La Gazette de GREENWOOD
n°44 tome 3 (Juillet 2002)

Tome 3






Tome 2
  • L’arrivée du Blues en France
  • Et la France découvrit le blues, 1917 à 1962: Introduction
  • Cyril Lefebvre: "Musique française et américaine de la même époque et d'il y a longtemps"
  
Tome 1:
  • A tribute to Jimmie Lee Robinson:
    un voyageur Solitaire dans Maxwell Street
  • John Lee Hooker:
    • interview de Tomasz Dziano:
      Tribute to John Lee Hooker
    • Live at Newport
    • au Casino de Montreux
  • Kevin Brown: Mojavé Dust
  • Elmore D. : Basse Moûse Blues
  • Blind Willie Walker: South Carolina Rag
  • The Hoodoomen: Keep on dreaming
  • Awek à l'Eden Rock (Lyon)
  • Les Bloosers à la Pléaide (Tours)
  • La Rubriqu'à Blues: Kenn Lending, Bluedaddies, Henry Johnson, Booglerizers, bloosers





Tom Cat:
Mississippi Heat: la saga

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Un beau jour, après quelques échanges de mails, j’ai reçu un CD qui avait pour particularité d’être piraté par … son auteur. Cet auteur, Alain Poillot (qui ne m’était en fait pas inconnu puisque deux titres de ce musicien figuraient sur la compilation Hexagone Blues parue en 1999, voir LGDG n°6), me raconta en quelques mots l’incroyable histoire de ce CD.
Voici cette saga, en version intégrale et détaillée, racontée par Poill’s lui-même. Il n’a pas la langue dans sa poche, et comme on dit : « L’auteur est seul responsable des opinions exprimées » !!


CA N’ARRIVE PAS QU’AUX AUTRES !
(Une galère bizarre autant qu’étrange)

date: 24 juin 2002
de: Poill's <apoillot@wanadoo.fr>

Vous, je ne sais pas, mais personnellement, je considère l’enregistrement d’un CD comme un but incontournable quand on est musicien, a fortiori quand on est auteur-compositeur…

    Voici donc une histoire vraie, toute nouvelle, qui s’est produite dans notre cher hexagone. Si vous y reconnaissez quelques situations qui vous seraient arrivées, eh bien, vous me comprendrez d’autant mieux, sinon, faites gaffe, ça PEUT se produire !

     Très rapidement, tout d’abord, une petite présentation, du disque et du musico. Le disque s’intitule  On Vit Une Epoque Extraordinaire… , une production provinciale de petit format (20 mn), tout en français avec de vrais morceaux de musiciens français dedans, c’est-à-dire un genre de sorte d’espèce de melting-pot ethnique inclassable…

    Pas de 100 % black, ni arabe, ni germain, voire rital, espingot ou belge, que du pur mélange… C’est important pour la suite du débat, car le parcours du Poill’s Blues Band a été très fortement marqué par un engagement politique contre le racisme, le nucléaire, les militaires, beaufs et fachos de tout poil. Dès sa naissance, ou plutôt dès la formation du groupe qui allait le générer, Ciel Mon Mari, nous avons décidé, le batteur Rody Lahsinat et moi, de nous investir dans des manifestations « marquées » politiquement : comités de soutien, fêtes écolos, ainsi que de chanter  ce qui nous gonflait dans le monde autour de nous, sans aucune censure, sexuelle, politique ou autre… Ce qui allait, comme de bien entendu, nous conduire à une quasi - impasse au niveau du milieu du show-biz. Votre serviteur, responsable de 95% des compositions, n’ayant jamais su taire ses convictions post-soixante-huitardes, voire Jerry Rubinesques, cela nous amena très naturellement à nous démarquer du « système » habituel de production. Travaillant énormément avec les M.J.C., syndicats, partis politiques et autres associations, ou bien en liaison avec des éducateurs de quartiers, nous n’avons que très peu tenté de nous immiscer dans le monde frelaté du spectacle, sauf pour en organiser, bien sûr…

    Au répertoire original composé de  classiques, Stones, Higelin, mais aussi Benoît Blue Boy, vinrent rapidement s’ajouter des compositions, sous forme de sketches musicaux, habilement nommés des « trucs », truc irlandais, truc arabe, petits intermèdes entre les morceaux déjà connus du public… Et au fil des répétitions et des changements de personnel, le côté blues du répertoire s’est largement développé. Il faut aussi dire que tout ceci se déroule à la fin des années 70 et au début des années 80 Sur le marché national arrivent coup sur coup le premier album de BBB, le premier de Verbeke, Backstage, le premier Blues Brothers, d’excellents crus du Blues Band, les tout premiers Nine Below Zero. Le groupe, s’étant monté en Association « Loi de 1901 », organise quelques concerts, dont plus particulièrement le premier de Patrick Verbeke, à Châlons sur Marne, qui marquera le split de la formation et le début d’une longue amitié avec ce dernier…Les compositions s’étant multipliées, toutes plus bluesy les unes que les autres, Poill’s s’éloignera de plus en plus des tendances fusion ou jazz rock  de certains musiciens. C’est d’ailleurs pendant cette période que sera composé/stabilisé le medley  On Vit Une Epoque Extraordinaire/Blues Du Beauf  qui donnera, 20 ans plus tard, son titre à l’album. Retenons quelques titres : le Blues du Miroir , écrit pour une pièce de théâtre qui malheureusement ne verra jamais le jour,  Bois Mon Gars  qui en dit long sur le comportement du compositeur,  Les Lendemains Difficiles , et quelques autres qui, plus orientés vers le Rock, furent abandonnés assez rapidement… Une petite période de transition, avec diverses tentatives, tel Dernier Train, ce groupe de « fusion » créé par un ex- bassiste de CMM, qui ne durera pas, une petite incursion dans le rock sudiste, car beaucoup de gens cherchaient des chanteurs dans la Marne à cette époque. Et puis, la rencontre avec Alain Vazart, excellent guitariste, ex- élève de Mickey Baker et Mauro Serri, qui aboutit à la formation d’un duo de blues électrique, soit deux guitares, soit piano/guitare. Le répertoire reste sensiblement le même, s’enrichissant toutefois de morceaux plus élaborés, tel  Atchafalaya , un morceau dédié à et dans le style de John Fogerty, et puis de nombreuses reprises de Blue Boy, Verbeke et Deraime. La formule du duo, même si elle convenait humainement, laissait les musiciens un peu sur leur faim. A cette époque (début des 80’s) Poill’s se produit régulièrement à Utopia, lieu bien connu de la majorité d’entre vous. Je passerai sur les conditions de travail, qui paraît-il n’ont guère évolué depuis cette période, et ajouterai simplement que Jacques, le patron, devait éprouver une certaine sympathie pour ce duo, qui en fait s’étoffait, avec l’adjonction d’un bassiste, puis d’un harmoniciste, et enfin d’un batteur, le vieux complice des premières années de Poill’s, Rody Lahsinat. C’est en fait Jacques qui baptisera la formation « Poill’s Blues Band », après avoir refusé « Poill’s & Co », qui pourtant sonnait bien… Mais quelles concessions ne ferait-on pas, petit musicien provincial, pour apparaître deux fois par mois dans l’Officiel !

    Rody fut  le premier batteur à avoir le droit de jouer à Utopia, si mes souvenirs sont bons, avec du matériel réduit (j’entends déjà hurler les spécialistes !), caisse claire, charlot, cymbale et balais. Avec, en sus, quelques interventions au washboard… Le son de la formation était « à géométrie variable », adapté aux différentes salles, toujours dans les circuits M.J., syndicats, petits clubs, etc… Pas d’enregistrement en vue, malgré une tentative avec Verbeke de "vendre" deux compositions dans la capitale, une sur Gérard de Villiers,  Angoisse à Liezen , pas vraiment flatteuse pour le bonhomme,  et une histoire de mec bourré qui divague, Histoires à Dormir de Blues 

    Sorry, les mecs, je revendique la paternité du jeu de mots…

    Rien ne se décidant de ce côté, le groupe continuera son petit bonhomme de chemin, accumulant les expériences et améliorant très nettement sa présence scénique. Et puis, comme pour CCM, de nombreux problèmes de géographie vinrent considérablement entraver l’efficacité du groupe… Imaginez deux musiciens dans la Marne, deux à Paris, et un dans la vallée de la Loire. Donc la formation périclita doucement, jusqu’à pratiquement disparaître… Dommage, c’était un bon groupe… Et quelques années plus tard, il renaît de ses cendres, toujours de la même manière, après que Poill’s ait décroché un engagement en solo au piano dans LE club de Jazz Rémois, le Croqu’ Notes. Même cause, même punition, on assista très rapidement au grand retour de Rody aux divers machins qui font du bruit, puis bientôt l’arrivée d’un excellent bassiste/contrebassiste, Patrice Bosvot, vieux routier de toutes les expériences musicales du coin, puis celle d’Olivier Oudy, harmoniciste de talent, élève de J.J. Milteau, transfuge d’une formation locale de rock sudiste, et enfin d’un superbe jeune guitariste soliste, Denis Bruckert, bourré de feeling et d’inventions, également guitariste (et fils du clavier et de l' harmoniciste ) d’ un très bon groupe de Blues Strasbourgeois, « Acid Rains ».


Poill"s, Denis Bruckert, Olivier Oudy, Patrice Bosvot

La formation verra aussi défiler de nombreux musiciens, sax, percus, etc… A cette époque, dans la Marne, on trouve trois formations de Blues ou Blues/Rock, le Poill’s Blues Band ,  Loucedé Blues et un australien, méconnu à l’époque,  Gerry Joe Weise . De nouvelles expériences, comme par exemple accompagner « live » l’équipe Rémoise de hockey sur glace, un sacré challenge, et des dates dans un cercle de plus en plus grand, de Strasbourg à Maubeuge en passant par le Morvan. Le guitariste ne pouvant plus assurer les déplacements, vieux problème bien connu de ce groupe, il fut remplacé par plusieurs postulants, car nous avions acquis une certaine notoriété… Mais ce fut en définitive José Alfaric, ex-soliste de Loucedé Blues , qui viendra prendre la place de guitariste, amenant dans ses bagages l’excellent flûtiste/saxophoniste Philippe Brohet. Ainsi, auront défilé au cours d’une quinzaine d’années, tous les musiciens qui seront présents sur le CD, car malgré les départs et éloignements divers, nous sommes restés en très bons termes, contrairement à de nombreux groupes minés par les problèmes d’ego.


Période "Ciel Mon Mari"

    Alors que nous devenions plutôt bien connus en Champagne-Ardenne, arrivés premiers entre autres pour les sélections du Printemps de Bourges, mais refusés au dernier moment parce que groupe de blues et non de chanson française, malgré les compositions en français, nous devînmes, par la même occasion, la formation « incontournable » des festivals locaux, essentiellement les Flâneries Musicales Rémoises (parrainées par Yehudi Menuhin) ainsi que le F’estival de Châlons sur Marne. Nous y assurâmes des concerts de clôture à Châlons, ainsi que des premières parties de noms prestigieux, tel Bernard Allison. Mais c’est à Reims que se produira la rencontre déterminante pour l’enregistrement du CD. Notre détermination à rester non seulement un groupe de distraction du public, mais aussi d’avoir une attitude « pédagogique », essayant de couvrir le plus grand nombre possible d’aspects du blues, sans jamais perdre de vue le fait que le blues fut d’abord et avant tout une musique de la rue, jouée par des musiciens itinérants, nous amena tout naturellement à assurer trois années de suite l’aspect « musique dans la rue » des Flâneries Rémoises, à raison de 3 à 4 prestations par mois en été, sous la forme de trois sets dans des endroits différents de la place principale de Reims. La plupart du temps, nous étions en trio, mais nous aurions été bien en peine d’annoncer à l’avance qui se produirait quel jour (à part moi, œuf corse), les organisateurs sachant très bien que de toutes manières, nous assurerions sans problèmes. Au nombre de ceux-ci figurait celui qui deviendra notre « producteur », à qui j’en veux encore beaucoup maintenant. Ces apparitions très officielles nous permirent d’entrer vraiment dans le monde « pro », mais en gardant toujours notre état d’esprit initial. Par exemple, nous prenions officiellement les vignettes, mais, n’en ayant pas l’utilité car nous avions tous un métier à côté, nous les donnions aux musiciens pros qui en avaient besoin. Et puis le côté explication de l’esclavage, du statut des noirs aux States, et la traduction systématique des paroles des classiques. Incroyable d'ailleurs de voir quel intérêt ces textes suscitaient chez des gens qui n’écoutaient normalement pas ce type de musique. Gros succès auprès de la gent féminine, par exemple, après l’explication (quelque peu tendancieuse, il est vrai) des vers de  Dust my Broom , dans laquelle le pauvre mec se voit soudain submergé de travail domestique, et donc se rend compte qu’il est très amoureux de celle qui l’a quitté, qu’il essaye par tous les moyens de retrouver de par le vaste monde, après avoir « fait le ménage », au sens propre comme au sens figuré…

    Parallèlement à ces groupes, mon parcours proprement dit, même s’il leur est intimement mêlé, est plus nettement orienté blues pur jus. Sans trop entrer dans les détails, disons que ma première « expérience » bluesistique sur une scène a lieu aux Trois Mailletz en 1973, un bœuf mémorable avec un Memphis Slim déchaîné avec lequel nous ferons danser toute la boîte de Jazz sur son répertoire, mais aussi, qui l’eût cru, avec des standards du Rock de Little Richard ! Rencontre qui fut bien entendu déterminante. Elle fut suivie de nombreuses autres : citons, pour mémoire, Louisiana Red, un concert qui fit scandale dans l’intelligentsia Rémoise venue écouter un nègre chanter sa misère et non le voir s’éclater avec un jeune con blanc à cheveux longs (cette fois-là, j’avais joué de l’harmonica), Bill Deraime, Verbeke, Blue Boy, Mox Gowland, de nombreux musiciens de Luther Allison, ainsi qu’un tas de types venus faire le bœuf à Utopia en fin de soirée, mais surtout, à Chicago, avec Louis Myers (des Aces), Eddie Taylor (ex-guitariste de Muddy Waters), Jimmy Johnson (que je retrouverai 12 ans plus tard à Châlons, où nous avons passé une nuit plutôt strange à jouer du piano à quatre mains… Et encore Sugar Blue, Magic Slim, et j’en passe. Malheureusement, tous les autres grands avec lesquels j’aurais aimé boeuffer sont morts, Willie Dixon et T-Bone, surtout, qui est l’une des influences prépondérantes d’un morceau du CD. Bien sûr, il reste encore Clapton (qui réside souvent dans l’île d’Antigua, proche voisine de la Guadeloupe… Tous les espoirs sont permis !), Keith Richards et John Mayall, Peter Green et Mick Taylor… Mais je n’ai pas dit mon dernier mot ! 

