans est à ce jour une des plus grandes pertes dans l’histoire de la Musique.

le site officiel d'Alan Lomax: www.alan-lomax.com/

Lire aussi dans la Gazette de Greenwood:
Muddy Waters, The Complete Plantation Recordings: Les enregistrements de terrain réalisés en 1941 et 1942 par Alan Lomax à la Plantation Stovall (Clarksdale, Mississippi) pour la Bibliothèque du Congrès ( LGDG n°37, novembre 2001 )

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Jazz à Vannes 2002
Kenny Neal, Raful Neal - l'esprit de famille

date: 4 août 2002
de: Pierrot Mercier <mississippi@wanadoo.fr >
photos de l'auteur

Finalement le ciel en a décidé ainsi : pour la première fois la soirée Blues du Festival de Vannes n'a pu se tenir sous le magnifique tilleul du jardin de Limur. Après réception du dernier bulletin météo Jean-Philippe Breton et son équipe ont sagement décidé de reporter la soirée à l'espace Chorus du Parc des Expositions.

Raful Neal, Kenny Neal, Darnell Neal Jazz à Vannes 2002 toutes les photos © Pierre Mercier

Comme me l'explique Claire François (la gentille Chargée de Communication) par téléphone en cet après-midi du 31 juillet il s'agit d'une expérience nouvelle pour beaucoup mais l'organisation impeccable à laquelle nous a habitué l'équipe vannetaise rend tout le monde assez confiant. Après les averses de la veille qui ont un peu contrarié la première soirée il fallait de toute façon jouer la prudence (j'ai appris que Zeb Heintz avait du se produire sans façade pendant vingt minutes mais que, la magie du tilleul et la qualité du public aidants, il s'était bien sorti de ce mauvais pas).

Traditionnellement c'est le palais des Arts, en centre ville, qui était prévu jusqu'ici en cas d'intempéries mais, comme je vous l'ai dit l'an dernier dans ces mêmes colonnes [voir LGDG n°35], le succès croissant de cette manifestation, et plus particulièrement de la soirée Blues, a nécessité l'aménagement d'un lieu plus vaste.

C'est donc à deux kilomètres de l'endroit habituel que se tient notre soirée. Le public arrive emmitouflé mais joyeux., avec un peu de retard le temps de faire le trajet.

Le spectacle démarre avec les lauréats du traditionnel tremplin. La sélection s'est effectuée l'après-midi même dans la cour de l'hôtel de Limur (je suis arrivé pour prendre mon badge pendant que les techniciens pliaient le matos - il faudra que je vienne un peu plus tôt l'an prochain car il doit bien y avoir des gens passionnants à découvrir à cette occasion, même s'ils ne sont pas élus). Le duo formé par Sophie Croix et Richard Aramé ne m'a pas vraiment passionné. C'est bien fait - elle a une voix magnifique - il est très cool, joue bien, a aussi une voix agréable - mais ce n'est pas du Blues. C'est encore plus jazzy que l'an dernier. C'est à se demander ce qu'attend le jury au juste ? Quand on pense que les Mathis Mathematical étaient sélectionnés ... [c'est pas possible, ils n'ont pas du venir !-/].

Flyin'Saucers : Anthony Stelmaszack Fabio Izquierdio Jazz à Vannes 2002
 
Flyin'Saucers : Cédric Le Goff Jazz à Vannes 2002

Bref, il est temps de passer à des choses plus sérieuses avec les Flyin'Saucers emmenés par le régional de l'étape : Cédric Le Goff (ex Old Bluesters) à l'orgue. Enfin quand je dis sérieuses, ce n'est pas exactement la tonalité de ce joyeux combo ! Pas de surprise pour moi, enfin pas plus que lors de leur victoire au tremplin de Blues sur Seine en novembre 2000. La même formation : Fabio Izquierdo (chant/harmonica/rubboard), Anthony Stelmaszack (guitare/chant), Jean-Charles Duchein (basse/chant), Christophe Schelstraete (batterie) et donc l'excellent Cédric à l'orgue et au chant - je ne sais pas si c'était l'air du pays mais vraiment il avait la grande forme, plus que Fabio d'ailleurs. Celui-ci m'a confié à l'entracte que le groupe avait un peu de mal à gérer les emplois du temps des uns et des autres et que Christophe les quittait après ce concert. Quant au CD attendu depuis l'an dernier il avance doucement, pour la rentrée probablement.

Les Saucers ont terminé leur prestation par un Boogie Thing bien venu pour effacer l'espagnolade Angelina qui précédait (d'accord ils sont là pour le fun mais quand même...) et donc revenir dans le sujet au bon moment (il y a une version torride de ce boogie sur leur album live Bon Ton Rouler enregistré à Cognac en 1999).

Presque 23 h c'est l'heure de faire un saut à la buvette, dans la salle même. Comme quoi le vaste hall du Parc des Expositions n'a pas que des inconvénients. Evidemment on serait mieux en plein air à guetter les premières étoiles au-dessus du jardin. Je fais justement un petit tour dehors. Il fait froid et c'est couvert. Pas de pluie pour l'instant mais le ciel n'annonce rien de bon, comme nous le dit Jean-Philippe Breton qui reprend le micro pour annoncer l'homme de Bâton Rouge, Louisanne, Mr Kenny Neal !

Le voici qui s'avance simplement sur scène, mince et de noir vêtu (je ne sais pas s'ils ont des tenues de scène d'habitude mais comme Air France avait égaré leurs valises ils ont du se refaire une garde-robe sur place; donc toute l'équipe a le même look décontracté - pantalons de toile et t-shirts). Décontracté c'est exactement l'adjectif qui convient. Le concert démarre donc sans esbroufe, rien de spectaculaire mais, c'est un signe qui ne trompe pas, au bout de trois mesures vous savez exactement pourquoi vous êtes là (arrivera-t-on un jour à définir précisément cette sensation ?) Le Blues vous prend, comme ça, d'un coup !

Le premier morceau est joué à l'harmonica, le second aussi et terminé au lap-steel mais ce sera le seul. Car au troisième titre Kenny prend sa Fender et là... un son !!! Pas fort, pas distordu (mais pas froid pour autant), juste un peu de réverb (parfois un doigt de vibrato), tout ça pour une clarté, une évidence, une lisibilité, ... je cherche mes mots. En plus le tout offert avec cette décontraction, cette aisance, cette passion aussi qui l'anime. Quand il parcourt la scène, il nous regarde dans les yeux, ne cherche jamais ses notes sur le manche mais on sent qu'il s'écoute, à la recherche de la note qui chante. Placé comme je suis, accroupi devant la scène, je n'en perd pas une miette. Le son parait bon, en tout cas il y a deux sides qui profitent autant au groupe qu'aux spectateurs des premiers rangs. Donc Kenny visiblement se régale et nous avec. Je ne me souviens pas avoir entendu une Telecaster chanter comme ça. A un moment j'ai pensé à Roy Buchanan [mais pourquoi chercher des comparaisons toujours ? Peut-être pour vous aider à comprendre ce que je ressens ? ]

Kenny Neal Jazz à Vannes 2002
Kenny Neal Jazz à Vannes 2002

Harmoniciste, slider, bassiste même car il empruntera celle de son petit frère pour un solo bien slappé - il a le droit de se défouler un peu -, guitariste surtout et chanteur, très bon chanteur. Pas très puissant mais tellement prenant. Kenny entame seul avec sa guitare un It Hurts Me Too de pur bonheur (j'ai même chanté les deux premiers couplets c'est vous dire) qu'il conclut dans un superbe et long solo d'harmonica.

