La Gazette de GREENWOOD
n°47 (Novembre 2002)

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L' héritier du Piedmont Blues:

Larry Johnson
Hey John, Where Did You Get that Sound ?

date: 28 octobre 2002
de: Stagolee <stagolee@club-internet.fr>

Larry Johnson est aujourd'hui certainement un des plus grands représentants de l'East Coast Blues (j'aurais presque pu écrire " du blues tout court ", mais j'en connais qui diraient que je m'emporte !). C'est en partant " à la Recherche d'Alec Seward " (voir LGDG n°40) que j'ai aperçu son nom pour la première fois. Quelques clics plus tard … la vie devint soudain plus belle : j'avais découvert Larry Johnson…

Larry Johnson
New-Orleans Jazz Heritage Festival
1er mai 1997
© Danny Garçon, Soul Bag
Larry Johnson, New-Orleans Jazz Heritage Festival
(1er mai 1997 © Danny Garçon, Soul Bag)

Avoir eu pour maître le Rev. Gary Davis, que Larry Johnson a cotoyé plus de douze ans, est certes un gage de qualité. Maître ? Non, le mot n'est pas approprié, car la relation Gary-Larry fut bien plus qu'une relation professeur-élève : Gary Davis fut un père pour Larry Johnson, voire une mère poule… On sait que c'est Alec Seward, alors qu'il se rendait chez Gary Davis pour essayer de le convaincre d'enregistrer un disque avec lui, qui présenta Larry Johnson au révérend en 1959. En fait, cette rencontre faillit bien ne pas avoir lieu, car ce fut sur l'insistance d'Alec, qui souhaitait être accompagné pour aller dans le Bronx où habitait Gary Davis, que Larry accepta de se rendre chez ce vieux guitariste dont le nom ne lui évoquait rien.

"Lightnin' était puissant"

Larry Johnson est né à Atlanta (Fulton Co, Georgia), le 15 mai 1938, de Leo Johnson et Thelma Prichett. Alors qu'il est âgé de deux ans, sa mère décède et son père déménage pour Wrightsville (Georgia, 150 miles au Sud-Est d'Atlanta) (ou Riceville, 100 miles au Sud-Est d'Atlanta ?), confiant son éducation à sa grand-mère. Très vite, le jeune Larry accompagne son père, ancien métayer devenu prêcheur itinérant, qui va de ville en ville, parcourant le "circuit" gospel du Sud-Est.

Evidemment, il baigne dans une ambiance religieuse et gospel, et il n'est pas question d'écouter ou de chanter chez lui la musique du diable. Mais le révérend Leo Johnson prêche le dimanche matin et, pour cela, il arrive souvent dans les villages le samedi soir. C'est là que le jeune Larry entend les musiciens de blues locaux ainsi que les 78 tours de leurs hôtes. A cette époque, dans les années 1940, les disques de Blind Boy Fuller et de Lightnin' Hopkins tournent encore dans les juke-box ou sur les Victrola privés. C'est en fait d'une oreille distraite, alors qu'il joue dans la rue avec des amis de son âge, que Larry entend ces airs. Il ne le sait pas, mais cette musique le marquera de façon indélébile !

Adolescent, Larry commence à jouer de l'harmonica mais il lorgne déjà sur la guitare, car ce sont les joueurs de guitare ou de piano qui sont les vedettes : "Quand j'étais jeune, les joueurs d'harmonica n'étaient pas les stars, à proprement parler, jusqu'à ce que Little Walter arrive". Il joue un peu d'harmonica, il chante un peu, il prend parfois la guitare d'un ami, mais sans vraiment prendre ça au sérieux.

Dans les années 50, comme tous les jeunes noirs-américains de son âge, Larry Johnson écoute les Clovers, les Midnighters, Chuck Berry, Muddy Waters … mais aussi Lightnin' Hopkins qui le marque profondément : "Son blues me plaisait. Sa voix était puissante, son jeu était puissant […] Lightnin' était puissant". Et pour le jeune Larry, c'est important d'être fort, comme Randolf Scott dans les westerns ou Duke Ellington et Nat King Cole en musique!