   
Chicago: sur scène au "Blues" avec Louis Myers
   
Avec Louis Myers et Eddie Taylor

Le projet de CD proprement dit :

Ayant appris que ledit producteur avait produit le CD d’un groupe de Hard qui lui avait claqué entre les doigts juste après la sortie du disque, un jour pas fait comme un autre, j’allai le voir et lui dis en rigolant : « Et pourquoi tu ne me produirais pas un CD ? Moi, je n’ ai pas de groupe fixe, donc je ne peux de toutes façons pas me séparer de moi-même… ». Après qu’il soit passé à la maison, nous convînmes d’un accord de principe pour la production d’un CD de compositions blues, uniquement en français.

  Et vogue la galère…

Au début, tout semble se dérouler normalement, pas de discussion de marchand de tapis, toutes les conditions que je veux mettre sont acceptées, du style j’ai l’exclusivité de l’exploitation des morceaux hors de cet enregistrement précis, au cas où plus tard je désirerais enregistrer d’autres versions de ces morceaux, ou bien les mêmes, mais live, par exemple. Tous mes désirs techniques sont comblés, entre autres le fait de refuser d’enregistrer dans un studio, mais dans une salle de spectacle (pour la résonance), le refus de faire un enregistrement numérique, car à mon sens, le Blues supporte mal un son trop « propre ». J’ai bien sûr toute liberté sur le choix des musiciens, leur nombre, et leur rémunération. En fait, tout se passe pratiquement comme si je n’avais pas affaire à un producteur mais à un mécène. Le personnage en question étant un ancien militant gauchiste, je me dis qu’il est resté pur et dur, et c’est parti. Il est même d’accord sur le prix de vente, que je veux absolument limiter à 50 F, puisque le CD n’excédera pas ( et c’est là la première déconvenue) les vingt minutes, une histoire de prix de revient, qui double au-dessus de vingt minutes, justement. L’investissement est donc limité à 50000 F, pour 1000 exemplaires tirés, ce qui devrait nous permettre largement de payer la SACEM, les musiciens et le studio, tout en utilisant 5% des disques à titre de promotion, le reste étant bénéfice pour la production. Mis à part cette limitation dans le temps, c’est plus que correct. N’oublions pas que tout ceci se déroule en 1995, donc avant que les graveurs de CD ne deviennent des objets courants. Techniquement parlant, nous aurons un 32 pistes que l’ingénieur du son démontera de Pantin et amènera dans l’une des plus grandes salles de spectacle de Reims, le Centre St-Exupéry. Pas de piano , ni droit, ni même quart de queue. Tant pis, nous utiliserons mon Roland, malgré un son légèrement pourri… La limitation à vingt minutes pose problèmes, mais surtout au niveau de la conception artistique.

    En effet, le concept de ce disque reflétant l’histoire d’un groupe provincial, avec ses nombreux changements de personnel, il est impératif que chacun des musiciens puisse s’exprimer clairement. Le choix des morceaux, relativement simple s’il avait été possible d’en enregistrer une douzaine (je dispose à l’époque d’une réserve d’ une bonne trentaine de compositions) pour un temps total compris entre 45 et 60 mn, s’avère bien plus délicat pour un temps total réduit à 20 mn. D’autant que certains titres sont incontournables, tel celui qui donnera son titre à l’album. Ce morceau durant à peu près 15 mn sur scène, parfaitement rôdé, ne saurait être enregistré sous cette forme. L’heure est donc aux coupes sombres dans les structures, et tout ceci se complique du fait que je tiens aussi absolument à inclure deux compositions « spéciales pour l’ occasion » , très inspirées de Mayall dans le double album « Back to the Roots ». Un premier morceau,  Que du Blues , long blues au tempo lent, mais bien marqué, qui doit permettre à un maximum de guitaristes de s’exprimer, un peu comme dans  Accidental Suicide , et un second,  En Avant Les Médocs , sorte de valse à deux temps Cajun . Malheureusement irréalisables sous ces formes, ces deux morceaux encore totalement inconnus du public sont d’une importance capitale pour l’ambiance globale du CD. Pas question de les « squeezer », car ils sont aussi destinés à donner une autre idée de ma musique, plus celle qui me chante toute seule dans la tête que celle à laquelle les gens sont habitués, moins intellectuelle, plus directe et entraînante. Il va donc falloir les « ré-arranger » avant de donner les consignes aux musiciens. Comme ces morceaux ne sont pas rôdés, et plus particulièrement  En Avant Les Médocs , nous devrons répéter (Oh, le vilain mot que voilà !), et même travailler avec un Atari (What a shame !) pour le faire tourner sans la présence de tous les musiciens. De la valse Cajun initiale, nous ne garderons que le rythme, et le morceau prendra une physionomie très Mayallienne, si je puis m’exprimer ainsi, avec piano électrique, guitares sèche et électrique, flûte traversière, contrebasse, batterie et percussions. Pour ceux qui connaissent bien « Back To The Roots », ce morceau fait un peu penser à  Dream With Me .


Rody Lahsinat, Poill's, Patrice Bosvot
La base du Poill's Blues Band seconde mouture

Le choix s’arrête donc sur 6/7 morceaux :

- Que Du Blues : Finalement transformé en un duo de guitares acoustiques, une rythmique normale + une slide (Alain Vazart), chant et bien sûr un micro sur le pied qui tape par terre. Les paroles sont en quelque sorte une profession de foi blues, qui fait aussi référence au mépris affiché par  nombre de musiciens pros vis-à-vis des bluesmen, qui ne savent jouer que trois accords. Clin d’œil à John Lee Hooker, aussi, dans le choix du son.

On Vit Une Epoque Extraordinaire/Blues Du Beauf : Mon cheval de bataille depuis la joyeuse époque de Ciel Mon Mari !, c’est en fait un medley de deux compositions datant du milieu des années 70, que nous jouiions toujours séparément, mais que j’avais décidé d’enchaîner sans prévenir personne lors de l’enregistrement d’un passage sur Radio Nord Est. Comme il n’était possible de faire qu’une prise, c’était un peu forcer la main de tout le monde, mais ça a très bien fonctionné, les musiciens un peu surpris réagissant au quart de tour, l’animateur étant entièrement sous le charme. Pour le premier, il s’agit d’une réflexion politico-économico-écologique, directement héritière de l’esprit de Reiser dans le défunt Hara-Kiri hebdo…Le second, lui, traite d’une engeance que j’exècre particulièrement, les beaufs, amateurs-de-foot-alcoolos-machos, mais qui bavent devant les petites jeunes qui sortent avec ces pédés de drogués chevelus hippies. Un peu comme Marcel et Dédé des Robin des Bois… Musicalement, c’est du vrai blues lent électrique, avec breaks, changements de groove, et bien sûr un chorus de guitare (pour le CD, car sur scène, tout le monde y allait de son solo). Les coupes sombres se font également sentir, puisque la totalité de la grille d’intro est supprimée, le chorus d’harmonica aussi. Mais le tout conserve une certaine allure, peut-être même renforcée par l’obligation de concision…

- Roulé : Un boogie speedé, très classique. J’ai toujours craqué pour « We’re Gonna Rock » de Memphis Slim dans l’American Folk Blues Festival. L’histoire est banale, un mec se fait jeter par sa copine, il prend le volant et roule en se demandant s’il va ou non se planter délibérément… Qui d’entre nous n’a pas vécu ça ? Le morceau, très ramassé sur lui-même, nous donne l’occasion (et à lui-même par la même occasion, c’est vrai !) de découvrir un José Alfaric très inspiré dans un très court chorus style Guitar Boogie sous amphés. Un petit break pour le dialogue Basse/Batterie, Un Chorus d’harmonica, et un de piano dont je ne suis pas très content, en grande partie à cause du son.

- Jack’s OD : Une espèce de suite désespérée du précédent, le mec fait deux OD de suite, s’en sort quand-même, avec bien du mal. C’est arrivé à l’un de mes meilleurs potes, j’étais très en colère contre lui, d’où ce texte, un peu inspiré d’Higelin période « Irradié ». Dans ce morceau, Philippe Brohet intervient pour la première fois, un chorus de sax saignant, bien que très court. Toujours pour les mêmes raisons, le morceau a été considérablement écourté, passant allègrement de plus de 4 mn à moins de 2 ! Pas de batterie, au grand dam de mon ami Rody, car je voulais absolument qu’il joue du djembé, essentiellement parce que cet instrument constituait presque la moitié des percussions lors de nos prestations. Une basse électrique funky, deux guitares rythmiques, celle de José presque « disco », la mienne plus Blues Rock classique, avec un riff à la Keith Richard dans le pont.

- En Avant Les Médocs : Ex-valse Cajun, ce tempo au swing très lent est à mon sens la réussite de ce CD, les autres morceaux n’étant que très bons…  :-) Du côté du texte, c’est une histoire plutôt sombre de type en désintox (mais de quoi ?) dans un CHS, l’enfermement, la difficulté de communiquer avec les médecins. J’ai eu l’occasion de discuter de ce morceau avec des ex « malades » ainsi qu’avec des médecins spécialisés dans la désintoxication : tous sont d’accord, on est dedans. Musicalement, la base du son devait être très douce, essentiellement piano électrique, type « fender », guitare sèche et flûte traversière, mais le morceau prenant forme pendant l’enregistrement, il s’est vu très avantageusement arrangé avec des montées en puissance, des ruptures d’ambiance, des chorus de guitare et de flûte, chacun en deux parties, la seconde étant une variation de la première. Quelques percussions discrètes viennent contribuer à créer l’ambiance, assez tendue, je dois le reconnaître. Un son très 70’s

- C’est Pas Permis : Tout à fait autre chose, on touche là plus précisément au côté « Jazzy » du Blues. L’histoire, véridique, est arrivée à quelqu’un que je connais bien,  un soir où nous nous produisions au Baiser Salé… Sur scène, il me confie être tombé radicalement amoureux d’une nana magnifique assise à quelques pas de la scène. Et il a  fantasmé pendant tout un set (il n’était pas en avant dans celui là ), pour s’apercevoir lors de la pause qui suit que cette spectatrice sortait avec un de ses bons potes pianiste. D’où une certaine déconvenue, voir frustration… Le morceau est dédié à T-Bone Walker, qui est et restera pour moi l’un des, si ce n’est le plus grand guitaristes de blues. Grand retour d’Alain Vazart dans ce morceau, qui nous sort deux grilles magnifiques de chorus coulants et harmonieux comme lui seul sait en faire. Plus modestement, je fais le premier chorus, ce qui est exceptionnel, car je ne me considère pas vraiment comme guitariste, et surtout pas soliste. Mais là, je « tenais » un bon plan tout à fait T-Bone, alors… Et ce morceau est aussi l’un des paradoxes de ce CD. Alors que j’avais du faire des coupes sombres dans la quasi totalité des morceaux, nous nous retrouvâmes avec un « rab » de presque deux minutes à la fin de l’enregistrement de base. C’est pourquoi le morceau est shunté, car, ne pouvant pas composer raisonnablement une fin élaborée, nous avons décidé de « faire tourner » la grille, le moment de détente, en quelque sorte… Ce morceau est le favori de beaucoup de ceux qui ont entendu. Et d’ailleurs, il fut retenu par Verbeke, ainsi que les « Médocs », pour figurer dans « Hexagone Blues #1 », et passé dans l’émission du même Patrick…

    Bien évidemment, (enfin pour moi, ça l’est), le choix a aussi été fonction des rythmes, des tonalités utilisées, ainsi que de l’articulation entre les différents textes… Au bout du compte, ces morceaux d’inspirations très différentes, autobiographiques ou non, ou plus exactement vécus directement ou indirectement par moi constitueront un espèce d’ensemble logique : Une présentation, le personnage se pose dans son environnement, a une histoire d’amour déçue, plonge dans les abus, se fait désintoxiquer, et finalement revient  au stade de la présentation, musicien de blues… Le côté « catalogue » de blues, même si incomplet, est tout de même assez varié, tout en conservant une unité d’ambiance, et de grandes similitudes de son…

    D’une manière plus générale, les consignes données aux musiciens étaient plutôt strictes, tout en laissant à chacun le maximum de latitude pour s’exprimer. Je ne sais pas lire la musique, donc tout ce que pouvais faire, à part jouer mes parties, était surtout de « jauger » les ambiances créées par les musiciens. Pas d’obligations de partitions, tout dans le groove, l’étape la plus importante étant de s’imprégner du texte pour l’enjoliver le mieux possible. Les contraintes données touchant aux « explications de texte », et libre à chacun d’interpréter à sa manière le fond du morceau. La forme compte finalement moins que le groove. Une fois celui-ci posé, le reste va de soi…  Une démarche qui tient assez du théâtre, du cinéma, de la B.D., en plus de la musique en soi.