Voici venu le moment de faire les présentations : au clavier Frederick Neal, à la basse Darnell Neal, à la batterie Kennard Johnson (tiens celui-là n'est pas un frère ?-). Kenny est fier de nous présenter sa famille et très spécialement ce soir son père Raful Neal qui est accueilli avant même d'arriver sur scène par de chaleureux applaudissements.

Raful Neal, Kenny Neal Jazz à Vannes 2002

A tout seigneur tout honneur, c'est maintenant Raful qui prend l'harmonica. On remarque tout de suite la différence de son avec Kenny tout à l'heure. Manifestement c'est _son_ instrument. Là ou le fils était un musicien doué le père est un maître. Pourtant là encore pas d'effet spectaculaire mais le sens de la mesure, de la note juste, et juste de la note qui compte. Chanteur agréable également mais il ne pousse pas vraiment sa voix, du coup le fils semble avoir plus d'autorité.

Les morceaux s'enchaînent; le répertoire parait un peu plus daté quand Rufus chante que quand c'est Kenny - je veux dire que Raful a un style bien à lui (que j'aime bien, d'ailleurs) alors que Kenny alterne ses propres compositions - plus modernes - et des reprises intemporelles.

En tout cas c'est un bonheur d'entendre et de voir la complicité qui règne entre le père et l'aîné des fils pour mener le set. Raful quitte la scène au bout d'un moment, puis revient au milieu d'un morceau, tout à la joie de partager ce moment avec ses fils. Il essaie un micro puis se ravise et se contente d'être présent et de taper des mains (pour donner la bonne cadence au public !-). Qu'est ce que je vous disais ? Aisance et décontraction. Est-ce la Louisianne qui veut ça ? Heureux pays !-)

Kenny Neal, Raful Neal, Jazz à Vannes 2002

Après un dernier morceau plus moderne (avec le solo de basse), sortie du groupe (pardon de la famille !). Bien sur le public est debout et a donc droit à un rappel somptueux avec Blues Fallin' Down Like Rain extrait de l'album du même nom (le premier de Kenny chez Telarc en 1998). Que c'est beau ! Si c'est ça le Blues moderne j'en veux !

Il est près d'une heure quand nous sortons. Il a plu abondamment donc nous ne regrettons pas d'être restés toute la soirée dans ce hall un peu triste - Dame, il n'y avait pas la magie du tilleul mais il y avait l'esprit de la famille Neal !

À l'an prochain Vannes !

  • Interview de Kenny Neal par René Malines dans Travel In Blues No 21
  • Interview de Raful Neal par René Malines et Philippe Sauret dans Travel In Blues No 23
  • Site du Festival Jazz à Vannes
  • Jazz à Vannes dans la Gazette de Greenwood:
    • 2001: Jazz à Vannes : une 22e édition de plus en plus Blues LGDG n°35
    • 2000: Jazz à Vannes, Nico Wayne Toussaint et Calvin Russel LGDG n°23
    • 1999: Big Lucky Carter : "on tour in France"! (Vannes et Paris)LGDG n°11

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Interview

Roland Tchakounté

date: 7 août 2002
de: Xavier Delta Blues <deltablues@wanadoo.fr>
(photo 1: Mike Lécuyer; photo 2: Reno Sterchi; photo 3: BluesTV)

Roland Tchakounté (photo Mike Lécuyer) Bonjour Roland et merci de répondre aux questions de Delta Blues et de La Gazette de Greenwood.

Pour une première question, il me paraît essentiel de faire les présentations. Qui es-tu d’où viens-tu ?

Roland Tchakounté : C’est très simple, je suis originaire du Cameroun. Je viens de l’Ouest du Cameroun, en Afrique Centrale. Je suis Bamiléké, je vis en France depuis quelque temps. Je suis originaire du Cameroun, mais citoyen français.

Tu reviens d’une tournée au Japon. J’ai appris que tu devais y repartir après un passage en Hollande. Tu es un Camerounais Migrateur, c’est ça ?

R T : C’est vrai, je pourrais me définir comme ça, surtout par la force des choses. J’y suis parti la première fois pour découvrir ce pays dont j‘avais beaucoup entendu parler, et lorsque j’y suis arrivé, j’étais agréablement surpris. Ça m’a beaucoup plu. J’ai commencé à travailler 3 mois sur place, ce qui m’a permis de tourner dans les clubs japonais. Et ensuite, j’ai accroché de nouvelles dates pour septembre. Donc, au 15 septembre, j’y retourne pour continuer le travail que j’ai commencé là-bas…

J’aimerais qu’on parle de ton album. Bred Bouh Shuga Blues, ça veut dire quoi ?

R T : La traduction c’est : Le Blues du Pain et du Sucre. Tu sais, le Blues, ça peut vouloir dire Tristesse, ça peut évoquer les Souffrances. Donc, ce titre évoque une partie de mon passé, à un moment de ma vie ou j‘ai connu pas mal de difficultés et il y a eu des jours ou j’étais réduit à manger du pain accompagné d’eau sucrée… C’était parfois le seul repas de la journée que je pouvais m’offrir. Je n’en parle pas avec tristesse ou pour me faire plaindre, c’était une époque de ma vie, et finalement cela m’a inspiré le titre de l’album et d’une chanson. Je me rappelais ces moments-là, parfois cela me faisait sourire, parfois cela me remplissait de tristesse ....

C’est une belle histoire…. Et justement, sur cet album, il y a du Blues, mais il n’y a pas que cela ! Beaucoup de titres où l’on sent les racines musicales africaines. Sur le circuit Blues français, voire européen, tu es un des seuls qui véhicule ce mélange de musique. De plus, hier soir, je t’ai vu en concert et les racines musicales africaines ressortent beaucoup plus que sur l’album.

Roland Tchakounté (Photo Reno Sterchi) R T : La base de ma musique, c’est LE BLUES. Mais je ne me limite pas qu’à cela. Je ne vis pas le Blues comme une religion, comme une musique figée. Je me dis que c’est quelque chose de très ouvert. Toutes les musiques modernes aujourd’hui viennent du Blues, alors j‘essaie d‘apporter une sorte de contribution. Faire le Blues, mais de manière très libre. Par exemple, ne pas me sentir obligé de chanter en anglais ou en français, quoique je sais le faire, mais je me dis que je si je peux faire autrement, tant mieux, si je peux apporter quelque chose en plus, pourquoi pas ? Lorsque j’étais au Japon justement, je me suis rendu compte que ma démarche n’était pas un « péché » . Au Japon, il y a des mecs qui font du Blues, mais c’est chanté en japonais et ça passe très bien ! Donc, c’est une question de feeling. A partir du moment où le public, même si il ne comprend pas forcément ce que je dis, ressent des émotions, alors c’est gagné ! J’ai choisi cette langue parce que c’est celle au moyen de laquelle je m’exprime le mieux. Malheureusement, mon public ne comprend pas toujours ce que je dis, toujours est-il que je transmets un message, et je crois que sans comprendre ce que je dis, j’arrive parfois à communiquer avec les gens. Ils essayent d’imaginer mes histoires, donc je crois que c’est la bonne démarche

J’ai lu que tu avais une passion pour John Lee Hooker, c’est vrai, l’avais-tu rencontré ?

