n°47 (Novembre 2002)
Tome 1:
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Tome 2
Tome 3
Tome 4
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Roscoe Chenier a le Blues! (Jazzpodium, Dordrecht) |
(photos de l'auteur)
Vendredi 11 octobre, tout de suite après avoir donné mon dernier cours, j'ai passé la frontière hollandaise pour me rendre à Dordrecht, une petite ville des Pays-Bas, à une vingtaine de kilomètres de Rotterdam. En effet, c'était pour moi l'endroit le plus proche où je pouvais aller écouter Roscoe lors de sa tournée européenne. Après 3 heures 1/2 de route éreintante, vu la circulation et les embouteillages, j'arrive en face du Jazzpodium DJS (voir coordonnées sur Bluzz ) vers 19 heures et bien entendu, il n'y a encore personne. Ca tombe bien, j'ai la possibilité de garer la voiture juste en face du club et j'ai une faim de loup! Je m'aventure au centre de Dordrecht et, malgré le froid qui me transperce, je ne peux m'empêcher d'admirer les canaux enjambés par de petits ponts de bois et le port encombré de bateaux et bordé de vénérables maisons de maîtres. J'avise un petit restaurant hollandonésien et après cet intermède qui ne manque pas de piquant, je rebrousse chemin vers le Jazzpodium devant lequel un couple est en train de discuter. Ils me saluent : "Dag!" (Bonjour!) et, poli, je leur réponds : "Dag!".
"Are you Mr Lemaire ?", me demande l'homme. Abasourdi par tant de clairvoyance, je suis bien contraint d'acquiescer. Voyant mon incompréhension, mon interlocuteur m'explique que mon accent m'a trahi! Il s'agissait en fait de Raymond et de sa femme Dora, les organisateurs de ce concert, et avec lesquels j'étais en contact par mails depuis quelques jours. Ils m'ouvrent la porte du club et me font découvrir les lieux : un bar, une scène avec son piano et quelques rangées de spots. Aux murs sont accrochées quelques superbes photos noir et blanc d'artistes de jazz et de blues. Bref, un vrai club! Je m'y sens tout de suite à l'aise, d'autant plus qu'ils installent une table autour de laquelle nous discutons et buvons quelques tasses de café qui parviennent à atténuer quelque peu les effets cuisants de mon repas. A 20h30, nous entendons une voiture s'arrêter devant la porte et Roscoe Chenier entre dans la salle. Dès qu'il m'aperçoit, il se flanque à rire et vient me serrer affectueusement dans ses bras. C'est bon de se revoir après autant de mois! Les patrons s'activent à présent derrière le comptoir et Roscoe me demande des nouvelles de ma famille. Quand je demande des nouvelles de ses enfants et de sa charmante femme, Patsy, qui est infirmière dans une maison de retraite depuis près de trente ans, je vois la figure de Roscoe s'allonger.
En effet, les nouvelles ne sont pas excellentes. Elles sont même franchement mauvaises!
Patsy lui a annoncé par téléphone que, peu après son départ pour l'Europe, l'ouragan "Lili" avait dévasté Opelousas et avait arraché la presque totalité de la toiture de leur maison! Tout était imbibé d'eau et dans un désordre indescriptible! Par chance, Patsy avait eu peur et avait déménagé chez son fils, si bien que personne ne fut blessé.
Oui, Roscoe a bel et bien le blues, ce soir. Franchement, il m'avoue qu'il redoute le moment de rentrer chez lui et de constater tout ce gâchis. Il est, heureusement, assuré contre ce genre de calamités, mais cela ne suffit pas à lui rendre le moral : sa maison ne sera vraisemblablement pas habitable avant plusieurs semaines …
Puis, nous parlons un peu boulot et il m'apprend que pour le moment, ça marche très fort pour lui, en Louisiane. En effet, sans compter les parties, les anniversaires et autres fêtes où il se produit à la demande, il a au minimum quatre concerts par semaine : deux à Lafayette, au Bob's Pub (104, Republic Ave.) et deux à Bâton Rouge, au Tabby's Blues Box. Voir le site de Jocelyn Richez.
C'est à ce moment que l'orchestre qui doit accompagner Roscoe entre et commence à installer le matériel et à accorder les instruments. Il s'agit du groupe T-99 qui accompagne Roscoe pour la première fois car son band habituel est déjà en tournée avec Boo Boo Davis.