En 1955, Larry part pour Okinawa faire son service militaire dans la Navy. C'est là qu'il commence à jouer un peu de guitare pour lui-même, sans autre arrière-pensée que celle de pratiquer un hobby. De retour à la vie civile, en 1957, il passe quelque temps à Chicago où, bizarrement, il n'a aucun contact avec l'activité trépidante du blues dans la Windy City. Il revient ensuite à Atlanta, où il trouve la ville changée. En deux ou trois ans, ceux qui faisaient du blues ont disparu, l'ambiance des nuits a changé… Larry se sent étranger à cette nouvelle façon de vivre : le Sud qu'il avait connu a disparu, il est perdu au milieu d'une foule qui va dans une direction qui ne lui plait pas, car contraire à ce qu'il a appris jusqu'ici.


Blind Boy Fuller


Lightnin' Hopkins

Le Blues comme réconfort…

Il quitte alors sa ville natale dans l'espoir d'une nouvelle vie à New York et retrouve en effet, à Harlem, un milieu qui lui est familier et vers lequel son tempérament le porte. Là, il se trouve tout de suite à l'aise, car il retrouve l'ambiance du Sud-Est des Etats-Unis, de sa Géorgie natale : "Si tu n'étais pas du Sud, tu n'étais pas de Harlem. Etant du Sud et aimant le blues, j'étais juste dans le coup!".

Mais Larry est gêné par son faible niveau d'études et il partage peu les goûts et les désirs des autres de son âge. Il n'aime pas la foule et devient solitaire, se réfugiant dans la musique. Heureusement, il se lie d'amitié avec Sticks McGhee, pourtant plus âgé que lui. Grand et élégant, Sticks représente le new-yorker que Larry veut devenir. Et surtout, Sticks a cet esprit du Sud que Larry recherche.

Grâce à lui, Larry intègre un groupe d'amis tels que Sonny Terry, Brownie McGhee et surtout Alec Seward chez qui il vivra un moment. Ces gens-là ont vingt à quarante ans de plus que lui, mais il se sent à l'aise avec eux. Les "vieux" l'aident à se frayer un chemin dans la vie, lui indiquant comment et où trouver du travail. "Vous devez comprendre que je ne recherchais pas la musique, je recherchais des relations […] La musique, là-dedans était une consolation, un réconfort".

Le soir, Larry retrouve ses amis dans des parties privées ou dans les quelques clubs qui programment encore ce vieux country-blues de la Côte Est, le Piedmont Blues, en pleine perte de vitesse. Bien que pratiquant un peu la guitare et l'harmonica, il ne vient même pas à l'idée de Larry d'essayer d'en vivre. Personne ne peut prévoir que, dans moins de deux ou trois ans, le Folk Boom va donner un nouveau souffle au country-blues.

C'est dans ce contexte, en 1958, que Larry Johnson escorte Alec Seward dans le Bronx, pour aller chez un certain Reverend Gary Davis qui, à soixante ans, pourrait être son grand-père.

Sticks McGhee
Sticks McGhee

Alec Seward
Alec Seward

L'héritier du Piedmont Blues

Gary Davis est très heureux de revoir son ami Alec Seward, mais il refuse tout net la proposition d'enregistrer un disque. Par contre, il trouve le jeune homme qui accompagne son ami bien sympathique et le courant passe tout de suite entre eux. Evidemment, ils parlent du Sud et du blues qu'on y joue. Larry cite Blind Boy Fuller comme étant un de ses musiciens préférés, notamment pour le titre Step It Up And Go.
- Oui, c'est moi qui lui ai appris, lui annonce Gary Davis en souriant.
- You're crazy !!, ne peut s'empêcher de s'exclamer Larry.

Mais il tombe sur les genoux quand il voit Gary prendre sa guitare et interpréter magistralement le titre fétiche. Larry apprend alors qu'il a déjà maintes fois entendu la guitare de Davis, en tant que deuxième guitare sur certains enregistrements de Fuller!

C'est le début d'une profonde amitié entre le vieux prêcheur aveugle et le jeune sudiste un peu perdu dans la grande ville. Le Rev. Gary Davis le prend sous son aile et lui apprend beaucoup de choses, beaucoup plus que la simple technique de la guitare : "Si je t'enseigne chaque chose, tu n'apprendras rien", lui dit-il, lui signifiant que c'est à lui-même de trouver sa voie.