R T : Malheureusement non, je ne l’ai jamais rencontré. C’est quelque chose de curieux. Quand j’ai commencé à flirter avec le Blues, c’est grâce à John Lee Hooker que j’ai découvert cette musique. La première fois que j’ai écouté ce Monsieur, j’ai eu l’impression qu’il s’agissait d’un Africain qui chantait en anglais. La manière qu’il avait de construire ses lignes mélodiques était très africaine. C’était la Base des racines. Quand j’ai fait le tour des musiques africaines, il y en avait vraiment beaucoup qui ressemblaient à cela. Souvent, il suffit de changer les mots, de les chanter en anglais et ça donne la même chose. C’est vraiment l’impression que j’ai eue quand j’ai écouté John Lee Hooker pour la première fois. Je me suis dit : « Ca, c’est une musique qui me va bien ». Et à partir de la, j’ai continué à parcourir cette musique. J’ai découvert ensuite Taj Mahal, qui m’a énormément influencé. J’ai la même démarche que lui. C’est pas le mec figé, il essaie de rester le plus ouvert possible, tout en respectant la tradition de sa musique. C’est pareil pour moi. Pour moi, la base c’est le Blues, le Blues selon la structure américaine, mais simplement, je chante dans une langue qui me plaît bien, le Bamiléké.

J’avais trouvé une autre influence en la personne de Jimi Hendrix. Il paraît que tu as appris à jouer de la guitare sur Hey Joe ?

R T : Oui, c’est ça ! La première musique que j’ai pu interpréter c’est Hey Joe d’Hendrix. Mais je n’ai pas trop insisté, Jimi Hendrix était assez Rock, j’aime le personnage, j’aime aussi sa musique, seulement ma tendance n’est pas celle-là..

Il y a beaucoup d’artistes au Cameroun : Certains sont très connus, Manu Dibango, Princess Erika, et bien d’autres. Même si ces gens-là ne font pas forcément du Blues, vous vous côtoyez ?

R T : Je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer toutes ces personnes. Je sais que Princess Erika est une copine de ma cousine. Je me suis dit qu’un jour je la croiserai. Quand à Manu Dibango, il a travaillé avec un très grand ami à moi, mais je n’ai pas eu l’occasion de le rencontrer non plus. Mais, Manu Dibango, quand on écoute sa musique, il y a beaucoup de Blues dedans. En allant plus loin dans sa musique, on retrouve ses racines à travers le Blues. Les Afro-Américains ont fait cette musique qui aujourd’hui est reconnue comme appartenant à la culture américaine. Mais dans le fond, c’est quelque chose qui vient de plus loin que ça. Moi qui suis originaire d’Afrique, je retrouve à chaque fois ces fameuses racines, ces liens entre la musique du terroir africain et ce Blues américain. Ce que fait Manu Dibango, c’est un peu ça. Moi, j’ai envie de faire la musique africaine comme j’aime, mais toujours en restant ouvert à tout ce qui est moderne. Parmi tous les artistes camerounais, il y a un gars qui s’appelle Richard Bona, je ne peux pas dire que l’on soit des amis proches, mais on est parti du Cameroun presque au même moment, chacun a pris un chemin et je sais que ça se passe très bien pour lui, c’est le seul parmi les artistes camerounais avec qui j’ai des contacts. Je voudrais rajouter que le Blues n’est pas une musique qui tient beaucoup de place dans les médias, au Cameroun en particulier. Mais par contre, le Jazz est très populaire chez nous. Alors, quand on parle du Blues chez nous, il s’agit souvent de ballades, de chansons slows.

Comment se passe la distribution de ton album à ce jour ?

R T : Très mal, mon seul support à ce jour, c’est la FNAC… Et les concerts… Mais, je n’ai pas fait grand-chose non plus pour trouver… Mon prochain album est en préparation, et il sera pris en charge par une maison de disques. A partir ce moment-là, je crois que sa distribution sera plus efficace. Pour l’instant, j’essaie de faire du mieux que je peux. Généralement, mes disques sont plus vendus en concert que par les circuits de distribution traditionnels.

Question classique. L’avenir proche pour toi ? On sait qu’il y a le Japon jusqu’à la fin de l’année. Mais après, que va-t-il se passer pour Roland Tchakounté ? Tu nous parles de cet album, il sera enregistré quand, où ? On veut tout savoir !

R T : Concernant le futur album, je vais avoir un peu de mal a me prononcer là-dessus. L’emploi du temps que je me suis fixé, se boucle en décembre. Après, j’ai prévu de m’occuper vraiment de cet album. Il est commencé, mais suite à quelques problèmes avec ma maison de disques, il y a eu du retard. Je vais le relancer en janvier 2003. Mais avant cela, c’est plus les tournées et les voyages que j’ai prévu. Et quand je reviendrai, je m’y mettrai (dessus). Il sortira l’année prochaine, c’est sûr, mais je ne sais pas quand. Dans le premier semestre, je pense.

Roland Tchakounté
Invité par René Malines sur BluesTV (www.canalweb.net) en Octobre 2000, Roland Tchakounté joue quelques titres en direct sur le web

Musicalement, il sera comme le premier, avec beaucoup de racines africaines ?

R T : Justement, j’ai un embarras là-dessus. J’ai un défaut, il m’arrive de partir dans tous les sens. J’ai besoin de m’entourer de personnes qui savent me canaliser. Pour le moment, j’ai quelques personnes autour de moi, qui sont prêtes à travailler avec moi. Quand je prépare un album, en fait, j‘en prépare trois en même temps. C‘est à dire que je compose l‘équivalent de trois albums. A partir de là, je retiens les morceaux qui collent à l‘album voulu. J’aimerais sortir un album avec ce qu’attend mon public, malheureusement, je n’ai pas assez de recul pour ça. D’où le fait que j’ai besoin de personnes qui m’entourent et qui me donnent des conseils à ce sujet. Pour le moment, je ne sais pas à quoi il ressemblera, mais toujours est-il que je suis en train de le préparer.

Allez, la dernière : J’aimerais avoir simplement la traduction de 2 titres de ton album : Adigoh for America, je suppose que cela veut dire « Aller en Amérique » et Chup Frein, là c’est plus dur …

R T : Ça veut dire « Ralentir » . C’est un message que je me suis adressé, mais qui s’adresse également à d’autres personnes. Lorsque l’on a des ambitions, que l’on veut réaliser certaines choses, il arrive parfois que cela ne marche pas toujours comme on l‘aurait voulu. A ces moments-là de la vie, on se retrouve face à des risques, par exemple suite à des précipitations, on peut faire n’importe quoi, et souvent on regrette… Je me suis dit que dans ces situations, quelle que soit l’urgence, il fallait prendre un peu de recul, réfléchir avant de se projeter dedans. Justement, cette chanson est auto-biographique, car je me suis cassé le nez sur pas mal de trucs, et avec du recul, je me suis dit : « Si j’avais mûrement réfléchi, je ne me serais pas retrouvé dans cette situation ». Chup Frein, ça veut dire « Molo » .

Merci Roland, pour ton concert d’hier soir, pour cette interview, pour plein de choses.

Et surtout bonne chance pour la suite.

Merci Roland…..

Interview réalisée le 2 Août 2002 au 1er Festival Blues & Gospel de Bages (11)

le site de Roland Tchakounté: http://membres.lycos.fr/rolandtchakounte/rtaccueil.htm

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Rag Mama Rag
live

date: 19 août 2002
de: Stagolee <stagolee@club-internet.fr>

Un duo qui prend pour nom un titre de Blind Boy Fuller ne peut pas être vraiment mauvais… ! Et effectivement, Rag Mama Rag, duo composé de Deborah et Ashley Dow, s'avère être parmi les meilleurs représentants du country-blues. De la planète, I say.

Les voir en concert est un vrai plaisir pour tout le public, alors pour un amateur de country- blues, vous imaginez le pied ! (voir LGDG n° 43-2 : concert aux Sables d'Olonne).

C'est un de ces moments magiques où prend corps soudain face à vous une musique que certains voudraient croire définitivement enterrée: celle des années 1920 et 1930, le ragtime, le swing et le blues des Américains noirs et blancs de cette époque, avec ses rires et ses pleurs, ses rythmes lents ou endiablés. Yeah, the country blues is alive!