Tout se passe très bien, deux jours et trois nuits de travail, quasiment sans arrêt, en jonglant avec les emplois du temps de chacun. C’est ainsi que par exemple les parties de guitare d’Alain Vazart seront enregistrées en trois prises pour les deux morceaux, entre sept heures et huit heures du matin le deuxième jour. Dans « Que Du Blues », nous avons directement fait la prise avec chant à remplacer plus tard, et pour « C"est Pas Permis », la rythmique basse/batterie/guitare avait été enregistrée la veille. L’harmonica fut, lui aussi ajouté en re-re, ce qui, malgré tout, ne nuit aucunement à la cohésion ni au groove des morceaux. J’enregistre toutes les parties de chant en une seule fois. D’ailleurs la quasi totalité des rythmiques n’a nécessité qu’une prise à chaque fois, les rares corrections apportées portant sur des points de détails soulevés par l’un où l’autre, mais sans jamais tout recommencer. C’est l’avantage d’avoir une idée très précise de ce que l’on attend de musiciens que l’on connaît bien, et donc à qui l’on demande toujours quelque chose dont on sait qu’ils sont parfaitement capables de le faire dès le premier jet… Pour Didier, l’ingénieur du son, doté d’une connaissance quasi encyclopédique de la musique moderne, il suffisait de lui dire, comme aux musiciens, quelle ambiance je désirais, avec même parfois une précision concernant des albums déjà existants. Il faut dire que Didier est musicien lui aussi et joue du violon dans des formations « irlandaises » en région parisienne. Habitué à enregistrer des groupes du type « Noir Désir », il ne nous a pas caché sa satisfaction de travailler pour une fois sur un matériau plus fin et élaboré…

Nous voici donc avec un tas de bandes, ne reste plus qu’à mixer, éditer et distribuer.

Et à partir de là, tout se gâte.

    Bizarrement, il devient de plus en plus difficile de joindre le producteur. Il a des excuses, sa femme est sur le point d’accoucher, mais au bout du compte, nous ( Poill’s, Rody Lahsinat, Verbeke, Olivier Oudy, Patrice Bosvot, José Alfaric, presque toute l’équipe de l’enregistrement ( à part Alain Vazart), plus un invité de choix !) convenons d’une date pour le mixage, et finalement, pratiquement tout le monde sera présent pour choisir le son. Une attitude décidée en commun, peut-être un choix bizarre : Nous ne voulons pas d’un son trop « variétés ». Donc, pas question de mettre la voix très « en avant »… Après deux jours de boulot, nous sommes à peu près satisfaits. Et les semaines passent. Pas de nouvelles du producteur, pas de matrice en vue…Celle-ci me sera remise en avril, alors que l’enregistrement a eu lieu à la Toussaint !


Poill's, Rody Lashinat, Verbeke, Olivier Oudy, Patrice Bovost, José Alfaric
Presque toute l'équipe de l'enregistrement (à part Alain Vazart) plus un invité de choix!

    J’avais entre temps réussi à contacter Patrick Verbeke, lui demandant s’il pouvait venir me donner un coup de main pour le concert de sortie du CD. Au début, il se montre réticent, car (je l’apprendrai plus tard) il est en plein enregistrement, et de plus évite ce genre d’apparitions depuis quelques temps. Bon, un peu déçu, je me mets à relancer le producteur pour l’organisation du concert de sortie, et de quelques autres dans la foulée pour « booster » les ventes. Il m’assure que tout est en route, donc je me consacre à autre chose (entre autres la préparation d’un déménagement direction l’Outre-Mer), et ne m’inquiète pas outre mesure. Nous programmons tout de même quelques répétitions avec l’équipe du CD, moins Alain Vazart indisponible à l’époque, et commençons à nous poser des questions en constatant que le producteur ne vient jamais ni nous écouter, ni nous donner des nouvelles du disque. Par acquis de conscience, je vais un après midi voir les responsables de la salle où nous avons prévu de faire le concert Châlonnais, et Ô surprise, on me répond qu’aucune réservation n’a été faite par qui que ce soit. Heureusement, j’ai bonne presse dans le milieu artistique du coin, et donc j’obtiens la salle hors délais, mais sans personnel. Après tout, au producteur d’en trouver, déjà que je me charge de presque tout, presse locale, radios, gestion des tensions inévitables entre les musiciens qui ne voient rien venir et se sentent plutôt floués… Et puis une bonne nouvelle, un coup de fil du Bec Vert qui m’annonce qu’il va venir, qu’il a contacté le producteur, que c’est arrangé… Regain d’optimisme à la maison (je ne remercierai jamais assez ma femme Patricia pour son soutien dans cette histoire ubuesque). Patrick me demande une copie à passer dans son émission sur Europe, je lui envoie une K7, n’ayant qu’un exemplaire de la matrice. Bon, nous sommes annoncés au niveau local, au niveau national, nous avons la salle, les musiciens sont prêts, tout baigne…

    Eh bien non, car le producteur commence à nous la jouer « Arlésienne », ne donne pas de nouvelles, est quasiment injoignable, et quand on peut le coincer au téléphone, se contente de propos vagues censés être rassurants. La date approche, moins de 15 jours, pas de nouvelles de la sono, ni de la billetterie, ni de l’affichage ! Heureusement, les démarches à la SACEM, indispensables pour éditer, ont été faites, donc rien à redouter de ce côté…  En fin de compte, le concert aura lieu à la date prévue, les disques arrivant au dernier moment. Nous avons failli ne pas les avoir pour la sortie ! Ma femme devra assurer une partie de la billetterie, il y a eu deux affichages sur Châlons, un pour le concert Châlonnais, et un autre beaucoup plus conséquent pour le concert suivant, à 30 km de là … La sono n’arrive qu’en fin d’après-midi, avec un technicien dont immédiatement nous sentons que c’est un bricoleur, et pas de génie, loin s’en faut. Verbeke est là, nous faisons un semblant de balance, et attendons. Toujours pas de producteur, rien de prévu pour le repas, les galères habituelles, quoi. Mais l’excitation du moment, si elle tend les nerfs, nous pousse aussi à l’indulgence. Nous mettons au point un semblant de programme avec Patrick, qui ne jouera pas pendant le premier set, mais sera présent à la National Steel et à l’électrique pendant les deux suivants. Au programme, les standards habituels, des morceaux de Patrick, et bien évidemment tout le CD. Pour le reste, comme toujours depuis bientôt 17 ans, on adaptera le répertoire à la salle. Salle qui se remplit moyennement, mais, assez bizarrement, de gens que nous n’avions plus vu dans le public depuis des années… Ceci n’est tout de même pas trop étonnant, car nous avons l’habitude, à Châlons, de ne voir la salle se remplir que lorsque les entrées deviennent gratuites. Ce qui se produit ce soir-là, et nous nous retrouvons avec une salle comble pour le deuxième set. Et puis le disque part bien, donc tout le monde est content… A la fin, Patrick nous gratifie tous d’un « bon esprit » qui en dit long sur ce qu’il a pensé de la soirée. Il s’est d’ailleurs éclaté comme une bête sur plusieurs morceaux, même lorsque je lui fais le gag de changer la grille pendant son chorus sur J’marche doucement de Benoît, et me prend à part pour me proposer de figurer dans la compil qu’il a en projet à ce moment. Que du bon, quoi…

Tout le monde (sauf Patrick) se donne rendez-vous pour le samedi suivant, à Epernay, et à partir de là, plus rien ne va. Le concert au café musique se fera au raccroc, sans aucune préparation, ni annonce presse. Et c’est la dernière fois que nous verrons le producteur. Ensuite, black-out total, impossibilité de le joindre à son boulot, ni chez lui, ni dans les endroits qu’il fréquente habituellement. N’ayant pas prévu cela, nous n’avons pas stocké d’exemplaires à vendre. Il nous semble en effet évident qu’un type qui investit plusieurs dizaines de milliers de francs dans un projet aura à cœur, sinon de les faire fructifier, au moins de rentrer dans son argent…

Eh bien non…

    Car à partir de là, tout va se dégrader, et les signes avant-coureurs auxquels nous n’avons malheureusement pas accordé l’importance qu’ils méritaient vont se trouver confirmés. Disparition totale du producteur, avec le reliquat de disques, c. à d. pas loin de huit cents exemplaires. Nous aurons beau essayer tous les moyens de le joindre, rien ne fonctionne. J’apprends qu’il est dépressif, par un de ses amis qui l’a aperçu, et décide d’essayer de lui remonter le moral en ramenant son attention sur le disque, qui, de l’avis de tous, est une réussite. Entre temps, le hasard a fait que je passe sur TF1, enfin pas moi, mais l’une de mes proches, à la Française des Jeux, en réalité, et je joue « Roulé » en différé (une seule prise, mais une technique irréprochable). Voilà donc un disque qui est terminé, qui bénéficie de l’appui de Patrick Verbeke pour son lancement, qui passe une fois sur Europe dans son émission, qui est présenté à 11 millions de personnes (d’accord, les gens qui regardent le millionnaire sont rarement des fans de Blues, mais tout de même…) La Française des Jeux fera suivre les demandes d’achat du disque, que je ne pourrai pratiquement pas satisfaire, n’en disposant pas. Les concerts se multiplient, l’effet « boule de neige » est très rapide, et nous ne pouvons toujours rien vendre, pour cause d’abonné absent chez le producteur. C’est à s’arracher les cheveux, car la demande est forte, en quinze jours, j’en aurai vendu presque deux cents exemplaires et les musiciens qui vivent dans le coin entre 20 et 40 chacun. Tout le monde dans la région sait que j’ai sorti un CD, et personne ne peut se le procurer, même en passant par moi. Car le silence radio s’éternise… Il faut aussi dire que pour des raisons professionnelles, je me prépare à déménager pour la Guadeloupe, ce qui fait que je ne peux me consacrer entièrement au disque. Résultat des courses, nous entamons ce qui seront nos dernières prestations dans la Marne, à savoir 6 apparitions aux Flâneries Musicales de Reims sur une période de 7 semaines, ce qui est beaucoup, sans disposer de la moindre copie du disque. Et les musiciens n’ont pas été payés, pas plus que le studio ! Bien sûr, tout le monde se tourne vers moi, mais je suis totalement impuissant   L J’essaye de rester “zen”, mais nous nous heurtons toujours au mur du silence, à tel point que le bassiste trouve le truc: avec le guitariste, ils font le siège de sa maison le matin vers 06.00, pour intercepter sa femme au moment du départ pour le travail. En procédant ainsi, ils récupèreront quelques cartons qui seront immédiatement vendus, et il en aurait d’ailleurs fallu le double au moins pour satisfaire la demande. Là, nous en vendons en moyenne pratiquement une quarantaine par prestation… Mais non, nous essayons tout, rien n’y fait. La colère me prend et j’envisage sérieusement d’aller lui casser la figure, mais cet imbécile, me connaissant, et après que j’aie réussi à le joindre au téléphone, disparaît purement et simplement de la circulation. Mon départ pour les tropiques approche, je n’ai plus le temps de m’occuper de cela, nous nous contenterons donc de l’argent récupéré au raccroc pour payer les musiciens, je garde quelques exemplaires par devers moi, une dernière prestation en plein air à Reims où j’ai la très agréable surprise de voir se joindre à nous des musiciens censés être en vacances (Rody, le batteur, en particulier), une dernière (et première à la fois) apparition aux côtés de Verbeke à Euro Disney, où je retrouve Benoît, Pascal Mikaëlian et d’autres dont je ne me souviens plus très bien (il faut dire que nous venons avec Patrick de signer le contrat pour la ré-édition de deux morceaux dans sa compil, et que je suis à moins d’une semaine du départ, excusez-moi, les gars, please) Et nous voilà partis.