Larry n'est pas un élève parmi tant d'autres du guitariste génial. En fait, la guitare et la musique sont même annexes dans leur relation: "C'est un aveugle qui m'a montré la voie". Larry lui rend visite aussi souvent qu'il peut, mais toujours en dehors des cours que celui-ci donne. Ils parlent pendant des heures et, pour se détendre, Davis aime entendre Larry jouer de l'harmonica pendant qu'il égrène des notes sur sa Gibson acoustique. "Pourquoi ai-je cet intérêt pour le Blues?", demande un jour Larry à Gary qui lui répond : "Parce que tu es un de ceux qui en ont hérité".

Ce n'est qu'au bout de six ou sept mois que Davis commence à montrer à Johnson quelques positions d'accords. Mais en fait, celui-ci ne cherche pas à apprendre à tout prix la technique de Davis (il préfère l'écouter, raconte-t-il ) et il se forge un style propre.

Bien sûr, son jeu est imprégné de celui du maître et, comme lui, il pratique le picking avec seulement deux doigts de la main droite (pouce et index), mais il puise aussi ses influences dans tout ce qu'il a pu entendre depuis son enfance. Les guitaristes de Piedmont Blues (Fuller, Blind Blake et tant d'autres), mais aussi les Texans Blind Lemon Jefferson ou Lightnin' Hopkins, ainsi que le pianiste Fats Waller dont la façon de jouer la ligne de basse l'impressionne au plus haut point. Dans le Sud, Larry Johnson a connu les pianistes de boogie woogie, mais c'est à New York qu'il découvre le piano stride de Waller et James P. Johnson. Tous les ingrédients sont là pour que Larry Johnson développe son "Stride Picking".

Larry Johnson le reconnaît lui-même aujourd'hui : ce n'était pas banal pour un jeune noir-américain de l'époque (fin 50, début 60) de se passionner pour le blues acoustique, le ragtime blues et le Piedmont Blues, à une époque où les jeunes gens de son âge idolâtraient les bluesmen électrifiés tels que BB King ou Muddy Waters.

A vingt ans, Larry Johnson ne se rend pas compte qu'il vit la fin d'une époque, que les clubs où il commence à jouer (Baby Grand, Palm' Cafe, Club Baron, Small's Cafe) sont en perte de vitesse, tout comme le style de musique dans lequel il se lance. Il ne s'en rend pas compte, mais ça lui est égal car c'est cette ambiance et ces gens qu'il aime.

Gary Davis
Rev. Gary Davis

Fats Waller
Fats Waller

Larry, tu peux vraiment jouer maintenant…

Et puis, presque soudain, arrive le Folk Boom qui fait revenir, entre autres, le country blues sur le devant de la scène. Ce sont les mêmes acteurs, juste un peu plus vieux, mais le public a changé : ce sont maintenant des blancs qui se passionnent pour cette musique qu'ils découvrent. La scène aussi a changé, il s'agit maintenant des bars de Greenwich Village. Larry Johnson dira plus tard : "J'ai un message à donner, et si les blancs l'écoutent, c'est bien".

En 1961, Larry Johnson participe à l'enregistrement de Blues for 9 Strings de Big Joe Williams! Il y joue de l'harmonica et on pourrait se demander pourquoi Larry Johnson a été choisi pour accompagner le bluesman du Delta, si on ne remarquait pas que ce disque a été produit par Pete Welding, celui-là même qui cherchait quelques années auparavant à associer Alec Seward et Gary Davis, provoquant involontairement la rencontre de ce dernier avec Larry! En tout cas, ça prouve que Larry Johnson est déjà dans le circuit, mais c'est le 45 tours produit par Bobby Robinson (1962) où il interprète, Catfish et So Sweet, seul à la guitare et au chant, qui marque certainement le départ de sa carrière professionnelle dans la musique. Larry joue alors énormément, il enregistre Presenting the Country Blues en 1964 (mais le LP ne sortira que 5 ans plus tard) et il s'associe avec Hank Adkins pour former un duo de blues acoustique qui se produit dans les clubs folks de New York. Le duo enregistre le LP The Blues / a New Generation (1965), produit par Samuel Charters qui dira plus tard combien il était intéressant de voir, en plein blues revival, de jeunes noirs-américains du Sud perpétuer les traditions de l'Old Blues. Ce disque, composé exclusivement de titres de Larry Johnson montre déjà la grande maturité du chanteur-guitariste.