T-99, Paul Orta m'en a souvent parlé car ils l'ont déjà accompagné. Mais C'est la première fois que j'ai l'occasion de les écouter.
Mischa den Haring à la guitare, Joost "Moses" Tazelaer aux drums et Thijs Gorter à la basse mettent leur art en commun pour constituer un mélange (d)étonnant, un cocktail de blues urbain, un rien jazzy mais proche des racines (http://www.t-99.coolbuzz.nl ).
A 22 heures précises, ils commencent à chauffer la salle qui s'est remplie pendant que nous bavardions. Après deux titres, Roscoe s'agrippe à une colonne et se hisse sur le podium. Il s'empare de sa Fender Squier Jagmaster et nous délivre sans désemparer Hide and seek, Hoochie coochie man, … deux sets d'une heure de swamp blues, de reprises de Lonesome Sundown qu'il affectionne spécialement car il l'a jadis accompagné. Beaucoup de couples dansent au pied de la scène et Roscoe se donne à fond. Je suis persuadé qu'à ce moment, il ne pense plus à sa maison ravagée, tout là-bas, au cœur de la Louisiane. A noter, un Stormy Monday très inhabituel, au tempo rapide et très efficace car inattendu. Après un rappel bien mérité, Roscoe descend du podium et signe de nombreux autographes.
Il a les traits tirés, mais son public lui montre beaucoup de reconnaissance. On vient le trouver, le féliciter, lui poser des questions auxquelles il répond bien volontiers.
La Jazzpodium se vide petit à petit et Roscoe et moi nous nous réinstallons à notre table pour savourer les derniers moments passés ensemble. Il me fait part de sa lassitude. En effet, cette tournée est assez éprouvante en ce qui concerne les déplacements. Jugez-en plutôt : deux concerts en France, puis un en Italie. Ensuite, retour en France. Deux concerts aux Pays-Bas, puis un en Autriche. Il se rend ensuite en Allemagne pour deux autres concerts et sa tournée se termine en Angleterre où il donne une série de quatre spectacles. Tous ses déplacements se font en camionnette et il traverse la Manche en bateau. Ces milliers de kilomètres parcourus peu confortablement sont une rude épreuve, sans compter qu'après le spectacle, il doit encore regagner son hôtel qui est parfois assez éloigné. Par exemple, après ce concert donné à Dordrecht, il doit encore faire la route jusqu'à Amsterdam pour rejoindre son hôtel!
Il est déjà 2h30. Pratiquement vide, hormis quelques attardés, la salle retient encore l'écho du dernier disque qui vient de s'arrêter. L'ambiance vient de changer soudain. Il y a du départ dans l'air et nos verres sont vides. Mischa vient chercher Roscoe pour le conduire à son hôtel. Nous nous disons au revoir et surtout, nous nous souhaitons un très heureux anniversaire, à nous et à nos femmes respectives. Il faut savoir en effet que Roscoe et moi sommes tous les deux nés le 6 novembre et que Patsy et ma femme sont toutes les deux nées le 24 novembre! Comme chaque année, nous nous enverrons, à cette occasion, un gros colis de cadeaux gastronomiques et musicaux, entre autres, une copie NTSC de son concert à Dordrecht. Quand je lui envoie un film d'un de ses concerts, il me dit qu'il est très fier de réunir sa famille et ses amis autour de la télévision pour leur montrer un de ses concerts en Europe.
Il est temps pour moi de penser à prendre le chemin du retour et de remercier Raymond et Dora pour leur accueil très chaleureux, de les remercier surtout pour avoir bien voulu laisser le grand éclairage sur scène pour que je puisse filmer Roscoe, et ce malgré les protestations d'une partie de l'assistance.
Le retour vers Liège est beaucoup plus rapide qu'à l'aller, l'autoroute est pratiquement déserte et j'ai de quoi ne pas sombrer dans le sommeil : j'écoute le dernier CD de … Roscoe Chenier.
JOHN LEE HOOKER Tomek Dziano soirée blues du 24 ème festival international de jazz de Rive de Gier |
12 octobre 2002.
Les organisateurs du 24ème festival de jazz de Rive de Gier ont eu le nez creux en consacrant une thématique blues à un hommage au "Père du Boogie" disparu en juin 2001. C'est le musicien polonais Tomek Dziano, par ailleurs leader du groupe Street Blues qui, dans une ambiance intimiste, a délivré un set authentique, soucieux de respecter l'esprit - et la lettre - de celui qui restera l'une des figures dominantes de l'histoire du blues.