   

Bilan de l’histoire :

- Un CD qui, sans être exceptionnel, est un produit de qualité, sortant de l’ordinaire tant par son contenu que par l’esprit qui préside à sa conception.

- Un ingénieur du son qui, malgré une prestation plus qu’honnête, ne voit pas de rémunération arriver.

- Des factures impayées, chez l’imprimeur pour le livret et les affiches, et bien sûr on se tourne vers moi qui n’y peux rien…

- Une quasi  absence de promo « de base », mailings, radios, prospection chez les grosses boîtes de distribution, malgré l’apparition TV et le passage sur Europe…

- Un stock d’à peu près 600 CD qui dort dans un pavillon en brique  à Reims…

- Une frustration énorme chez les musiciens et les supporters du groupe

Les conclusions à tirer ne sont pas forcément évidentes.

Comment protester au départ, vis-à-vis de quelqu’un qui satisfait toutes vos demandes, tant sur le plan artistique que sur le plan technique et liberté de parole ?

De même, comment reprocher à quelqu’un de ne pas vouloir récupérer sa mise, car après tout, c’est notre travail, que nous nous sommes auto-rémunérés, mais c’est tout de même son argent ?

Comment exiger de quelqu’un qui a barre sur vous financièrement qu’il fasse correctement son travail ?

Et finalement, ces soucis et difficultés n’auront-ils pas au bout du compte permis de réaliser un vieux rêve ?

Doit-on pour autant devenir intraitable sur le plan boulot quand il s’agit d’un groupe, puisque là, tout s’est bien passé car les musiciens ont été cool, en fait, comprenant très bien les difficultés que je rencontrais avec cet olibrius ?

Pour conclure, j’émettrai une hypothèse, peut-être farfelue, mais le cas de figure ne l’est-il pas ?

Juste après la réception de la matrice, en l’écoutant avec le producteur, je lui ai dit en rigolant:
« Un CD aussi bon que ça, tu devrais te le garder sous le coude. Il va prendre de la valeur et devenir un collector, aussi sûr que deux et deux font quatre ! »

Si j’avais su…

Bluesingly yours,

Poill’s

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Blues in Meudon:

Meudon, côté cour

date: 8 juillet 2002
de: Pierrot "Mississippi" Mercier <mississippi@wanadoo.fr>
(photo de l'auteur)

Samedi 15 juin, 16 h.

J'arrive au Centre d'Art et de Culture de Meudon Je me gare instinctivement dans la cour. J'y retrouve Rémi, des Bloosers, en grande discussion avec Abdel, le bassiste de Rosebud Blue Sauce. Je rentre dans le bâtiment par une porte de derrière. Le couloir fait le tour de la salle où on entend un groupe répéter. Je connais ce son de guitare?? Je me faufile par les coulisses... - Evidemment ! Ce sont les Hoodoomen !-) Je suis impressionné par la surface de la Scène. Tout ici d'ailleurs est d'une dimension inaccoutumée. Vraiment un lieu superbe. Je gage que la plupart des groupes (au moins ceux qui vont faire les premières parties) n'ont pas l'habitude de jouer dans un tel cadre (on est loin des cafés où le Blues se trouve le plus souvent). Mais ici nous sommes dans un Festival (avec un grand F) et les nostalgiques du Saint-Louis ou du Cristal vont devoir se mettre dans une autre ambiance. En tout cas la magnificence de l'endroit ne le rend pas intimidant pour autant car l'accueil est chaleureux. Mon badge n'est pas là, la personne qui s'en occupe est partie dans une autre salle mais pas de problème : je peux aller où je veux et les détails administratifs se régleront plus tard. Les responsables présents ont d'ailleurs fort à faire car le public défile pour prendre ses billets.

Je me fais expliquer le chemin de la Médiathèque, je reprends ma voiture et je monte à Meudon-la-Forêt. Evidemment je m'égare, j'ai largement le temps d'admirer les bois et les étangs. Après cet intermède bucolique, j'atteins enfin mon but, après un petit crochet par le magasin de photo voisin parce que, évidemment, j'ai oublié de faire le plein de pellicules (j'avais bien prévu de m'arrêter au passage à la Fnac-Vélizy mais, non, les centres commerciaux le samedi après-midi, la barbe... - ok je n'ai pas vu du coup l'expo de Phil Pretet mais ça m'a épargné, à ce qu'il m'a dit, d'assister au spectacle consternant d'un show-case donné dans l'indifférence générale).

Sur le parvis je trouve Sophie K, en grande conversation avec Joël Bizon. Salutations, c'est toujours un plaisir de retrouver des confrères, mais Joël nous laisse pour aller regarder la fin de "Un jour avec RL Burnside" pendant nous parlons affaires (de toutes façons Sophie a déjà vu le film !-))) Nous entrons dans la salle pendant que la projection se termine et Sophie répond à quelques questions des spectateurs.

Je retrouve Jocelyn Richez et nous constatons que le public est étonnamment varié : il y a vraiment tous les âges et les femmes sont assez nombreuses. A moins qu'il ne s'agisse d'habitués de la Médiathèque, la communication a du rudement bien fonctionner car de nombreuses chaises sont occupées en ce beau samedi après-midi.

Little Victor,
Eric 'Rockin'Lulu' Lelet
Sophie K

Little Victor a pris la parole derrière Sophie et, dés que celle-ci a branché sa guitare, il démarre le concert - sur les chapeaux de roues bien sur ! Aaah, c'est ça qui est épatant avec ce groupe (puisque le duo est maintenant renforcé par Eric "Rockin'Lulu" Lelet qui, tout discret derrière sa batterie, assure une solide assise rythmique) : l'effet est instantané. En moins d'un couplet vous vous retrouvez cinquante ans en arrière et la salle, fonctionnelle et pas franchement rigolote, se transforme en tripot. Vous oubliez l'indigence des éclairages et l'austérité du décor (même s'il est égayé par les panneaux de l'expo "Ballade au pays du Blues"), la sonorisation n'est pas parfaite - en tout cas étrangement disposée - mais qu'importe: tout le monde est complice. Le Blues est devant vous et il n'attend que vos claquements de doigts pour vous emmener encore plus loin. Victor joint le geste à la parole, en vrai showman mais sans jamais que ses effets soient déplacés ou agaçants : il joue avec la guitare dans le dos, monte sur sa chaise, malmène les micros, s'arrête parfois pour laisser Sophie nous offrir un "Me and my Chauffeur" de Memphis Minnie, - et Kansas Joe repart de plus belle !

Plus d'une heure à claquer des doigts, à battre des mains, à taper des pieds, vraiment je regrette juste de n'avoir pas des verres à choquer sur une table. J'espère qu'ils vont pouvoir venir l'an prochain à Saint-Pierre, on va s'éclater !

*
* *

18 h 15 il est temps de redescendre en ville. En chemin j'écoute TSF, too bad, il est trop tôt pour Bon Temps Rouler, l'émission de Milteau, mais un peu de jazz cool ne nuit pas. Le retour est beaucoup plus aisé car le Centre d'Art est bien indiqué. Je retrouve le parking où je réussis, guidé par Gérard "Bluesy Train" Tartarini, à glisser ma berline dans une place de 4,20 m, exactement %-).

D'autres têtes familières sont là, après quelques retrouvailles chaleureuses nous pénétrons dans la salle - par l'entrée du public cette fois. Décidément c'est très impressionnant d'arriver par le haut des gradins et de descendre dans l'arène. Nos pas sont hésitants dans la pénombre, justes guidés par les minuscules lumignons bleus qui balisent le chemin. Je prends le rythme : deux marches, un palier, deux marches, ad lib... Tout ça en écoutant le dernier morceau des Bloosers. Je n'en dirais donc rien sinon qu'ils ont sûrement été excellents, comme d'habitude! Beau succès en tout cas. La salle n'est qu'à moitié remplie, ce qui représente quand même pas mal de monde tant elle est vaste ; cette affluence relative est, malgré tout, satisfaisante car l'heure n'est pas favorable. Il est sur que les Bloosers méritaient mieux mais nous allons en reparler >-)

Le public profite d'ailleurs de la pause pour s'éclipser mais, je vous rassure tout de suite, il va revenir !

Comme nous d'ailleurs .En attendant cette suite je fais une petite escale désaltérante avec Christophe Godel chez le bistrot voisin. Et qui voyons-nous arriver ? René Malines ! Décidément, quand je vous disais plus haut que le Blues se trouvait dans les cafés !-)).

C'est pas tout ça mais il faut vite retrouver les emplacements stratégiques repérés précédemment car le set des Hoodoomen commence.

De l'avis général (et les autres pourront infirmer cette constatation), ce fut le meilleur moment du Festival. Voilà un groupe, un vrai, d'une cohésion et d'une complicité totales. Avec un vrai jeu de scène et un sens des enchaînements, des nuances, de la dynamique, tous éléments indispensables pour créer la magie du Blues. Et surtout un vrai bonheur de jouer ensemble. (Encore une fois : je n'ai vu que la fin du set des Bloosers, mais je pense, pour les avoir vus plusieurs fois, que ces remarques-là s'appliquent aussi à eux.. Simplement il m'a semblé que l'enthousiasme du public était plus marqué pour les 4 normands).

Hoodoomen : 
Pascal Fouquet,
Philippe Brière,
Bernard Marie

Comme j'ai amené mon vieux Canon-avec-moteur je me régale à essayer de capturer justement le balancement irrésistible qui se dégage de leur jeu. La place manque ici pour visualiser tout ça mais vous pouvez consulter ma page Meudon 2002 et regarder une vidéo chez Docteur blues. Faisons une nouvelle fais les présentations : Philippe Brière (harmonica é-lec-tri-que, chant - du coffre, comme on dit ), Bernard Marie (basse, ah sa façon de se dandiner en cadence et de promener ses doigts sur le manche sans avoir l'air d'y toucher), Pascal Fouquet (guitare, pardon Guitares - aaah ! le son de sa De Harmond avec un vibrato délicieusement 'romantique' sur I met you in a dream. Je pense d'ailleurs qu'on peut ici écrire GUITARE - en majuscules). Moins visible évidemment, Francis Marie assure la cohésion indispensable derrière sa batterie et ponctue tout en finesse.

Ils nous jouent une bonne partie du CD "Keep on dreaming" [voir la chronique de Marc Loison dans ce même numéro] pour notre plus grande joie (ce qui me permet d'ailleurs d'écouter le concert en écrivant cet article ;-)).

Hoodoomen : 
Philippe Brière, Pascal Fouquet, Bernard Marie

Quelques effets scéniques aux moments opportuns emballent le public : un jeu de guitare à quatre mains - Bernard, et Pascal se partagent la grosse Gibson (on se rappellera au passage que Bernard assure le dobro au coté de Philippe quand ils se produisent en duo acoustique sous le nom de Catfish), la, maintenant traditionnelle, promenade de tout le groupe à travers la salle pour un zydeco déchaîné, et pour finir un jeu de slide à deux, l'harmonica de Philippe remplaçant le bottleneck. !

Exactement comme Little Victor tout à l'heure, ces gags ne sont jamais gratuits mais contribuent à faire de la prestation un véritable show. D'où un gros, vraiment gros, succès.

En attendant le début de la soirée je vais me promener. J'admire à l'étage la superbe collection "Les pochettes qui chantent le Blues", toute une époque... (je suis content : j'ai chez moi UN des disques exposés (le premier HoundDog Taylor chez Alligator - c'est à dire le premier Alligator tout court - c'est loin tout ça !-)=.

Petite incursion dans les coulisses : le point de ralliement est la cuisine (qui ne désemplira pas de la soirée ;-). Je retrouve Victor & Sophie, je leur dis que leur musique m'a trop fait penser à Bo Weavil - c'est le même esprit en tout cas - ce qui engage de façon assez amusante la discussion avec Victor ! Celui-ci est intarissable, et j'avoue avoir du mal à le suivre. En tout cas il est absolument charmant et joue au maître de maison, s'enquérant des désirs de tous les musiciens qui se succèdent à la cantine.. L'ambiance est franchement sympathique, au point qu'on finit par oublier qu'un autre concert commence J'assiste à la mise en place du groupe de Corinna Greyson et, franchement, ça ne me donne pas envie de rester.

En plus il faut que je poursuive mes démarches. Pascal me donne le CD des Hoodoomen, je parle aussi affaires avec Philippe, ok : normalement le plateau de Blues à Saint-Pierre 2003 est bouclé ! - mais nous aurons bien le temps d'en reparler.

Retour à la cantine. Sophie décide tout de même d'aller voir Corrina (solidarité entre chanteuses ?) ... et revient au bout de quelques minutes ! Un interphone permet d'entendre l'ambiance de la scène dans la cuisine avec un son tellement désastreux que nous préférons couper.

Je reviens donc dans la salle pour assister à la fin du set. Bon, peut-être qu'à leur âge, j'aurais aimé ça ? Je ne sais pas, il est certain que Matt Schoffield m'ennuie prodigieusement Vous savez, le coté guitar-hero, hum, déjà que je n'aime pas ça chez un Stevie Ray alors là... Admettons qu'il aurait fallu entrer dans l'ambiance dès le départ pour apprécier plus. Ce qui est sur c'est que les jeunes présents dans la salle hurlent de joie. Bah, chacun son époque après tout. Je crois quand même qu'il y a suffisamment de groupes français capables d'en faire autant, sinon mieux, pour qu'on s'économise leur transport. De plus ils occupent la place de début de soirée qui aurait du revenir aux Bloosers, sans parler des Hoodoomen qui, eux, pouvaient parfaitement passer derrière.