Ashley chante magnifiquement bien et joue alternativement de la guitare (slide ou finger-picking), de la National, du weissenborn ou de l'ukulele tout en marquant le rythme sur sa "Suitcase Bass drum", tandis que Deborah, à l'harmonica, au washboard ou autres percussions (cuillères, tambourin, tam-tam, etc), l'accompagne avec une rare harmonie.

Rag Mama Rag (Sables d'Olonne, 2002) Vous qui n'avez pas encore eu la chance de les voir en concert, ou qui les avez vu et voulez retrouver un peu de cette joie irrépressible que vous avez connue, précipitez-vous sur le dernier CD des Rag Mama Rag, tout simplement intitulé Live ! Enregistré au Salaise Blues Festival 2000 (voir LGDG n° 19), ce CD comporte 14 titres de Adamson/McHugh, Homesick James, Robert Johnson, Sleepy John Estes, Allen, Skip James, Bukka White, Tampa Red, Bo Carter, Cab Calloway… Enumération qui parle d'elle-même! Et à laquelle il faut rajouter Mister Trad lui-même ainsi qu'Ashley Dow (lui-même aussi) qui évidemment ne dépare pas le répertoire !

En plus d'entendre les Rag Mama Rag, ce CD vous permet de les voir grâce à quatre vidéos de ce concert, et là vous pourrez constater que ce n'est pas du bluff ;-) Par exemple, regardez et écoutez Hard Time Killing Floor : voyez la concentration des musiciens tout au service de l'interprétation de ce chef-d'œuvre, voyez comment il suffit d'être bon pour réinterpréter les standards du blues de façon magistrale, respectueuse et créatrice. Regardez comment Deborah sait doser les interventions de son harmonica, comment Ashley vit ce qu'il chante et joue sur son weissenborn. Pour un ragtime endiablé, choisissez la vidéo de Jitterbug Rag, instrumental guitare/washboard: tout simplement époustouflant !

Alors, mesurons la chance que nous avons: ce couple britannique a choisi de vivre à Rennes et, depuis 1991, ils tournent en France et en Angleterre, presque discrètement mais se forgeant progressivement une réputation de dieux du country-blues, réputation qu'en l'occurrence ils méritent amplement !

Quatre disques sont déjà à leur actif : Rag Mama Rag, Rollin' Mill Stomp, Struttin' & Strollin' et donc le petit dernier Live. "Il faut être fou pour laisser passer ça !", s'écriait Roland Malines dans LGDG n° 23 à propos de Struttin' & Strollin', dans un cri qu'il faut compléter aujourd'hui par un "… et inconscient pour passer à côté de Rag Mama Live !".

Réf CD : Rag Mama Rag Live, RAGMAO4CD, 2001
le site des Rag Mama Rag: http://www.ragmamarag.co.uk/frenchhomepage.html
Tél : 02.99.48.46.57 / 06.68.69.64.44
e-mail : addow@frgateway.net

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Blues in Belgium
Boogie Workers et Blue Flame

date: 31 juillet 2002
de: Didier "Don't Forget To Boogie" <divdbranden@swing.be>






Boogie Workers : It's BOOGIE Time!

Voilà un cd qui a fait quelques détours avant d'arriver sur ma platine: il est parti de Rendeux en Belgique pour Blois en France, chez Olivier, pour ensuite repartir de Blois pour Uccle en Belgique, chez moi.

Pourquoi chez moi? Vu le boulot que lui demandait la mise en page de la Gazette, la nationalité du groupe et ma signature sur LGDG [NDLR: Didier "Don't Forget To Boogie" :-) ], Olivier a pensé que j'étais le mieux placé pour en parler...

Alors, après avoir dégusté ce 1er cd titré… it's BOOGIE time! (Boogie en majuscules svp), j'en parle :

Les Boogie Workers disent avoir reçu la grâce au cours d'un concert de Canned Heat et avoir décidé de consacrer leur vie au boogie/blues. Voila une bonne nouvelle !
Le groupe se compose de Walter Otte au chant et aux guitares, Patrick Schmidt à la batterie, Olivier Poumay à l'harmonica et Etienne Gobert à la basse, avec en invité sur la galette, Christian Barthel aux guitares.

C'est la première fois que j'entends parler d'eux (honte sur moi) et Ils sont bons :

Rien à jeter!!

Même si (et là je cherche la petite bête), il y a, de temps en temps, de petites faiblesses dans le chant…, mais heureusement, dans les meilleurs moments (ils sont les plus nombreux) la voix de Walter est aussi éraillée que celle de Johnny Winter. Voix noires, voix blanches, ahhh ce débat éternel…;-)).

11 compositions originales, un son bien à eux et s'il faut l'étiqueter, disons le Canned Heat mâtiné de Status Quo et de ZZ Top.

Prenez pas la fuite ! Rien de lourd ni de terne, bien au contraire. Ils ont pris le meilleur chez chacun. Leur musique oscille entre boogie/blues bien dansant et blues/rock crapuleux. J'ai dit : à déguster.

On y trouve même une sorte de ska bluesy et indéfinissable sautillant à souhait, comme un clin d'œil au beau milieu du cd (World Blues), pour revenir vite fait, au sujet principal de cette galette: le boogie. Je me suis même surpris à psalmodier "How how how how" à la JLH, en accompagnement.
Le fun je vous dis. C'est gars-là sont des entertainers. Leur plaisir est le nôtre et inversement.

Pour un 1er cd, c'est une belle réussite et ils évitent le piège de la copie appliquée. Pour vous dire encore que la jaquette indique "Recorded Live in Audio Concept Studio". Du boogie à l'état brut et c'est là qu'ils sont les meilleurs, pour preuve les titres n° 4, 5, 7 etc.

J'adore.

le site des Boogie Workers: web.wanadoo.be/boogie.workers/







Blue Flame: It ain't what it used to be

Du belge, du belge et encore du belge!

Blue Flame (http://www.theblueflame.be.tf/) est un groupe bruxellois composé de Mister Veebee (Alain Van Brussel, ça ne s'invente pas!) au chant et guitares, Wacko (Daniel Stijns) aux guitares, Super Mario (Mario Dragon) à l'harmonica, Phildee (Philippe Detombe) à la basse et Syléo (Sylvain Leonard) à la batterie.

Avec le CD It ain't what it used to be, on quitte le boogie pour le Chicago Blues même si, parfois, le groupe s'oriente vers un blues/rock aux guitares furieuses et aux rifs ravageurs (notamment à la fin de Out of the dark où on croit entendre Keith Richards).

Il s'agit, ici également, d'un premier album composé de 10 titres originaux, tous de la main de Alain Van Brussel à l'exception de Goin' Down co-signé Alain Van Brussel et Philippe Detombe.

Les musiciens sont excellents ici aussi avec mention spéciale pour l'harmo qui, en plus de la classe, donne l'impression de ne pas se prendre au sérieux. Pour moi, c'est lui qui apporte la couleur bleue à l'album ainsi que la bonne humeur qui s'en dégage.

Un petit regret concernant le mixage de la batterie trop présente à certains moments et la voix de Mister Veebee pas toujours convaincante (je sais, je pinaille, mais quand on aime...). Pourquoi ne pas avoir laissé chanter Mario ? Je l'ai vu en concert avec d'autres musiciens lors d'une soirée à la Goualante et j'ai le souvenir d'une belle voix blues.

A propos de voix, c'est le première fois que j'entends des arrangements vocaux aussi british pop dans des morceaux blues (Bad day at the bluesman's home). C'est assez surprenant à la première écoute et on se prend à fredonner le refrain devant son miroir le matin en se rasant, du genre qui ne vous quitte plus de la journée.