La même année, Larry Johnson joue de l'harmonica sur le fameux Creepin' Blues de son ami Alec Seward, où le duo Seward-Johnson fonctionne à merveille sur huit titres, Larry semblant appuyer ou répondre à chaque phrase du chanteur. Puis, en 1966, Larry accompagne à nouveau Big Joe Williams à l'harmonica sur Studio Blues , avant d'enfin enregistrer avec son mentor le Reverend Gary Davis, en 1969, pour le LP O Glory.

Si Larry apparaît comme sideman en temps qu'harmoniciste auprès de ses prestigieux aînés, il continue à se produire comme guitariste. Il racontera plus tard une anecdote sur un concert en première partie de Howlin Wolf. Ce concert était évidemment un événement dans sa vie et il s'entraîna à la guitare pendant des mois pour être le meilleur ce soir-là. Mais une fois sur scène, dès les premières notes, une ampoule est apparue sur son pouce droit, l'empêchant de s'en servir normalement et l'obligeant à tout jouer au ralenti! Les spectateurs qui le connaissaient se sont bien demandés ce qui lui arrivait, mais il a reçu les félicitations du Wolf: "Tu sais, jeune homme, je t'apprécie vraiment, tu n'as pas essayé de me surpasser et d'accaparer le show…". Howlin Wolf ne sut jamais que l'attitude de Larry Johnson ne devait rien au respect ou à la modestie, mais à une ampoule crevée au bout d'un doigt! Depuis ce jour, Larry joue exclusivement avec des onglets.

Au printemps 1969, Larry Johnson fait l'ouverture de Gary Davis et de Son House pour l'Electric Circus. Le label Blue Goose le repère à cette occasion et lui fait enregistrer, en 1970, le LP Fast & Funky. "Larry, tu peux vraiment jouer maintenant!", s'exclame Gary Davis en écoutant le disque! Cet opus, malheureusement très rare (bien qu'il ait été réédité en CD), est salué par la critique et Larry Johnson connaît alors un succès grandissant.

Il tourne en concert dans tous les Etats-Unis, devenant un habitué des festivals, et même en Europe (Angleterre, 1970). En 1974 sort Country Blues, enregistré en 1971 avec John Hammond Jr à l'harmonica et à la slide guitare. Ce disque, réédité en CD sous le titre Midnight Hour Blues, ne fait aucune concession aux évolutions de l'époque et nous sert un country blues tel qu'il était joué vingt ou quarante ans auparavant. Il a pourtant été enregistré chez Sherman Fairchield, inventeur et industriel de l'aviation, grand amateur de jazz qui possédait un studio ultra sophistiqué! Quelle complicité entre Larry Johnson et John Hammond : parties d'harmonica déchirantes et slide rustique accompagnent le picking rythmé et le chant assuré reprenant Blood Red River, Mama-Less Rag (ne serait-ce pas Blind Boy Fuller qui s'écrie " Yeah ! " par moments ?!), Nobody's Biz-ness, Tell Me Mama,... Et il paraît que les deux musiciens ne s'étaient jamais rencontrés avant cette session!

Larry Johnson apparaît dans plusieurs films : un court métrage "Larry Johnson" (1970), Say Brother (1970, chaîne TV inconnue), Black Roots (avec Gary Davis, 1970), Blind Gary Davis (film français, 1972), Philadelphia Folk Festival (PBS-TV, 1973), Tought It Out (PBS-TV, 1976). [ NDLR : inutile de vous dire que l'auteur de cet article, qui n'a visionné aucun de ces films, serait intéressé par toute information !]

En 1973, on le voit avec Doc Watson et Living Blues lui consacre un article (printemps 1974) ainsi que Sing Out Magazine (juillet/août 1974).