Dave Riley

Justement derrière c'est Dave Riley et le Fedora All Stars. On va donc revenir dans le Blues qu'on aime même si les premiers morceaux sont beaucoup trop funk à mon goût (quand je trouve le style trop moderne je dis 'funk' pour simplifier >-). Cela semble s'arranger par moment puis ça redevient ennuyeux, je ne connaissais pas le bonhomme, le programme était assez intrigant pour qu'on ait envie d'en savoir plus mais je l'ai trouvé assez banal. Il semble qu'il ait été plus 'roots', et donc plus intéressant, la veille. Il gagne surement à être vu dans une ambiance plus intime.

Pour en revenir au fameux programme - un petit livret photocopié de 28 pages quand même - c'était une bonne idée, assurément perfectible car certains textes nous ont laissés carrément perplexes, mais n'oublions pas que c'était la toute première édition de ce Festival.

Invité de dernière heure, pour compenser l'absence d'Harmonica Slim, Paul Orta m'a fait bien meilleure impression et j'aurais envie de le revoir.

Franck Goldwasser

Un autre m'a emballé : Franck Goldwasser (parfois appelé Paris Slim, le programme le nomme "le plus américain des musiciens français", j'imagine d'ailleurs qu'il réside pratiquement en permanence en Californie ?). Si toute la partie américaine du programme avait été de son niveau, cela aurait pu réellement être magique. D'ailleurs après que Dave Riley ait quitté la scène, il sort de son rôle d'accompagnateur consciencieux pour nous offrir des moments de bonheur, trop courts hélas, car l'heure est venue de préparer la venue de La Vedette. Tout le groupe Fedora est lancé à bon régime (après les premières parties où il était vraiment attentiste), il est temps que les choses sérieuses commencent !

Un dernier gag cependant : le pianiste commence par annoncer "From the west side of the stage..., ahem, From the west side of Chicago : Mister Jimmy Dawkins !!!"

Franck Goldwasser, Jimmy Dawkins

A ce moment précis, je me rappele que l'an dernier à Vannes Mickael Dotson en faisait autant pour une autre légende : Magic Slim. Je le reconnais, je suis venu pour ça : pour avoir le même frisson.

Patatras ! En fait j'éprouve le même malaise qu'en voyant T Bone Walker à Pleyel : un mec totalement à coté de ses pompes, balançant des notes au hasard sur sa superbe guitare, sussurrant de vagues couplets éculés, passant plus de temps à apprendre le 'bon' groove aux professionnels qu'on lui avait offerts pour l'accompagner ou à engueuler un ingénieur du son (qui n'avait rien à proposer pour pallier tant de mauvaise foi), le menaçant de reprendre l'avion pour Chicago s'il continuait à déconner [difficile de traduire : to mess], qu'à nous offrir ce pourquoi nous étions tous venus : du Blues, du vrai. Je continue à y croire, j'emmagasine le maximum de photos (je crois avoir dit à Jocelyn : je me dépêche parce que ça va pas durer !-/), par moment il y a un soupçon de frémissement d'éventuelle promesse que, peut-être, ça pourrait s'arranger, et, flop, ça retombe et au bout de 3 trop longs quarts d'heure, la 'légende' part sans demander son compte. Franck et les autres essayent de recoller les morceaux mais le public qui est resté malgré tout (car certains sont déjà partis, écœurés) sort tout doucement et j'en fais autant.

*
* *

Sur le chemin du retour at home, tranquille peinard dans ma limousine (qui a démarré, chose étonnante, du premier coup - était-elle pressée de quitter ces lieux ? ô simplicité des êtres mécaniques !), je regrette seulement de n'avoir pas de lecteur CD pour écouter encore et encore Victor & Sophie et les Hoodoomen qui nous ont offert une belle soirée, eux ! Dur quand même d'admettre que le Blues c'est ça : des joies et des déceptions....

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Blues in Meudon:

Meudon, côté jardin

date: 8 juillet 2002
de:Phil CatFish <Philpretet@aol.com>
(photos de l'auteur ©2002)

What's up to Meudon ? La première édition du festival de Blues du 13 au 16 juin 2002, sous le parrainage de Michel Denis. Autrement dit, le renommé batteur jazz qui a enregistré en 1972 sur le label Vogue l'album "Jimmy Dawkins" (LDM 30149) réalisé avec la collaboration de Roger Veinante et Mitchell Cowen.

La fine plume de Pierrot Mercier vous a fait découvrir dans ce numéro la programmation du festival. Il nous a paru intéressant de s'accrocher -en backstage- aux basques de la Fedora All Stars pendant deux jours.
Dave Riley (photo Philippe Pretet)
Dave Riley

Vendredi 14 juin :

Arrivée en fin d'après-midi, les yeux rougis de fatigue, sous une chaleur orageuse. Ambiance électrique en backstage, véritable fourmilière où chacun vaque au job… de l'autre, hèle, arpente, jure et vocifère qu'on ne l'y reprendra pas… Every day i get the blues ! La routine en somme…

Franck Goldwasser (photo Philippe Pretet)
Franck Goldwasser
Changement de programme le soir-même : pour pallier l'absence inopinée de Fruteland Jackson, Chris MILLAR, le producteur-batteur, Dave Riley et Franck Goldwasser assurent au pied levé un set à la basse et à la guitare électrique en alternance devant le public assidu quoique clairsemé de la superbe salle du Centre d'Art et de Culture de Meudon. Dave Riley, est un personnage original dont le parcours résume bien à lui seul la musique : puissante et rugueuse ! Dave Riley a gardé en lui la sincérité d'un homme qui a vécu des expériences poignantes. [ndlr : un portrait lui sera consacré dans un prochain numéro] Les amateurs auront reconnu plusieurs morceaux de son récent album chez Fedora dont le titre éponyme Whiskey, Money § Women donne toute la mesure et les influences mississippiennes… Ce n'est certainement pas un hasard si le regretté Frank Frost lui a demandé de se joindre à lui, en 1997, et qu'il perpétue la tradition avec Sam Carr et John Weston du côté d'Helena (Arkansas). Un jeu tendu, aux phrases denses et heurtées, un son "pourri", saturé à l'extrême, une musique down home qui sent le sud profond. Bref, tous les ingrédients pour enivrer la salle qui semble pourtant adhérer timidement à cette démonstration… notamment à l'écoute d'une version très personnelle du mythique Imagine de John Lennon, dont on pourrait se demander ce qu'elle vient faire ici, si l'on ne sait pas que ce vétéran du Vietnam et gardien de prison pendant 25 ans s'est forgé un idéal de paix et d'humanisme…

C'est peu dire que Franck Goldwasser, le plus californien des musiciens de blues français, a pris une dimension impressionnante depuis quelques années en se lâchant sur scène. Une guitare aiguisée, son sens du placement, des soli percutants, un groove dévastateur…et surtout une présence affirmée on stage lui ont fait gagner en confiance ce que le talent à l'état brut ne pouvait pas exprimer. Le résultat est extrêmement convaincant. Il suffit pour s'en assurer d'écouter la dernière livraison de Fedora sous le nom de Jimmy Dawkins pour se rendre compte que c'est lui qui tient le disque à bout de bras… (Jimmy Dawkins West Side Guitar Hero Fedora FCD 5022). Gageons que Franck a su mettre tous les atouts de son côté pour entrevoir avec succès une carrière de producteur dont les habits lui vont comme un gant…
Jimmy Dawkins (photo Philippe Pretet)
Jimmy Dawkins

Samedi 15 juin :

direction le show-case à la FNAC de Velizy pour la Fedora All Stars afin d'entamer… finalement une discussion à bâtons rompus. Face à une maigre assistance, malgré les efforts louables du responsable communication de cette enseigne, le principal intérêt pour l'auditoire des non-initiés sera d'apprendre que Jimmy Dawkins a entrepris depuis 1961 de s'investir totalement dans sa compagny Leric Music Inc à Chicago. L'objectif est de défendre les droits des auteurs compositeurs interprètes de blues noirs américains, notamment de Magic Sam, et d'aider les membres de la famille d'artistes tels que le fils de Sam Cooke, la nièce de Mahalia Jackson… Brève visite à l'exposition photographique "Le Blues dans tous ses (E)états" [ndlr: exposition photo de Philippe Pretet] qui jouxtait la réunion, et retour à la case hôtel pour un repos bien mérité avant le set de samedi soir.

Paul Orta (photo Philippe Pretet)
L'absence pour raison de santé d'Harmonica Slim donnera à l'harmoniciste Paul Orta l'occasion d'être à son avantage en sideman consciencieux de Jimmy Dawkins, tout comme le bassiste affûté George Wolfaardt, originaire d'Afrique du Sud installé à Paris, et l'organiste Gary Harp qui pige depuis plusieurs années dans la capitale.

Dave Riley fut lui aussi particulièrement à son avantage, délivrant un set convaincant, mêlant chicago blues et compos personnelles avec un toucher fin et précis à la guitare qui tranchait quelque peu avec celui de la veille… Sa voix chaude et rugueuse pu s'exprimer avec aisance notamment sur une version torride de Voodoo Woman, Voodoo Man

Et Jimmy Dawkins ? Le lunatique West Side Guitare Hero est décidément bien loin de ses lustres d'antan… Mister "Fast Fingers" a bien du mal à convaincre sur scène dans une formation qui est, a priori, acquise à sa cause… C'est ce que Michel Denis qui s'est installé aux fûts l'espace d'un morceau aurait pu se dire…trente ans après ! Au menu quelques reprises timides de son dernier album (voir supra) quelques brides de solos dont il a le secret et puis la star s'en est allée après avoir copieusement mis en cause la sonorisation… Le nombreux public composé d'amateurs avertis ne s'y est pas trompé en quittant progressivement les travées du centre culturel, cachant mal une légitime frustation à la hauteur des espoirs déçus. Il ne reste plus pour se consoler qu'à écouter ce nouvel album qui présente un bon Jimmy Dawkins qui paraît être à mille lieues de ses prestations scéniques. Comprenne qui pourra.

Quitte à se répéter, c'est Franck Goldwasser, encore lui, qui laissera de loin la meilleure impression de la soirée avec son répertoire habituel, aux confins du blues et du R § B, mâtiné de swing made in Californie… On en redemande !

Dimanche 16 :

Après les brumes matinales, come back to usa, la roue tourne…

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Boogietown
Elliott Murphy, John Hammond, Fred & the healers et Alex Schultz, Canned Heat

date: 21 mai 2002
de: Didier Van Den Branden <divdbranden@swing.be>

Pour avoir fait 5 (ou 6) fois le BoogieTown festival, c'est le premier qui me laisse une impression décevante...

Je suis arrivé pour Seatsniffers qui ont démontré que les Paladins n'ont qu'à bien se tenir. Ici aussi, on peut le faire! Beaucoup de plaisir à jouer, un courant qui passait bien avec un public encore assez clairsemé. Ce fut un très bon moment et une bonne entrée en matière.

Puis le Five Horse Johnson qui ont payé cash le son pourri provoqué par la structure de l'immense hall restauré et le volume sonore poussé au delà de l'audible (!??!)... Beaucoup de personnes ont déclaré forfait et sont sorties se protéger les tympans à l'extérieur. Curieusement, c'est là qu'on pouvait mieux entendre ce qu'ils jouaient!! Je me suis donc réfugié à ... l'extérieur avec pas mal d'autres personnes semble-t-il dégoûtées.
Ce que j'en ai vu: cheveux (très) longs et balancés furieusement en rythme, un chanteur rouge écrevisse à force de hurler des paroles inaudibles dans la bouillie ambiante... Bon, je noircis. Je suis quand même curieux de les entendre sur cd. J'aime bien le rock sudiste!

Après ça Elliot Murphy. Finesse, enthousiasme et classe ont fait de sa prestation un moment superbe.
Moi qui ne l'avais jamais vu et (si peu) entendu, j'en suis resté pantois tant l'artiste est attachant et ses compositions jouissives ... malgré un son crapuleux (vous l'ai-je déjà dit??). Il est vrai que ses musiciens étaient très présents et actifs autour de lui. Comme Toineg, je pense aussi que la guitare était tenue par Olivier Durand.
Il était vraiment convaincant et a pu s'exprimer grâce à la place que lui laissait Elliot!
Pas du Blues?? C'est quoi le Blues, encore?? (Ne pas oublier de réécouter les 1er Dylan, de toute urgence!)

John Hammond, pour qui j'étais également présent n'a effectivement présenté que des extraits de Wricked Grin, comme le souligne Toineg. Encore une fois desservi par un son dégueulasse (nondidcheuu), résonnant de toute part, il a fait ce qu'il a pu (dixit le grand John lui-même!). Ceci étant, il était en pleine forme avec une envie folle de nous faire partager les chansons de son dernier opus.