Un très bon premier album avec plein d'ambiances, plus diversifié que celui des Workers avec quelques perles en acoustique et en slide (entre autres Elmore Johnson Blues et Mister Shuffle tout en retenue, lent et court à souhait) et l'harmo qui m'est apparu comme le fil conducteur de l'album, liant la sauce de belle manière, soulignant par des interventions classieuses en solo ou en rythmique, se plaçant toujours au bon moment et apportant beaucoup de couleurs et une respiration à l'ensemble.

Si je devais comparer les 2 cd, je dirais qu'avec It ain't what it used to be, Blue Flame nous propose un disque à écouter, tandis qu'avec It's BOOGIE time, les Boogie Workers nous proposent un disque à danser. Dans les deux cas, je n'ai pu m'empêcher d'écouter en dansant et inversement.

.... Si vous voyez ce que je veux dire ....

le site des Blue Flame: http://www.theblueflame.be.tf/

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Est-ce que vous Aimeïz le Blues ce soir?

Muddy Waters
au Casino de Montreux

date: 18 août 2002
de: Poill's <apoillot@wanadoo.fr>

Vous, je ne sais pas, mais personnellement, ça m'a toujours fait marrer, les Anglais et surtout les Américains qui se mettent au français quand ils sont sur une scène. Ce coup-ci, c'est un Suisse. C'est moins drôle, mais il y a quand même une petite pointe d'accent.

Donc, casino de Montreux, le 11 Avril 1976. Que du beau monde sur scène, jugez-en par vous-mêmes :
Le combo, tout d'abord :
Calvin Jones à la contrebasse, Little Willie Smith à la batterie, Pinetop Perkins au piano, Jerry Portnoy ( prononcez Portnoi pour faire comme Muddy, et ça sera respecter l'ascendance française de ce cher harmoniciste), et deux guitaristes et non des moindres : l'incontournable Bob Margolin (qu'on voit dans The Last Waltz, pour les abonnés qui suivent les mails avec attention), et Luther Johnson Jr. qui pousse la chansonnette avec plus ou moins de bonheur (plutôt moins que plus, je trouve, mais c'est un avis tout à fait personnel).
Là, nous sommes gâtés, question durée, 65'53 le premier CD, et 62'32 pour le second, eh oui, c'est un double…
Ça démarre cool, mais pourrait-il en être autrement avec ce bon vieux McKinley Morganfield ?
Une présentation du band qui, manifestement, sert à tout le monde pour se caler dans l'ambiance sur After Hours, comme il se doit… Enfin, oui et non, car comme vous le savez tous, ce terme désigne plutôt les bœufs improvisés après les prestations officielles qu'une partie officielle d'un programme de concert. Mais bon, comme ça pose bien l'ambiance, va pour After Hours… Donc, le band joue en douceur pendant qu'un digne confédéré et Helvète à la fois nous présente les musicos, en français, ce qui est bien commode quand on n'a pas de notes de pochettes… Il commet juste la (petite) erreur de prononcer Portnoy à l'anglaise, mais Muddy se chargera de rectifier le tir plus tard…Ca tourne bien, même si Pinetop a quelques harmonies osées, pour ne pas dire malheureuses en chorus. Autre petit détail, mais qui a son importance : tout ce monde-là est faux dès le début. Rien d'insupportable, juste ce qu'il faut pour la note d'authenticité… Est-ce délibéré ? Ou bien simplement un défaut de Luther Johnson Jr. ? N'allez pas croire que je ne l'aime pas, simplement il m'a déçu dans ce disque, peut-être parce qu'il est très difficile de chanter sur la même scène que Muddy, dont la voix est à elle seule une ambiance…
Le deuxième morceau, un instrumental présenté comme un medley, Floyd's Guitar Blues / Blue Lights ressemble vraiment très fort à une suite du premier, histoire de ne pas perdre la main tant qu'on est là. Ça pue sa mayonnaise à plein nez et d'ailleurs, je me demande toujours pourquoi les gens s'entêtent à donner des titres à ces morceaux, nécessaires il est vrai. Pourquoi ne pas les intituler justement Mayonnaise, Sound Check (non, ça, ça a déjà été fait par au moins McCartney), et pourquoi pas Lui Fais Pas Signe, Y En A Encore Plein Qu' Arrivent ! , voire Tain, Qu'Est-Ce Qu' Il Met Comme Temps A Finir Son Canon ! Ca prendrait trop de place sur une pochette ? Ca ne ferait pas assez sérieux ? Bon, ça tourne sans anicroches, toujours un tempo lent, sans surprise et je n'ai pas réussi à distinguer les deux morceaux l'un de l'autre…
Boogie Thing, qui, comme son nom semble l'indiquer, n'est pas à proprement parler un morceau, mais plutôt un truc pour continuer à se chauffer tranquillement… L'harmonica se cale bien, Portnoy semble en forme, la mayonnaise monte tranquillos… En fait, ce morceau est l'exemple type du shuffle medium en mi lancé pour mettre tout le monde au courant. Et je ne dis pas mi au hasard, j'ai vérifié, comme quoi cette chronique est sérieuse... De l'instrumental qui passe bien, ni original, ni chiant, on a affaire à des pros, ça s'entend. Immédiatement après, Chicken Shack, un autre instrumental qui permet à Luther Jr. de présenter la vedette, que l'on imagine très bien arrivant cool sur scène, vérifiant réglages et branchements, avant de s'installer confortablement sur son tabouret. En fait, je ne sais pas s'il en avait un cette fois-là, mais quand je l'avais vu lors de la même tournée (si je ne me trompe) à Reims, c'était le cas.
Et c'est là que ça démarre vraiment : Going Down Slow, la voix du maître impériale dès les premiers mots. Pas de bonjour, la chanson tout de suite. Personnellement, je préfère, après la longue intro. Et ça y est, la magie fonctionne, un peu comme si la machine impeccable qui tournait avant le faisait à vide. Du grand art ! Et puis, un énorme avantage, Muddy est très facile à comprendre dans ce morceau. Bon, il joue un peu faux, mais s'en rend compte et rectifie le tir…
What's The Matter With The Mule ? (Can't Get No Grinding) La setlist qu'on m'a obligeamment fait parvenir l'appelle comme ça, alors va pour ce titre, mais bon, Muddy prononce plutôt " Mill ". La machine est maintenant bien huilée, a pris sa vitesse de croisière, tout baigne, les réponses chant / chœurs, les spectateurs qui applaudissent poliment à la fin de chaque chorus et, insensiblement, la tension monte. Pas d'extravagances de la part des guitaristes, c'est du pur jus, propre, mais qui laisse entendre que… Et mine de rien, on a déjà passé une demi-heure…
" Meussi bôcou ", dixit Muddy, juste avant d'entamer Hoochie Coochie Man. Rien à dire, si ce n'est que le riff ressemble plus à " mi sol mi sol la " qu'à " do ré mi do la ", allez savoir pourquoi !
Contrairement à ce qui se produit le plus souvent - quand des gens comme nous le reprennent - ce morceau est très court, aucun chorus, et dure moitié moins longtemps que ses congénères.
Howlin' Wolf… Bon, c'est énervant, car j'ai envie de dire pour chaque morceau depuis l'arrivée de Muddy : " Tout le Blues résumé en quelques minutes ", et c'est vraiment l'effet que ça fait. Est-ce qu'il nous parle tranquillement dans l'oreille, ou pleure sur son sort (le pauvre mec qui hurle à la mort autour de la maison de sa dulcinée) ? Toujours une certaine distance, on l'entend sourire quand il howle… Et surtout un très grand, même si très classique, chorus de bottleneck. Bandant.
Everything's Gonna Be Alright : sans surprise, c'est là que Muddy rectifie le tir sur le nom de l'harmoniciste. Présentation des musiciens et fin du morceau chantée par L. Johnson Jr. Pas grand chose à en dire, ça tourne bien, mais sans trop de conviction tout de même… Et malheureusement, cassure nette de l'ambiance
Thème : Un petit truc vaguement funky très court, 0'55, pour marquer le changement de chanteur (dont on se doutait un peu depuis la fin du morceau précédent, on ne nous la fait pas, à nous qu'on connaît la musique…)
Dust My Broom : LE classique sur lequel personne n'a le droit de se planter. Luther Johnson s'en tire plus qu'honorablement au niveau de la guitare, mais c'est moins évident pour ce qui est du chant, voix posée plus qu'approximativement, surtout.
You Left Me With A Broken Heart : toujours L. Jr., toujours ces réticences à propos du chant, et pourtant il n'est pas mauvais. Je pense que sur ce disque, il pâtit énormément de la comparaison quasi automatique avec Muddy. Dommage pour lui, mais il devait s'en douter en acceptant la tournée, je suppose. D'ailleurs, si je ne me trompe, il a dû apprécier ce rôle de sideman pour l'avoir conservé pendant plus d'une décennie…