Blues for 9 strings



the blues / a new generation



O Glory



Midnight Blues



Wait a minute…

Mais tout semble aller trop vite pour Larry. Il s'aperçoit qu'il ne maîtrise absolument pas la tournure que prend sa vie, il connaît le désenchantement du business, les déceptions et les mensonges. " Wait a minute… " Ce n'est pas ça qu'il veut… Il est arrivé à New York pour survivre, pas pour être happé par le blues ou quoi que ce soit. Il a été très marqué par la fin de la vie de Gary Davis, qu'il a vu vieillir progressivement au moment où lui entrait dans la force de l'âge… Il se retrouve seul, ses amis du début sont morts … Le country Blues, cette musique qui est en lui et qu'il continue à chanter imperturbablement, est de moins en moins prisé… Il décide de quitter le circuit.

Il ne joue et ne chante plus que pour son propre plaisir, et ce n'est que très occasionnellement qu'il réapparaît en public. Avec Natt Riddles, il enregistre tout de même en 1982 Johnson! Where Did You Get That Sound?, puis Basin free en 1984. Adam Gussow se souvient de les avoir vus jouer ensemble : "[…] Il y a des talents exceptionnels ici à New York : des mecs comme Larry Johnson, avec qui jouait Nat Riddles, un guitariste extraordinaire, très carré, […] des types qui sont non seulement de super musiciens mais aussi qui innovent… ".

On ne peut pas parler de traversée du désert, mais plutôt de retraite volontaire d'un homme hors du commun, qu'on imagine sensible et empreint de philosophie. S'il n'a pas complètement disparu pendant deux années, comme un certain Robert Johnson, sa relative absence de la scène aura duré près de 15 ans. Pas de diable rencontré à un carrefour, mais une pratique constante de la guitare fait que son jeu a évolué : "J'avais la technique sans l'expérience. Maintenant, j'ai l'expérience et la technique".

Au début des années 1990, Larry Johnson joue au Terra Blues (NY) et c'est là qu'en 1996 l'entendent deux membres de la Baltimore Blues Society. C'est le choc pour eux de redécouvrir Larry Johnson, car certains le disaient mort. Ils décident de rééditer Fast & Funky.

Larry Johnson

Une sorte de blues différent d'une sorte d'artiste de blues différent

A partir de ce moment-là, Larry Johnson est prêt à reprendre la route et, en juin 1999, il enregistre Blues For Harlem pour le label Armadillo (enregistré à Buckingham, Angleterre). Ce disque est une pure merveille, fruit de l'évolution du jeu de Larry Johnson, comme en témoigne l'incroyable titre Mr Johnson Sound. A l'âge qu'avait Gary Davis quand il l'a rencontré, Larry Johnson lui rend, près de quarante ans plus tard, un poignant hommage au travers notamment de The Reverend And Me, medley de trois titres (Swing Low Sweet Chariot, Give Me Back Me Glory, Death Don't Have No Mercy) qui racontent tout ce qu'il lui doit. Larry Johnson a troqué sa guitare acoustique pour une électrique demi-caisse qui donne un son incroyablement chaud à son jeu, comme sur Hear The Angels Singing, gospel blues éblouissant où la voix et la guitare de Larry, très lègèrement soutenues par l'orgue de Bernie Mardsen, vous convaincront à coup sûr au fait que vous écoutez là un chef d'œuvre ! Un seul autre instrument intervient dans ce disque, c'est l'harmonica de Ian Briggs, pour un unique solo sur le très enlevé My Story Should Be Told. Le titre Blues For Harlem, est un instrumental au tempo lent où Larry Johnson abandonne son stride picking pour un jeu "note à note"… à déguster note après note sans modération. L'héritier du blues de la Côte Est nous ravit par toute son expérience : les reprises d' Arthur "Big Boy" Crudup (Mean Ol' Frisco, That's All Right Mama), Gary Davis (Bank Of The River, Sally), Richard Jones (Trouble In Mind, Things I Used To Do) ou les traditionnels (Jesus Loves Me, Don't You Leave Me Here), tous revisités par sa redoutable technique de stride picking.
Ce disque est assurément le retour d'un génie du blues dont le jeu et le chant ont incroyablement mûri. Ce n'est pas du Gary Davis : c'est du Larry Johnson, au chant chaud et sincère qui vous hypnotisera. La technique est devenue secondaire, surpassée par ce qu'il faut bien appeler un énorme feeling.
Blues for Harlem