Contrairement à Toineg, je n'ai pas trouvé les musicos de Tom Waits spécialement endormis. Les ai trouvés même forts éveillés, et donnant l'impression de bien s'amuser notamment le bassiste. Une bonne prestation mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable.

Six Hands and the Beat ne m'a pas vraiment convaincu: trop d'esbrouffe m'a-t-il semblé... Attention, chapeau aux cinq musiciens qui n'avaient répété que 2 jours avant le festival. Le problème était cette sorte de concurrence guitaristique entre Frédéric Lani et Alex Schultz qui ne semblait mener à ... rien. J'ai bien aimé, par contre, les belles chansons de Jake La Botz avec Fred et Alex aux guitares plus discrètes soutenus par René Stock (Last Call) à la basse et Wilfried "Wuff" Maes (Elmore D Band notamment) à la batterie.

Je découvrais Alex Schultz et Jake La Botz et franchement ils m'ont fort impressionnés, l'un par sa façon de jouer de son instrument (et par son sourire) et l'autre par sa voix et ses compositions. Fred, toujours pareil à lui-même, inspiré (un peu trop?!), transpirant et impressionné de se retrouver sur scène avec Alex (son guitariste préféré, c'est lui qui le dit). En résumé, beaucoup de notes de musique, de belles chansons, du feeling, des hésitations (j'aime ça!), une rythmique imparable et trop de "duels" entre Fred et Alex.

Canned Heat est monté sur scène avec la ferme intention de clôturer ce festival de belle manière et surtout de nous faire bouger!!
Il s'agissait de la même formation que celle du Spirit of 66 du 10/4/01 avec John Paulus et Dallas Hodge aux guitares, Stanley Behrens à l'harmo et à la flûte traversière, Greg Kage à la basse et évidemment Fito de la Parra à la batterie. Une belle pêche, le groupe emmené par les 2 guitaristes, surtout Dallas Hodge, le frontman imposant qui s'est donné beaucoup de mal pour perdre quelques kilos en s'éclatant sur le bord de la scène.

Je n'ai toutefois pas ressenti l'étincelle qui avait fait des concerts précédents auxquels j'ai assistés (au Boogie Town Festival édition 94 ou 96, je ne sais plus, avec encore le regretté Sunflower Vestine et au Spirit 66 en avril 01). Etait-ce moi ou le Heat? Il m'est resté l'impression d'un bon concert, d'un bon moment, mais aussi l'impression d'une routine de la part du groupe. Je pense que l'envie était là, mais peut-être aussi trop peu de place pour vraiment s'éclater (timing d'enfer à respecter A TOUT PRIX).
Canned Heat reste quand même une redoutable machine à Boogie!

En conclusion, quelques bons moments (j'ai trouvé un cd de Bo Weavil Blues Band que je ne connaissais pas à 10€: Early Recording :)) ) Pas grand chose au point de vue découverte, un son tellement dégueulasse qu'à certains moments il en devenait une bouillie informe et inaudible et d'une puissance à faire tourner la mayonnaise dans les paquets de frites (ou à enlever les bulles des bières, si vous préférez...) et une organisation qui ne laisse aucune place au délire (même contrôlé et même si on a pu aller pisser ailleurs que dans ces cabines téléphoniques en plastique vert dont l'accès coûtait 50 centimes...).

Bon, je me suis quand même bien amusé ;) .

date: 2 mai 2002
de: Toineg < toineg@wanadoo.fr>

J'étais hier au Boogietown en Belgique, et ma foi, ce fut une excellente journée. L'organisation était irréprochable, chaque concert commençant à l'heure annoncée. Quelques animations, que je n'ai pas trouvées spécialement rock'n roll mais amusantes quand même assuraient l'ambiance pendant les changements de plateau.

La grande halle dans laquelle le festival était hébergé est très agréable, spacieuse, claire, propre, mais par contre, l'acoustique n'est pas optimale. Dès qu'on s'éloigne un peu de la scène, on est noyé dans un flot de réverb qui rend la musique un peu boueuse. Il me semble néanmoins que ça s'est amélioré au fil des groupes, ou peut-être mes oreilles se sont-elles habituées. Amha, trop de basses dans l'ensemble.

J'ai beaucoup apprécié le concert d'Elliott Murphy, très frais et agréable, un petit côté laid-back mais sans désinvolture. Bonne ambiance sur scène avec un jeune guitariste (Olivier Durand si j'ai bien compris, mais je suis pas sûr). Evidemment ce n'est pas vraiment du blues ou du boogie, c'est plus proche de Dylan, mais au moins, il se passait quelque chose sur scène ce qui était un véritable soulagement après les horribles braillards du groupe précédent. En plus, on a eu droit à une sympathique version de Little Red Rooster!

Par contre, le concert de John Hammond, pour lequel j'avais choisi de venir au Boogietown a été une véritable déception. Hammond lui-même a fait une prestation honorable, plutôt bonne même, mais alors ses musiciens, c'était terrible. On se demandait lequel s'emmerdait le plus. Le pianiste avait l'air de dormir, le guitariste faisait soit la gueule, soit l'intéressant, le bassiste ... il y avait un bassiste ? Seul le batteur/percussioniste, qui essayait plein de bidouilles sur sa caisse claire avec des percussions diverses et variées relevait un peu l'intérêt de l'ensemble. Evidemment, avec un tel enthousiasme de la part des musiciens, le concert n'était pas phénoménal, c'est le moins que l'on puisse dire.
D'autre part, ils avaient décidé de ne jouer que des morceaux du dernier album (wicked grin)! Or, si ces morceaux, baignant dans une ambiance à la Tom Waits, sont agréables quand on est confortablement installé chez soi, en fin de soirée, à siroter un verre, c'est l'ennui mortel à 17 heures dans le cadre d'un festival. Dommage de ne pas avoir adopté un programme plus adapté aux circonstances. Grosse déception donc.

En ce qui concerne Six Hands and the Beat, la réunion d'un soir de Fred & the Healers et de Alex Schultz, c'était bien, endiablé, bourrés d'énergie et de talent. Le seul problème, c'est que ces blues funky où la virtuosité guitaristique domine me laissent assez froid. C'est bien sûr mon opinion personnelle. Je reconnais que le concert était très bien, mais c'est juste que ça m'ennuie.

Enfin, nous étions bien chauds pour la prestation de Canned Heat, bourrée de bonne humeur débonnaire. Un bon concert, avec un boogie endiablé d'une petite vingtaine de minutes pour conclure, avant trois rappels! Superbe fin de soirée. Un seul bémol: ils ne devraient pas laisser chanter l'harmoniciste, dont la voix ne me semble pas très adaptée au style du groupe, et lui enlever sa flûte traversière. On se croirait devant Jethro Tull, ça fait un peu bizarre.

Voilà, quelques impressions sur ce festival qui a été avant tout pour mes amis et moi une excellente journée, et encore bravo pour cette organisation sans faille.

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Spring Blues Festival d'Ecaussinnes

date: 28 mai 2002
de: Georges Lemaire <lemaire.g@skynet.be>

Je suis venu au festival en compagnie de Robert Sacré. Il avait atterri la veille, en provenance d'Afrique, en mission d'inspection pour l'Education Nationale et j'étais plus frais que lui pour conduire.

De plus, à deux, le trajet semble plus court et en bavardant, on risque moins de s'endormir au retour. Je sais que je vais probablement en faire bondir beaucoup, mais si je veux rendre compte du festival, il faut bien que je dise ce que mes oreilles en ont pensé. ;-)

Tout d'abord, je dois reconnaître que, bien que d'excellente qualité, cette édition du festival n'est pas la meilleure, loin de là, à laquelle il m'a été donné d'assister.

Mais pour commencer par le commencement, il me tient à coeur de dévoiler une petite anecdote qui pourrait mettre en évidence le caractère de certain villageois que l'on pourrait, de prime abord, considérer comme sympathique! J'utilise, d'habitude, pour ma caméra, un jeu de deux batteries que je vais régulièrement recharger à la sono. Cette fois, plus pratique, j'emporte une allonge de 30 mètres, pensant trouver une source d'électricité et être autonome pendant la durée du festival en filmant directement sur le secteur. Et effectivement, après de longues recherches, j'en trouve une derrière la scène. Pourvu que mon fil soit assez long ! Je le fais passer sous la scène, le fais arriver dans le bar presse et entreprends de l'amener derrière la scène.

Je le traîne, je tire, je ... et ça cale ... à deux mètres de la source de courant tant convoitée! Je rebrousse chemin pour voir s'il n'y a pas moyen de grignoter quelques centimètres çà et là. Et que vois-je ? ... Une dame, les deux pieds sur mon allonge, empêche celle-ci de se dérouler! Et qu'entends-je? ... Un grand éclat de rire derrière moi! C'était Roland [NDLR: Roland Trierweiler, greenwoodien et néanmoins Grand Manitou du journal Rollin' & Tumblin'] qui avait assisté à la scène depuis le début et qui se demandait comment j'allais m'en sortir! Croyez-moi, vous autres, arrêter de fumer, ça rend les gens mauvais ! ;-)))))

Rencontres, beaucoup trop brèves, avec Didier et Claude. Pascal, par contre, ne nous a pas reconnus. Ce sera, je l'espère, pour une prochaine fois!

En second préambule, une petite remarque générale : est-il vraiment indispensable à la régie de déverser autant de fumée pendant certains titres ? Si encore elle était inodore ! Mais c'est une véritable infection ! ! ! (Je me souviens d'un concert au Spirit of 66, il y a quelques années, au cours duquel Geno Washington avait interrompu son spectacle et avait menacé les organisateurs de ne pas reprendre si l'on continuait à inonder la scène de fumée. Il y était allergique et sa voix risquait d'en prendre un coup ! )

Une seconde petite remarque : est-il bien nécessaire de placer une multitude de spots à l'arrière-scène ? Ceux-ci ne font qu'éblouir le public. (... et provoquent des contre-jours peu esthétiques sur mes films ;-)))) Grrrr ! )

Une fois n'est pas coutume, le festival a démarré avec une demi heure de retard. Il y avait un problème d'éclairage et Pierre Degeneffe était sur des charbons ardents. Enfin, le festival démarre vers 14h30 avec Renaud Patigny. Deux pianos à queue, claviers face à face, trônent au milieu de la scène. Renaud Patigny s'installe et c'est un excellent concert de boogie woogie qu'il nous livre. Bretelles aux motifs de touches de piano, chapeau crème et cravate claire sur chemise foncée. Sa voix n'est pas vraiment exceptionnelle. Il change parfois de piano, pour varier les plaisirs et est très expressif (mimiques allant de pair avec la musique). Ensuite, il laisse la place à Carl "Sonny" Leyland qui nous prouve également ses qualités d'excellent pianiste et de chanteur à la voix agréable. Pour suivre, ils jouent ensemble, dos à dos, accompagnés par Bob Dartsch à la batterie, puis s'attaquent tous deux au même piano. Ils se partagent le même clavier. Les mains se bousculent, se chevauchent, les bras se croisent, font presque des noeuds. Ils terminent en un tableau très visuel et humoristique. Renaud joue, debout sur un tabouret, derrière Carl qui est assis et ici encore, ils font preuve d'une belle virtuosité. Le public en redemande, mais vu le retard déjà accumulé, il n'y aura pas de rappel.

Dave Riley, chapeau de paille ajouré sur la tête nous présente un excellent concert. Il vient de la scène gospel et cela s'entend ! Il est accompagné par Paris Slim, toujours aussi inspiré. C'est le patron de Fedora qui tient les baguettes et l'ensemble fonctionne très bien. Une petite ombre au tableau, cependant : une interprétation fort pénible et tout à fait hors contexte d'Imagine, de Lennon.

Jerry Waddel, originaire de l'Arkansas, mais habitant actuellement le Tennessee est un homme de poids. Enorme, il est en permanence assis sur une chaise. Enorme, sa barbe d'une blancheur immaculée accroche bien la lumière des spots. Enorme est également son talent. Sa voix, très agréable, nous propose un blues mâtiné de R & B, très électrique et fort original. Du beau travail !

Mojo Buford, dont la réputation n'est plus à faire, a enregistré avec Muddy Waters et l'a accompagné en 1962, en 67-68 et en 71-72. Il a environ 73 ans et le poids des ans se fait sentir. Il prend un temps fou pour choisir son harmonica (il s'y prend d'ailleurs dès les dernières mesures du titre précédent). Il n'a pas l'air d'y voir très clair. Son répertoire est essentiellement axé sur les grands succès de Muddy et il y prend beaucoup de plaisir. Nous aussi !

Impossible de lui faire quitter la scène! Le public en redemande et il ne se fait pas prier. A court d'inspiration, il bisse un excellent Sweet Home Chicago qu'il venait de jouer. Il s'en va, sous les applaudissements et les cris de tout le chapiteau. Très émouvant. Mais le retard s'est encore creusé et les artistes suivants passent maintenant avec près d'une heure de retard!

Tom Principato et Greg "Fingers" Taylor prenent sa place. Virtuoses de la guitare et de l'harmonica, ils présentent un spectacle très sophistiqué. Trop, peut-être. La distorsion et le blues rock ne sont pas loin.