Fin du premier disque, voyons voir le second :

Ca redémarre en force avec un Luther Johnson beaucoup plus inspiré, je suppose que ce morceau qu'il a enregistré en 78 ( c'est lui qui le dit qui y est ) fait partie de son répertoire habituel, Nothing But Soul, bien funky, très bien servi par la rythmique, et un enchaînement malin en forme de fausse fin avec I Got A Mind To Travel / After Hours, le tout enchaîné, faisant pas moins de 28 minutes. Mais là, rien à dire, c'est nettement mieux qu'à la fin du précédent…
Re-présentation des musicos, c'est la troisième ! Et on reste dans le cool, avec une version de Stormy Monday qui ne souffre pas trop du son rude de Muddy (comparé à celui de T-Bone, of course). Rien de particulier à dire, c'est du bon standard. Et puis, on change d'inspirateur, voilà Walking Blues, enfin je le suppose, car ces petits facétieux avaient pour habitude de piquer les morceaux des autres ou du répertoire populaire et de les signer. Rappelez-vous la rivalité Muddy, justement, et Bo Diddley autour de Mannish Boy chez l'un, I'm A Man chez l'autre. Même si dans Hail ! Hail ! Rock'n'Roll, le gros Bo affirme que Muddy est son maître à penser, ils se sont copieusement invectivés à ce sujet, si mes souvenirs sont bons… Et Muddy n'est plus là pour remettre les pendules à l'heure…
Mais je m'égare. Walking blues, plutôt lent, trop à mon goût, peut-être est-ce parce que je n'ai vraiment apprécié ce morceau qu'en l'entendant joué par le Bec Vert, suivi d'un Rollin' & Tumblin' un peu anémique lui aussi. Mais ce vieux Muddy avait déjà de la bouteille, à cette époque, alors est-ce une ruse habile pour s'économiser en attendant le morceau de bravoure, Got My Mojo Workin'… Qui ne sera pas vraiment violent non plus … Mais très bien tout de même ! Et le concert meurt tranquillement de sa belle mort.
Take A Little Walk With Me, un morceau que je n'apprécie pas particulièrement, il me fait penser à Sweet Home Chicago joué sous Xanax… Mais bon, le titre est peut-être un démarquage de Just A Closer Walk With Thee, ce qui en ferait un titre digne d'accompagner un enterrement ou une visite de la toussaint au cimetière, pour ceux qui le font.
Fin du deuxième disque avec un morceau qui démarre très bien, un piano qui pousse tranquillement un bon shuffle, mais tout le monde y va de son improvisation pour ne pas faire comme les autres, ce qui donne des moments guitaristiques bizarres, entre autres…

Pour tout vous dire, ce double CD est très cool, trop dirais-je. L'ambiance générale me fait plus penser au Higelin de Une Mouche Sur Ma Bouche qu'à un chorus d'Al Di Meola, mais bon, c'est du Blues, hein, vous étiez prévenus.
Qui s'en tire vraiment bien dans ce disque ? Eh bien, je dirai avant tout Jerry Portnoy (noi), la rythmique impassible, et Muddy, bien que celui- ci ne se foule pas vraiment. J'avais vu une date de cette tournée, à Reims, et j'avais déjà trouvé qu'il se foutait un peu du monde, vu le prix que nous avions payé. Bon, je ne dirai pas que c'est un mauvais CD, ce serait mentir. Disons que c'est un bon Boot. S' il traverse devant chez vous sans regarder, n'hésitez pas, c'est plus qu'écoutable…

Allez, vous avez été sages, je vous mets aussi l'artwork que j'ai fait spécialement pour ce double, avec plein de couleurs.

La prochaine fois, je vous parlerai encore de Muddy, mais (presque) dans son fief, cette fois, et quelques années plus tôt…

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Hot Fella' Blues Band
Waiting For Fella'

date: 19 août 2002
de: sylvain" <sylvain.brejeon@libertysurf.fr>

durée : 28'07, 7 titres, enregistré en avril 2002

1-Pain Is Still The Same (5'20)
Un morceau au tempo lent, où la voix particulière de Jeff et la guitare style Lucky Peterson de Mr O.O s'associent à merveille. Le clavier de Dan, discret mais efficace, agrémente ce " low down " blues. La rythmique est impeccable. Un blues électrique authentique pour introduire cet album. A noter l'absence de cuivres.

2-Boom Boom (3'21)
Rien à voir avec JLH. Le groupe est au complet. Un morceau teinté de funk et fortement inspiré par la Louisiane, façon Dr John. Contraste avec le morceau précédent, celui-ci est nettement plus rythmique que mélodique.

3-For You (4'05)
Encore une autre facette du groupe. Un blues " cool " qui s'écarte du schéma traditionnel ou roots. Les cuivres prennent une place importante.

4-Waiting For Fella' 3.5 (1'43)
introduction en fondu pour cet instrumental qui fait la part belle à la guitare pour une démonstration réussie au point de vue qualité et feeling et qui s'achève comme il a commencé. Une sorte de parenthèse rafraîchissante.

5-More You Give Less I Learn (6'15)
Quasiment une ballade. Un long morceau qui donne envie de reprendre le refrain avec Jeff. Chaque instrument s'exprime équitablement. Sympathique.

6-Half The Man (4'55)
Une belle intro, vibrante. La guitare de Mr O.O s'exprime totalement et librement mais chacun assure sa part pour un résultat positif et convaincant.

7-Partie De Pêches (2'31)
Un titre français pour cet instrumental au tempo rapide qui hésite entre du Albert King et du Albert Collins, clôturant avec brio cet album. Bravo !

L'enregistrement au MTS studio est sans reproche. Un bon album ne contenant que des compos du HFBB, pas de reprise.
N'y cherchez pas, à l'exception du premier et du dernier titre, du blues pur et dur. Rien à voir avec les autres productions françaises du moment.

On passe un bon moment en compagnie des Hot Fella' que je vous souhaite de découvrir sur scène comme moi à Montereau. C'était court mais ils m'ont laissé une bonne impression.

Contact :
Jeff 06 74 82 11 95
Fax 01 64 00 73 94
e-mail hot-fella@fr.fm
site http://www.hot-fella.fr.fm

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Tullins in Blue
Awek

date: 20 juillet 2002
de: Vero <pchelius@club-internet.fr>

Ca commençait mal pour Awek, hier soir. Un problème de matos. D'après ce qu'on a compris, on leur avait promis du matos dont ils n'ont jamais vu la couleur. Des problèmes de branchement avec un son "tout petit". Du coup, c'est peut-être pour ça qu'ils ont commencé bien tard dans la nuit frisquette et tullinoise. Mais entre temps, Mr Valise Magique était passé et le son s'est bien amélioré...