Changement de ton avec Two Gun Green, enregistré en 2001, où Larry Johnson joue avec Brian Kramer et les Couch Lizards. Batterie, contrebasse, harmonica et slide guitare accompagnent dans ce disque celui qui subjugua, seize ans plus tôt Brian Kramer qui joua souvent avec lui au Dan Lynch Cafe (New York). Là, n'ayons pas peur des mots, on a un disque qui déménage ! "Une sorte de blues différent d'une sorte d'artiste de blues différent", écrit Samuel Charters dans les notes de pochette : on ne peut être plus clair! Enregistré entièrement en direct, voici donc quarante-cinq minutes d'une session qui dura six heures. Si vous avez le blues, un seul remède : Two Gun Green … Ce titre, avec ses riffs de guitare et d'harmonica vous fera entrer dans un état proche de la transe, dont Back To The Groove et Midnight Train ne vous aideront pas à sortir!
Brian Kramer (slide) a appris de Larry Johnson que la musique est un "serious business", devise qu'il a visiblement transmise aux Suédois du Couch Lizard, Mats Qwarfordt (hca) et Pa Ulander (b), et à l'excellent batteur de blues Jim O'Leary. Du blues le plus rude (I Used To Be Down) au gospel le plus traditionnel (Old Time Religion), tout le talent et l'expérience de Larry Johnson sont mis en exergue.
En 1980, Brian Kramer avait entendu Larry Johnson chanter Charlie Stone, chanson qui changea sa vie (rires de Larry). Larry nous explique que c'est une des premières chansons qu'il a composée, à 22 ou 23 ans, à l'âge de pierre (rires de Larry), et nous la joue en solo… Et quand il demande à la fin à réécouter ce morceau, on obéit : on réécoute!

Larry Johnson, l'héritier du Piedmont Blues, nous prouve que le blues de la Côte Est n'est pas une musique de musée. Laissez-vous envoûter par ce bluesman hors du commun !

Two Gun Green





Discographie :

Larry Johnson Apparait sur :

Des titres de Larry Johnson apparaîssent également sur diverses compilations.

Sources :

Larry Johnson : discography ( http://www.wirz.de/music/johnsfrm.htm )
Larry Johnson, biography, Steve Cheseborough - Living Blues #145 (http://www.bluearmadillo.com/)
Interview by S. Nelson of Larry Johnson (http://www.worldmall.com/wmcc/kcblues/kingpin1.htm)
Bluesman Johnson improves with age, By Elijah Wald, Boston Globe: February 8, 1998 (http://www.oafb.net/onceblu1.html)
Larry Johnson's, Stereo Review by Chris Albertson (http://www.oafb.net/larry/Larrysite1.html )
Larry Johnson, 10th Annual D.C. Blues Society Festival Profile (http://www.dcblues.org/articles/ljohnson.html)
A la Recherche d'Alec Seward, La Gazette de Greenwood n°40 (février 2002), (http://www.gazettegreenwood.net/an2002/n40/numero40bis.htm#seward )
Interview d'Adam Gussow, mars 98, Benoît Felten, Planet Harmonica (http://www.planetharmonica.com/ph2/VF/interviewAGFR.htm )
Midnight Hour Blues, Biograph CD 138, liner notes by Chris Albertson.
Blues for Harlem , Armadillo CD ARMD 00005, sleeves notes by Sheldon Harris
Blues for Harlem , Armadillo CD ARMD 00005, interview by Bernie Mardsen and Michael Roach
Blues for Harlem , chronique de Eric Doidy, Soulbag n°160 (automne 2000), p. 65
Two Gun Green , Armadillo CD ARMD 00013, sleeve notes by Samuel Charters
Two Gun Green, chronique de Robert Sacré, Soulbag n°167 (été 2002), p. 65
Two Gun Green, chronique de Georges Lemaire, Rollin & Tumblin' n°22 (juin 2002), p. 94

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