Moi, je suis loin, au bar presse. L'Ecaussinnes 10° est bien fraîche et la station assise est agréable, avant la prestation de Mississippi Heat. J'en profite pour aller saluer Pierre Lacocque qui m'apprend une bien triste nouvelle : il vient d'aller conduire Carl Weathersby à l'hôpital. Celui-ci est malade comme un chien et les médecins ne se prononcent pas encore. Ils évoquent néanmoins un possible diabète. Pourvu que ce ne soit pas trop grave. Nous n'entendrons donc pas Caribbean sunshine ni Hobo blues!

Pierre m'avait demandé une copie de l'émission America [NDLR: sur la RTBF] "Spéciale Mississippi Heat" et je lui en remets un exemplaire sur minidisc. Il n'a reçu ses nouveaux CD's que la veille et il a dû lui-même les placer dans les digipacks. Juste à temps!

Leur concert est impeccable et comme d'habitude, c'est une grande fête à laquelle nous assistons. La grande nouveauté, bien sûr, c'est la chanteuse qui remplace Katherine Davis. Inetta Visor est splendide et ses formes sont extrêmement généreuses. Tellement généreuses que backstage, je l'ai vue qui essayait d'emprunter un plan incliné qui permet de faire rouler les amplis et autres accessoires pesants. Elle en a gravi péniblement environ un mètre, s'est arrêtée, puis a prudemment accompli le chemin à reculons en me disant, comme pour s'excuser: "Je n'y arriverai pas, je me connais" et elle a emprunté un escalier parallèle pour accéder à la scène.

Sa voix est également généreuse et sa joie de vivre éclate quand elle chante. Pierre l'a dénichée dans une chorale de gospel d'une église baptiste du South Side et je pense qu'il n'aurait pas pu mieux choisir. Sa présence sur scène est éclatante, elle occupe tout l'espace (vraiment!) et chante pieds nus dans des bas nylon. Bref, c'est un personnage très attachant.

Le seul invité de la soirée, Peter "Madcat" Ruth, un autre virtuose de l'harmonica, nous a fait quelques démonstrations étourdissantes de son savoir-faire. Mais il n'ajoute pas grand chose, à mon humble avis, à l'esprit du groupe. Idem sur le nouveau CD où il interprète Mad Cat Hop. C'est loin d'être le meilleur titre.

Quant à Chris Winters, il tenait la grande forme et a été éblouissant dans tous ses solos. Il a également interprété sa composition, Early Morning Blues, de main de maître. C'est chaque fois un plaisir renouvelé de l'entendre.

Pour terminer le festival, Kim Wilson a donné un concert très dynamique, accompagné par un Junior Watson très en forme. Mais là encore, je cale. Peu d'émotion et énormément de savoir-faire. Une mention spéciale, cependant, à Gene Taylor qui m'a éberlué avec son B3.

Bref, après une demi heure, je demande à ma caméra de prendre la position off et je rejoins le bar dare dare devant lequel m'attend déjà Robert.

Retour sans encombres et c'est vers 3 heures du matin, après avoir vérifié la qualité du début de chacun de mes films que je prends, à mon tour, la position off.




date: 27 mai 2002
de: Didier Dftboogie <divdbranden@swing.be>

Je suis arrivé fatigué à mon second Spring Blues Festival, le dos en compote et la tête en purée, tout ça grâce à une merveilleuse semaine de stress au boulot (Ahhhhh, la vie de fonctionnaire n'est plus ce qu'elle était!!).

Dans la rue, qui mène au site du festival, je reconnais une silhouette et un gros sac gris: Georges accompagné de ses petites affaires habituelles (appareil photo, etc. ;)). Avec à ses côtés, Robert Sacré. Homme sympathique qui semblait fort excité à l'idée de cette journée à Ecaussinnes.

Une demi-heure avant le début des festivités, déjà pas mal de monde et un Pierre Degeneffe fiévreux et préoccupé par des problèmes techniques qui retarderont la programmation d'une heure environ. J'ai laissé Georges et Robert aller backstage (je n'avais pas le sésame de la bonne couleur ;) ) et me suis installé pour attendre Renaud Patigny et Carl "Sonny" Leyland.

Sur scène, 2 pianos à queue noirs dos à dos et une batterie (Tiens? Une batterie?). Probablement déjà installée pour le groupe de Dave Riley qui devait suivre… Juste avant le début de la prestation de Renaud Patigny et de Carl "Sonny" Leyland, j'aperçois à ma droite, les silhouettes de Georges et Robert Sacré en conversation avec un grand type, cheveux courts et noirs: Rol.

Au même moment, Carl "Sonny" Leyland entre en scène. Il s'installe seul au piano et joue quelques boogie et quelques blues, il a l'air distrait mais bon, j'aime bien le piano, alors, je me dit qu'il y a pire comme entrée en matière. Bob Dartsch s'est ensuite installé derrière la batterie (J'avais mal lu le programme) pour d'autres blues/boogie. Ca swinguait agréablement. Carl Leyland a une belle voix et la batterie ajoutait un petit quelque chose pas fait pour me déplaire.

Au moment où je me disais déçu de les voir jouer seuls, ils se lèvent et s'en vont laissant la place à Renaud Patigny. L'homme est habillé en noir avec une espèce de canotier sur la tête et il a visiblement une envie de nous en mettre plein la vue aussi grande que lui est petit..

Quelques boogies avec des regards vers le public disant "Vous avez entendu ça? Terrible, hein??", créant ainsi une complicité et un dialogue avec les spectateurs. Il a aussi interprété quelques blues, mais autant il est merveilleux au piano autant son chant laisse à désirer. Bon, on ne lui en voudra pas, tellement il nous faisait plaisir avec sa pêche et son jeu.

Carl "Sonny" Leyland et Bob Dartsch sont enfin venus le rejoindre pour un set endiablé avec échange de pianos en jouant, boogie à quatre mains, Renaud Patigny à genou devant le clavier, Carl "Sonny" Leyland debout derrière lui. Petit solo de batterie (juste ce qu'il fallait) tout en puissance mais avec beaucoup de finesse et un public conquis applaudissant à tout rompre et en redemandant. Hélas, en raison du retard pris au début de l'après-midi, aucun rappel ne sera accordé aux artistes par l'organisation.

Dave Riley, par contre, ne m'a pas vraiment emballé. Pas mal mais pas vraiment excitant. Entouré de musiciens de grande qualité, surtout le guitariste Frank Goldwasser [NDLR: Paris Slim] qui plaçait sa rythmique toujours au bon endroit, au bon moment avec beaucoup d'inventivité, la basse et batterie assurant derrière lui (George Wolfhart qui n'a pas bougé de toute la prestation (ah si, trois pas à gauche, mais il est bien vite revenu à sa place de peur d'user ses belles bottes) et Chris Millar à la batterie), Dave Riley n'a pas fait décoller son show et ce ne sont pas ses mouvements suggestifs du bassin derrière sa guitare qui joueront en sa faveur. Je crois que seuls les photographes et caméramen ont appréciés.

De plus, au beau milieu du set, il nous a fait, seul avec sa guitare, une version de Imagine à mon avis complètement ratée. Heureusement que les paroles et le message qu'elles transmettent étaient là pour compenser.

Rencontre sympa avec Rol écourtée par l'installation sur scène de l'énorme (au sens physique du terme) Jerry Wadell. Pour moi, une découverte formidable! Pas de show, Jerry est assis sur son tabouret du début jusqu'à la fin de sa prestation, il ne le fait tourner vers ses musiciens que pour discuter avec eux des morceaux à jouer. Tout était dans la musique et la voix. Un florilège de blues, gospel, boogie, ... C'était superbe, passionnant du début jusqu'à la fin.

Son groupe est composé de son fils Todd à la batterie (son père est énorme, lui est monstrueux!) de Larry Smith à la basse (j'avais cru comprendre que la basse était tenue par un autre de ses fils mais le programme dit "Larry Smith". J'ai dû mal comprendre.) et Richard Thompson aux claviers. Ces musiciens formaient un bloc derrière Jerry Wadell, l'accompagnant de façon impeccable, avec énormément d'inventivité pour Richard Thompson et de force subtile pour la section rythmique. De plus, Jerry possède une voix superbe et un jeux de guitare que j'ai trouvé sobre et fin.

Avec Mojo Buford, on s'est retrouvé plongé dans le Chicago blues jusqu'au cou. Un immense bluesman, une pêche d'enfer, un groupe extraordinaire pour l'accompagner ont fait de son passage, certainement un moment fort du festival.

Le set, bourré de reprises, allant de Nine Below Zero à Mojo en passant par Sweet Home Chicago, conduit de main de maître par un Mojo Buford trépignant et câlin à la fois, qui ne voulait plus s'arrêter notamment dans cette version extra longue (pas assez à mon goût) de Sweet Home Chicago, en en remettant toujours et encore avec ses harmonicas magiques et ses gestes désignant tour à tour ses musiciens, Jon Taylor à la guitare (un drôle de son mat mais très "classe") et Tim Richards au piano, sautillant à souhait, pour des soli incroyables et de plus en plus fous avec derrière eux, Rod Derrick à la basse et Sam Kelly à la batterie assurant un train d'enfer sans rupture ni baisse de régime.

Fallait le voir, grand échalas, son chapeau posé sur le pied de son micro, l'harmonica vissé à la bouche encourageant ses musiciens comme un coach de rugby. A la fin, tout le monde était debout, applaudissant à tout rompre et réclamant un rappel qu'il est venu faire bien volontiers: nouvelle version de Sweet Home Chicago. Ouf.

Après ça, je me suis demandé comment le suivant allait faire pour assurer! Il s'agissait de Tom Principato avec son Powerhouse et en invité Greg "Fingers" Taylor à l'harmonica. Eh bien j'ai vu!! Un power trio composé de Tom Principato à la guitare, de El Torro Gamble à la batterie et de John Perry à la basse. La classe ici aussi. Style différent, bien évidemment.

Le Tom à la guitare c'est la maîtrise de l'instrument, une fluidité incroyable, les bonnes notes aux bons moments et des soli courts, juste ce qu'il faut pour éviter la démonstration et mettre la grande classe en évidence! La complicité était grande aussi entre Greg et son harmonica d'un côté, Tom et sa guitare de l'autre. De petits duos au cours desquels ils se répondaient intelligemment. Et une fois de plus, une rythmique imparable pour soutenir les solistes. Ca a été une constante dans ce festival: d'excellentes sections rythmiques!

Papote avec Georges et Roland en attendant fiévreusement que monte sur scène Mississippi Heat. Le groupe était composé de Pierre Lacocque à l'harmonica (prononcé "lacôô" par ses musiciens ?!?), Chris Winters à la guitare, Steve Howard à la basse, Kenny Smith à la batterie, Roger Weaver aux claviers et Inetta Visor au chant. Avec en invité, à l'harmonica Peter "Madcat" Ruth. Carl Weathersby qui devait jouer avec eux est malheureusement tombé malade juste avant le festival et a dû être emmené à l'hôpital.

Alors, comment décrire le set de Mississippi Heat sans répéter toujours les mêmes adjectifs?? Ce fut le concert d'un grand groupe, dirigé par un Pierre Lacocque heureux d'être là. C'est au cours de leur prestation que je me suis vraiment senti transporté par la musique jouée sur scène. C'était un ensemble parfait, un groupe à géométrie variable mais malgré ça d'une grande cohésion. Rien en trop et rien trop peu. Eblouissant!

Celle qui m'a surtout impressionné par sa présence, c'est Inetta Visor. Quel bonne-femme! Immense dans tous les sens du terme, avec une voix... et une façon de bouger, sensuelle, féline (oui oui, je vous assure!). Elle nous en a mis plein la vue et les oreilles.

Et Kim Wilson?? C'était le seul que j'avais déjà vu sur scène avec les Fabulous Thunderbird au Boogie Town édition 2000. Toujours le même, toujours aussi bon. Sa Blues revue était composée, pour la circonstance de Junior Watson et de Troy Gonyea aux guitares, Ronny James à la basse, Richard Innes à la batterie et Gene Taylor aux claviers.

Un super bon contact avec le public, une vraie connivence et, malgré un show sans beaucoup de surprise, je me suis défoncé comme la plupart des spectateurs présents.

Gene Taylor est le musicien que j'ai le plus apprécié. Déjà présent avec les Fabulous Thunderbirds (tu avais raison Rol, je l'ai bien reconnu) il a une allure invraisemblable avec son gros cigare, son chapeau et son essuie autour du coup. Il parviendrait à faire aimer le piano à ceux qui le détestent tellement son jeu est beau!!

Par contre, Junior Watson, malgré sa bonne humeur, ne m'a pas vraiment impressionné. Aussi, à force d'en entendre parler, en attendais-je peut-être trop? La deuxième guitare tenue par Troy Gonyea me plaisait bien plus avec son côté sale gosse teigneux.

Avant le dernier rappel, j'ai salué Rol qui s'en allait (le bus n'attend pas...). Le dernier rappel et la clôture vers 2h de matin. Beaucoup de spectateurs déjà partis, je me suis dirigé vers ma voiture d'un pas raide, crevé mais heureux.