Et les trois Toulousains sont montés sur scène...

On ne les avait jamais vus. Ni entendus, à part la démo sur leur site... Mais on en avait lu les comptes rendus élogieux sur LGDG...

D'abord, la voix : la pêche ! L'énergie brute dès le premier morceau. Ils ne sont que trois mais d'emblée, ils ont mis une ambiance comme s'ils étaient 50 et pas dans un festival où les gens n'arrêtent pas de bouger mais dans un pub. Et pis, je sais pas les Tullinois, mais ici (à environ 60 bornes de Tullins), le rock en est resté aux années 50 et le blues est assimilé à une variante de la valse musette... Mais ceux qui ne les connaissaient pas sont repartis conquis, y'a qu'à voir comment le carton de CD se vidait à la pose.

Technique guitare impec, avec les tripes et tout.... Et le Bernard qui fait son show, avec sa voix qui prend parfois des inflexions inattendues, qui fait parfois le pitre mais juste ce qu'il faut pour mettre l'ambiance et nous faire oublier qu'on n'avait pas pris la petite laine de rigueur. Ils nous ont joué pas mal de morceaux d' Barber Shop puis, quelques reprises à la sauce Awek. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on a adoré. Ils nous ont ensorcelés dès les premières mesures (dès la répèt même : on est arrivés très tôt, mais les meilleures places sont à ce prix !

Une musique vivante, vibrante et inspirée qui passe du drôle au grave et à l'émouvant...

Voir LGDG n°37: Awek:

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Le débat du mois :

Sonny Boy Williamson
contre
Sonny Boy Williamson II

Dans la série des débats houleux qui animent périodiquement la liste de discussion, nous n'avions pas encore connu celui-là  !
Ce fut épique, comme souvent mais, en guise de conclusion, tout le monde convint que
si
n°1 (génie pour les uns, peu inventif pour les autres)
et
n°2 (usurpateur pour les uns, génie pour les autres)
n'avaient pas eu le même patronyme, personne ne penserait à les comparer !

Sans reprendre le débat dans son intégralité (ouf !), voici un point de vue bien éclairant, celui de Patrice Champarou.






date: 21 août 2002
de: Patrice Champarou <pmchamp@club-internet.fr>

Mes chers petits camarades,

Je voudrais juste corriger mes propos sibyllins concernant les deux Sonny Boy en précisant quelques points :

Le premier Sonny Boy est avant tout un personnage très attachant, un type honnête, bon époux, ami fidèle, très généreux et consciencieux (on raconte que même lorsqu'il était trop malade pour jouer, il allait s'asseoir pour écouter les copains... Big Bill [Broonzy, ndlr], lui, dit carrément qu'il pouvait vous donner sa chemise, pas une en rab mais celle qu'il avait sur la couenne, en cas de nécessité) bref tout le contraire d'Alex ou Willie (allez savoir) Miller connu sous le nom de Sonny Boy n°2, calculateur, arriviste, dragueur invétéré, alcolo au dernier degré et éventuellement agressif selon certains témoignages.

Pourquoi se trouve-t-il que je suis davantage fasciné par le second que par le premier ?

Sur le plan humain, c'est évidemment paradoxal, mais faut-il nécessairement lier la personnalité de l'artiste au charme qui se dégage de son oeuvre ? Rejeter Céline pour son délire raciste, Wagner pour son mysticisme pangermanique, Balzac pour ses opinions réactionnaires ?
Vaste débat, mais il se trouve que le second Sonny Boy est également le second musicien de blues que j'aie entendu, et qui me soit allé droit au coeur.

Et ça ne se raisonne pas, quand on été frappé de plein fouet par l'harmonica blues, par un bonhomme qu'on entend pour le première fois en acoustique (AFBF 63 et 64, puis les sessions de Copenhague) ça laisse des traces indélébiles.

Ensuite (restons chronologique ;) j'ai découvert le premier Sonny Boy avec évidemment le petit 45 tours de Bert Bratfield (RCA "Treasury Of Jazz 75.722") que j'ai traqué durant plus de vingt ans jusqu'à ce que ce mauvais coucheur qui tenait boutique dans son garage à Châtillon-sous Bagneux me dise carrément que, même s'il le voyait passer, il ne m'accorderait certainement pas la priorité pour le vendre! ;)

Et logiquement, conformément à mes goûts "sectaires", John Lee Williamson devrait me séduire davantage que "l'usurpateur", n'est-ce pas? Son jeu fait vraiment le lien entre l'école de Brownsville et le blues de Chicago, ses premiers thèmes doivent beaucoup à Sleepy John Estes, et les meilleures faces que je connaisse sont celles dans lesquelles il ne chante pas mais accompagne des guitaristes du crû tels Yank Rachell, Elijah Jones ou Big Joe Williams

En outre, il est un remarquable exemple de ce que je pense du blues en général, l'art de faire du neuf avec du vieux, et son inventivité instrumentale sur Little Schoolgirl ou Sloppy Drunk Blues, verbale sur Million Years ("My heart beats like a hammer" ! ;) et tant d'autres devraient me le faire préférer à un type qui, outre cette stupide obstination à déclarer qu'il était "the only Sonny Boy, there ain't no other one", prenait pour seul petit déjeûner quelques rasades de whiskey et se portait volontaire pour intégrer les formations quasi-rock du blues moderne de Chicago.

Car, remettons les pendules à l'heure, quand j'ai entendu les premiers Chess de Williamson II cela ne m'a pas plu (on est sectaire ou on ne l'est pasnbsp;!) Basse, batterie, guitare électrique, piano!!! tout cela pour moi n'était plus du blues (bon, il y  a prescription, j'avais dix-huit ans ! ;)

Mais je suis tellement "rentré" dans sa musique par la suite que des titres comme Bye Bye Bird ou Please Forgive font partie de ceux que j'emporterai sur l'île déserte, avant ou après les suites pour violoncelle de Bach, je ne sais pas...

Pourquoi ? D'abord à cause des textes, et Williamson II est un sacré poête ! Un sale bonhomme, peut-être, mais qui a su capter la palette des sentiments humains avec un réalisme et un sens de l'allusion plutôt saisissants.

Ensuite, à cause des thèmes! J'adore le premier Williamson, et malgré mes tendances archaïques pas mal de ses contemporains de Chicago, mais tout de même... à moins d'être de mauvaise foi, il faut avouer que le blues urbain des années 40 est vachement répétitif !

Rice Miller (ou Williamson II, perdons pas le fil ! ;) a rarement "repris" ses propres morceaux pour en faire des titres différents, et en cela il s'est montré presque aussi inventif qu'un Willie Dixon.

De la technique harmonicale, je ne suis évidemment pas qualifié pour juger...  mais il est frappant de constater la variété des tonalités et des positions dans lesquelles joue Williamson II ('scuse-moi; harmo, mais quand John Lee s'essaie à la troisième dans Break'em On Down derrière Big Joe, c'est pas très convaincant ;)

Une chose me frappe : à l'exception d'une session (celle de Dissatisfied) SBW II ne joue pas à proprement parler de l'harmonica amplifié, mais conserve toutes les latitudes de l'harmonica acoustique - en particulier le jeu de mains - devant le micro, tout en contrôlant une (je devrais dire plusieurs) sonorité dont il sait qu'elle est captée devant l'ampli. Aux techniciens de me contredire en haussant les épaules sur ce point, mais s'il y a des qualités que l'on ne peut contester à Sonny Boy Williamson deuxième du nom, ce sont son invention mélodique, sa mise en place et surtout sa capacité à maîtriser le rôle rythmique des silences !  Et ça - comme les basses déchirantes de Trust My Baby - c'est du grand art!