Bon, je ne suis probablement pas sur la même longueur d'onde que d'autres spectateurs qui ont pu trouver cette édition moyenne. Mais pour moi, avec mes repères, je vous assure que j'ai pris une bonne grande claque. Pour finir la journée en beauté, sur la route du retour, j'ai chargé un couple de Savoyards qui avait fait le déplacement de Chambéry à Ecaussinnes exprès pour le Spring Blues et qui rentraient sur Bruxelles. On a papoté dans la voiture pendant le chemin du retour, de ... Blues (à propos, ils n'ont pas trop apprécié le set de Mississippi Heat, ne l'ayant pas trouvé à la hauteur de celui donné au New Morning à Paris, l'année passée, si j'ai bien retenu. Oui Georges, je sais, ils n'y connaissent rien les Savoyards :)) et ils ont fini, vu l'heure (3h30) et le fait qu'ils n'avaient pas réservé de chambre à l'hôtel, par dormir à la maison, pour repartir le lendemain par le 1er TGV, après un échange d'adresses.

Viva el Blues!




date: 29 mai 2002
de: Pascal Pin's Pinède <pinspas@ifrance.com>

Après 4 jours d'après festival en apesanteur totale, me voici enfin sur terre pour essayer de vous transcrire mes réactions et émotions (quelque peu differentes des autres villageois d'ailleurs, mais ça c'est tant mieux...).

Tout d'abord, le site d' Ecaussinnes est fort agréable, en pleine campagne. C'est vrai qu'après 6/7h de route, ca fait du bien de respirer le bon air campagnard. Dès notre arrivée, nous sommes très bien accueillis a la billeterie par la personne que j'avais contactée par téléphone pour les places en prévente. Celle-ci nous demande si notre voyage s'est bien passé, et nous fait béneficier du tarif de groupe préferentiel comme convenu. Cet excellent accueil nous a fait chaud au coeur. Merci encore.

Nous voilà donc, après plusieurs semaines d'attente, à quelques minutes d'une journée de 12h de Blues non stop. Nous sommes fin prêts. Tout de suite David, mon pote harmo, se dirige vers le stand de son contact en Belgique, et d'entré, ça négocie sévère pour un micro, voire un ampli à essayer en fin de soirée. Très sympa. Finalement, David repartira en Auvergne avec un micro,...et un ampli.

Bon, après ça et un petit demi, place à la musique avec du Boogie Blues servi par Carl Sonny Leyland, d'abord seul au piano. Contexte pas très évident, un piano seul sur une grande scène. Mais cela n'a pas empêché Carl de donner un bon petit set de piano Blues et Boogie, citant L.B. Montgomery, R. Sykes et les autres grands du Piano Boogie Blues. De plus, il s'avère être un excellent chanteur.

J'ai toujours un petit à priori sur les pianistes actuels de Boogie Woogie, pour ma part souvent "trop" Boogie Woogie ("Tu as vu comme je vais vite !") et pas assez Blues dans leurs sets. Pas tous, mais la plupart. A la longue, ils arrivent à m'ennuyer.... Et bien, Carl Sonny Leyland ne fait pas partie de ceux-là. Son côté plus Blues et pas que Boogie, m'a plus séduit.

Ce qui fut moins le cas pour Renaud Patigny, en deuxième partie, plus démonstratif. Bien sûr, cela fait décoller l'auditoire qui en redemande, mais bon, moi, j'accroche moins. C. Leyland revient ensuite pour un set en duo avec Renaud Patigny pas mal du tout. Là encore tous les stéréotypes du piano Boogie Woogie sont présents : Duo à 4 mains, changement de piano en cours de morceaux, jeu sur 2 pianos à la fois,... Le public apprécie. Malheureusement, faute de timing, pas de rappel.

Un petit break d'un quart d'heure et place à Dave Riley Band. Là, je connaissais le chanteur guitariste par l'intermediaire du disque des Delta Jukes avec Sam Carr et John Weston. J'étais donc impatient. Premiere surprise, arrivent sur scène Chris Millar à la batterie, et, grosse surprise Paris Slim à la guitare. Depuis le temps, j'allais enfin pouvoir le voir sur scène. Et bien, chapeau, ça joue grave. Il a fait quelques morceaux en lead chant et guitare en début de set, et j'ai compris. C'est un client, le bougre.

Ensuite, Dave Riley est arrivé. Et là, mais bon ça a été notre impression, nous l'avons senti tendu tout le long du set. Comme une tension bizarre entre certains musiciens présents sur scène. Cette tension, perceptible, n'a pas fait décoller le set de Dave Riley, d'ailleurs très court, sans rappel. Dommage, vu le gratin sur scène, on aurait pu attendre mieux. Il y a des jours comme ça.

Désolé, je passerai un peu vite sur la prestation de Jerry Waddel, et cela pour deux raisons. La première c'est que sa musique n'est pas trop ma tasse de thé, et la deuxième c'est que vu la première, je n'ai assisté qu'aux cinq premières minutes du concert. J'ai sûrement du louper quelque chose. Tant pis.

Par contre je serai plus long sur la très bonne prestation du très grand Mojo Buford. Du Chicago Blues pur et dur : le répertoire et aussi la manière de le jouer. Malgré un âge avancé, Mojo Buford est apparu en bien bonne forme, et avec une énergie bien communicative. Même si le reste du groupe a eu un peu de mal à réagir, à certains moments. Son jeu d'harmo sans esbroufe, dans le micro chant est somptueux dans la grande tradition Chicago. Des reprises de Muddy, bien évidemment, mais aussi Sonny Boy, furent l'essentiel de son set. Le groupe qui l'accompagnait, des Anglais je crois, fut à la hauteur, carré. Bon pianiste sobre et guitariste bouillonnant, mais un tout petit peu tendu. Le public en redemande. Mojo Buford aussi. Il rallonge les morceaux. J'ai adoré.

Bon ensuite, place à Tom Principato et Greg "Fingers" Taylor. Incroyable, la foule semble se réveiller, se presse au devant de la scène. Il faut dire que ça déménage sévère. Un peu trop pour moi, d'ailleurs, je crois que c'est l'heure d'aller essayer l'ampli pour harmo. Hein, David ?....

Les affaires une fois conclues, retour pile à l'heure pour Mississippi Heat. La fin de soirée et le final approchent. La foule est attentive pour la prestation du groupe de Chicago. De nouveaux musiciens que je ne connaissais pas entourent Pierre Lacocque. Seul Kenny Smith à la batterie ne m'est pas inconnu. Il est loin le temps de Billy Flynn, James Wheeler, Bob Stroger, Deitra Farr,.... D'ailleurs, leur musique me semble bien changée depuis ce temps. Pour ma part, j'appréciais leurs premiers albums et bien moins leurs récents.

J'appréhendais, donc, un peu dans l'inconnu. Bien malheureusement, je crains de ne pas avoir accroché à leur musique, comme je le craignais. Tout ça est pourtant très bien joué, par de très bons musiciens. Rien à dire de ce côté là. Trop bien joué, peut-être. Mais où est donc la fausse note, l'hésitation,... ??.... Mention spéciale, tout de même, à la chanteuse black qui, par son magnifique chant et son énergie, m'a évité le coup de pompe qui commençait à se faire sentir...

Je ne m'attarderai pas sur l'invite spéciale en fin de set, à l'harmo. Je n'ai pas compris. Ah, oui aussi, vraiment pas de chance pour Carl Weathersby, hospitalisé d'urgence. Peut-être aurait-il pu me faire changer d'avis ?....

Bien, vient le moment tant attendu. Nous nous positionnons donc devant la scène, pendant la mise en place de la Kim Wilson Blues Revue. Là, les musiciens ne me sont pas inconnus du tout. Devant nous, Junior Watson, cigare et sourire aux lèvres, s'installe tranquillement dans son coin, Les Paul Gold Top en bandoulière. Sur le côté, Gene Taylor et sa masse imposante taquine l'orgue Hammond, l'air décontracté. L'ambiance est souriante et semble vraiment très bonne. Je reconnais aussi Richard Innes derrière ses fûts et le grand Ronnie James, tout en noir, accorde sa Basse Danelectro. Le petit "nouveau" Troy Gonyea, allure rebelle (un peu à la Johnny Depp) , tourne à droite, à gauche, nonchalant, patiemment. Quant à Kim, deux notes d'harmo pour trouver le son sur les deux Fender, et le tour est joué.

Tout de suite, dès le premier morceau, le ton est donné. Ca va être chaud! Un bon vieux boogie en fa, ça part au quart de tour. Break, ça repart, re-break, ça repart,... Je ne sais plus où donner de la tête. L'entente entre les deux guitares est parfaite, tout en feeling. Basse / batterie sont réglées comme une horloge suisse. Ca swingue du feu de Dieu. Gene Taylor s'éclate sur ses touches. Kim transpire déjà. Mon Dieu, quelle énergie. On sent déjà l'entente parfaite entre tout ce beau monde, et leur envie de jouer. Tous dans le même sens. Ca ne trompe pas. Quelle aisance. Et on n'est qu'au premier morceau....

La suite n'est que pur bonheur. Le répertoire est celui qui fait la réputation et le son Kim Wilson: du Chicago blues des 50's / West coast, Little Walter, Sonny Boy, Georges Smith,...et ses compos toujours dans l'esprit et la tradition. J'adore, je craque, je suis conquis.

Mon Dieu, que ça fait du bien ! La fatigue ressentie pendant le concert précédent est bien partie. Sur la scène, ça déménage, ça s'enchaîne, boogies, blues lents, shuffles,... Kim Wilson, quel jeu et quel son d'harmo !! David est là, à côté, les yeux brillants et la bouche grande ouverte. Sur une autre planète. Five Long Years, joué au chromatique, l'a littéralement scotché. Et le solo d'harmo, tout seul, pendant une bonne dizaine de minutes, sur le boogie,....!!! Incroyable, quelle patate !!

Et puis quelle voix ! Kim Wilson est un vrai chanteur de Blues, définitivement. Je m'excuse, mais là, le débat blanc / noir....

Moi, j'attendais de voir Junior Watson en vrai, devant moi, sur scène. Sur les albums, il me scotche à chaque fois. Son feeling, sa technique, son son et sa culture blues m'impressionnent toujours. Bref, une valeur sûre. Il reste parmi mes préférés dans le style (mais apres Rusty Zinn, quand même....). Et bien sur scène, c'est pareil. La générosité, le plaisir de jouer et la fantaisie en plus. Rythmique ou solo, ça sonne grave, facile, juste ce qu'il faut, toujours dans l'esprit. Les Paul ou Strat, ça sonne. Il m'a littéralement bluffé. Maintenant que je l'ai vu, je sais.

Idem pour le petit "nouveau", Troy Gonyea. Avec sa gueule d'ange et sa guitare sur les cuisses, l'air de pas y toucher, my God! Mais jusqu'où il va aller? Ca c'est sûr, le Kim, il sait s'entourer. Il a un jeu plus texan que Watson, avec sa Telecaster. Mais là aussi, rythmique ou solos, rien à dire. Quel vocabulaire et quelle culture,....pour son âge. Quelques plans accrochent, ça et là, jeunesse oblige sûrement, on est sous le charme de son jeu. Même Junior Watson fait la moue par moments, l'air de dire : " Mais où il est parti là, arrêtez-le !" Ou bien : "Vous avez vu le p'tit jeune....!?!!". Ca fait rêver....

Gene taylor, lui, fait merveille au piano ou à l'orgue. Un jeu ultra-blues, comme les grands maîtres de l'instrument, sachant être discret ou présent quand il faut. Puis, quelle allure, avec son cigare ! Il part en backstage, revient, rigole, s'amuse. Que du bonheur.

Que dire de Richard Innes, le "Fred Below blanc", et de Ronnie James à la rythmique. Rien, ou plutot si : LE REVE...

Avec de tels talents à ses côtés, ça ne peut que marcher. Ca, Kim Wilson l'a compris. Il laisse s'exprimer chacun des musiciens, alternant les solos, à droite, à gauche. "Vas-y, fais nous plaisir!". Et ça le fait. Ca rebondit de partout. On ne peut qu'adhérer à cette énergie, cette générosité et cette envie de jouer. Un rappel, deux rappels, trois rappels (avec Paris Slim et Greg "fingers" Taylor). Mon Dieu, mais c'est déjà fini??? Non, encore, please......Une seule chose à dire : Merci à Kim Wilson et à la Kim Wilson Blues Revue!!!

Comment mieux clôturer la journée et le festival? Nous n'avons pas regretté le déplacement. Loin de là. Globalement, très bon. Mention spéciale, quand même, à Mojo Buford et à Kim Wilson. Même Sophie et Laetitia, un peu soucieuses au départ puisque ne connaissant pas très bien les artistes, sont restées enthousiasmées et scotchées par tous ces concerts. Henri Mayoux (Blues Feelings) n'a pas decollé de la journée de devant la scène, et il a bien fini ses 72 pellicules. Va y avoir de supers clichés.

Bref, on est repartis bien épuisés mais avec des images et des sons pleins la tête. Pour une première, pas de regrets. Merci au Spring Blues Festival. Et, à l'année prochaine......

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