Patrice Champarou
<pmchamp@club-internet.fr>

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la Rubriqu' à blues…

Lightning Red and Thunder Blues: Tortured Mind

de: Philippe Espeil <philnet@free.fr>

Lightning Red and Thunder Blues est le nom du groupe. Tortured Mind est le titre de l'album. La galette dans la main, je jette un oeil à la pochette pour y voir un blanc, strato au poing, et visiblement vrillé au ventre par le son de sa guitare. Oh la la, enregistré à Austin, Texas, je m'attends alors à (encore) un musicien se prenant à longueur de notes pour Stevie Ray Vaughan. Et bien non ! Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences. Ici, Lightning Red montre une véritable personnalité, ne se prend pas pour le SRV sus-cité et joue un blues plus sage.
La touche texane est bien là (Hard To Have The Blues, par exemple), mais il y a de toute évidence des influences chicagoanes dans la musique de Lightning Red et le jeu au bottleneck qu'il semble beaucoup affectionner apporte un plus.
La rythmique qui l'appuie est représentée par Terry Robbins à la basse qui, sans faire de prouesses, est efficace, ainsi que par le batteur Coy Fuller.
Aux claviers, c'est Gray Gregson qui vient prêter main forte sur quasiment tous les titres.
Pour cet enregistrement, une brochette de guitaristes est par contre présente : W.C. Clark (Hard To Have The Blues, Houston Blues, Shoulda Listened), John Usser (Hard To Have The Blues, Shoulda Listened, Tortured Mind), Jeff Anderson (Thunder And Lightning, South Austin Shuffle). Ça joue donc, et ça joue très bien.
Pour qui veut écouter du Texas blues moderne, je veux dire récent, avec une vraie chaleur dans le jeu et pas seulement un blues-rock dégoulinant de notes, cet album est un bon choix. Mais à l'occasion, voir Lightning Red sur scène doit être encore plus intéressant. A ne pas manquer.

( Blind Bee Records [AW-2102] 2001 )

Tortured
Mind





Brian Kramer: Everybody's Story

de: Philippe Espeil <philnet@free.fr>
Everybody's
Story

Brian Kramer, si on en entend peu parler, n'est pourtant pas un inconnu. D'abord guidé par Junior Wells avec qui il a joué sur l'album Win Or Lose, il a ensuite fait la route avec Eric Bibb dès 1998. Ainsi, il apparaît sur Home To Me et tout récemment avec Larry Jhonson sur son dernier album Two Gun Green. C'est donc avec joie que j'ai pu écouter l'album que vient de sortir Brian, Everybody's Story.
A la première écoute et dès le premier morceau, intitulé On-Line Mamma (qui n'a pas été sans me rappeler un certain Blind Joe Castlebridge - quel farceur, celui-là !), je n'ai pu m'empêcher de battre la mesure. Sur un rythme louisianais, avec banjo (Christer Lyssarides) et planche à laver (en fait un clavier d'ordinateur), cette ouverture met en oreille une musique faite pour s'amuser. Le second titre, Sweet Lina, confirme cette impression avec, en sus des instruments cités plus avant, contrebasse (Pa Ulander) et caisse claire aux balais (Jim O'Leary). Rien de bien triste, vous voyez ce que je veux dire...
Le Heart 2 Heart qui suit est différent, plus lent, et un saxo joué par Derrick "Big" WALKER vient s'ajouter au personnel habituel. La première chanson de Mats Qwarfordt, chanteur et harmoniciste, est Devil's Got A Hold On Me, où le diable est représenté par le didgeridoo de Roland Nilsson.
L'instrumental Minor Fling est l'occasion d'apprécier le talent et la technique de Brian Kramer qui ne lâche pas son dobro sur presque toute la durée de l'album. Adepte des guitares en métal, il tient aussi la guitare acoustique, comme sur Double Dare Ya' où l'influence d'Eric Bibb est évidente, influence un peu moins marquée dans la balade "Faith" où c'est l'harmonica qui est plus en avant.
Everybody's Story est exécuté dans un picking superbe, avec toujours un joyeux rythme. Ce plaisir de jouer, on le retrouve encore dans l'amusant Lucy May.
I Believe In You qui clôture cet album est du même tonneau que le premier. C'est à dire plein de dynamisme, avec une partie de piano remarquable de la part de Ulf Sandstrom.
Une fois n'est pas coutume, le livret propose les paroles.
Ce premier CD sur le label de Brian Kramer met à profit le professionnalisme de cet excellent guitariste qui a su s'entourer de non moins bons musiciens. La guitare, slide de préférence, est à l'honneur et démontre que le blues n'est pas forcément morose.

( Brian Kramer Blues [BKB 001] 2001 )






L.A. Jones: Birthday Suit

de: Philippe Espeil <philnet@free.fr>

Vous avez un anniversaire à animer ? Non, vous voulez écouter de la bonne musique ? Quel que soit le prétexte pour ne pas vous ennuyer, vous pouvez faire appel (sous la forme d'une galette dans le lecteur) à l'homme et sa Flying V dorée, j'entends par là L.A. Jones accompagné de ses Blues Messengers.
C'est en 2001 que L.A. Jones nous a sorti cet album, Birthday Suit, qui est un remède contre la morosité. Entre Chicago blues, jump, Memphis blues, je touve que L.A. Jones est surtout à l'aise sur les jumps envolés comme celui qui débute l'album, She Can't Not Be Satisfied, et surtout sur Smokin' Drinkin' Woman.
Sur ce dernier, l'harmoniciste, Magic Dave Therault, trouve particulièrement bien sa place.
Dans d'autres styles, Jones n'est pas non plus en reste. Les blues lents How Blue Can You Get ? et Bithday Suit en sont les exemples, avec de belles parties de guitare incisive à souhait. Les autres blues, notamment I Got A Rap Sheet On You, sont la preuve que L.A. Jones apprécie les styles de ses modèles, Albert King et B.B. King. Ce gaucher (oui, mais il joue sur des guitares accordées en droitier...) est un guitariste remarquable.
Ses compagnons, les Blues Messengers, sont le bassiste Rick Reed et Hank Deluxe à la batterie. Benny Yee, qui est présent sur quelques morceaux, se démarque surtout sur I Got A Rap Sheet On You.
On trouve aussi les Martin Brothers Horns.
Les deux derniers titres Tumblin Tumbleweed (Hoochie Coochie Man n'est pas loin) et Little Queen Of Hearts sont joués respectivement au slide et au dobro.

( Autoproduit 2001 )

Birthday Suit





John Mayall: Blues For The Lost Days

de: Antoine "HotDog" <antoine.payen@club-internet.fr>
Hello les Green-Gazeux du Blues, Je viens de recevoir le CD de John Mayall Blues For The Lost Days. En première écoute, c'est ... excellent ! ;-D
Beaucoup plus dans la veine de Sense Of Place que Wake Up Call, je trouve ce CD très équilibré, les textes sont fort bien écrits (par John Mayall pour la plupart) et les musiciens sont tous top. Mention spéciale à Buddy Whittington à la guitare, toujours bien dans le ton, bien dans les morceaux, jamais démonstratif pour autant mais ô combien efficace ! Egalement pour Joe Yuele à la batterie qui sait être présent ou discret juste quand il faut, en plus de mettre le groove qui tue avec John Paulus à la basse. C'est 100% Pure British Blues, que du bon ! Dans le 2ème titre, All Those Heroes, John Mayall raconte quelles ont été ses influences et il cite (entre autres) Blind Boy Fuller et Blind Blake !!! Ch'ui vert ...
:-)))))))

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