Ce globe trotter du blues européen, vivant entre Lodz et Lyon, explique que sa musique, souvent jouée sur un ou deux accords, vient des tréfonds de l'âme… Dès l'entame, sa voix sombre et poignante donne le la et le frisson! Sa version de I Still Love You plonge effectivement dans une atmosphère dramatique et intense, aux rythmes hypnotiques et lancinants. Lente descente dans le blues le plus primitif dans Big Boss Lady avec un accompagnement minimaliste à la guitare électrique, au son gras et bien sale, qui s'appuie sur des riffs secs et vifs. Un talent évident souligné par le réalisme et la simplicité de son mimétisme avec The Healer, lorsque cet adepte du foot stompin' martèle mécaniquement le sol de ses deux pieds comme sur le superbe One Scotch, One Bourbon, One Beer ou sur l'incontournable et inusable Boogie Chillum.
Sans esbroufe ni fioriture, Tomek Dziano instaure un climat atypique, harcelant et répétitif qui témoigne d'une réelle fusion avec son mentor. A l'acoustique, sa technique épurée distille un phrasé limpide et efficace. Ses murmures hookériens obsédants résonnent sans relâche comme pour faire un trait d'union intemporel avec son maître . Autant dire qu'il est urgent de découvrir ce spectacle ainsi que les compositions personnelles de ce talentueux bluesman qui est l'une des valeurs sûres du blues made in Pologne. Bravo à l'éclectisme " éclairé " des organisateurs du Rhino Jazz !
le site de Street Blues : www.multimania.com/streetblues/
à lire dans la Gazette de Greenwood:
La Cigale, Paris, le 5 octobre 2002. J'entrai pour la première fois dans cette salle du Boulevard Rochechouart ; une salle ovale, où dominent le rouge et un style un peu rococo, avec deux étages tout autour d'une scène largement éclairée où s'affairent encore quelques techniciens. 20h45 : la salle s'emplit rapidement, mais il reste des places juste devant la scène, face au trône royal que le "King of Rock'n'Soul" fait poser à chacune de ses apparitions. Ce trône, serti de pierres en toc, surmonté d'une couronne et tendu d"un tissu rouge vif, dans lequel deux fessiers pourraient facilement prendre place, a accueilli toute la soirée l'auguste séant de l'homme que tout le monde attendait... De retour d'un concert à Bruxelles, il se montrera particulièrement heureux de revenir jouer à Paris!
21h: le Roi n'a pas encore pris place: les musiciens présents entament une pièce funky de toute beauté, avec force cuivres et guitares. Alternent les solos: pendant que le chat n'est pas là... Deux guitaristes dont un adepte du style de B.B. King, un bassiste, un batteur, un pianiste, un organiste, trois cuivres (trombone, sax alto, ténor et baryton) ... et une harpe! donnent le ton de la soirée: délibérément Soul. Une énergie contenue mais prête à exploser à la moindre sollicitation. Après deux morceaux de chauffe, c'est bien lui qui arrive, précédé de sa fille choriste et d'un "entertainer", choriste lui aussi, l'aîné de ses fils, mais également chef d'orchestre et pourvoyeur de tasses de café bien chaud, ainsi que de bons coups de serviettes sur un crâne qui ne cessera de produire une sueur visible et abondante durant tout le concert: l'auguste crâne de mister Burke! Coiffé d'un bonnet vite lancé derrière lui, vêtu d'un large costume, lui-même surmonté d'une cape aux couleurs des rois de France époque Bourbons, bagues aux doigts et sceptre à la main, notre homme progresse vers son trône, acclamé comme il se doit par une foule enthousiaste. Beaucoup de jeunes, certains moins jeunes, tous fans convaincus; je ne reconnaîtrai aucune tête habituelle des concerts de Blues... Solomon n'est pas un homme imposant, il est plus que ça: on comprend ici ce que signifie un "patron"! Un physique démesuré: un homme non seulement très grand, mais surtout aux rondeurs impressionnantes... Popa Chubby aurait l'air à ses côtés d'un anémique! Il engage facilement la discussion avec le public, offre aux femmes des premiers rangs de magnifiques roses rouges, qu'il puise dans un vase bien garni posé à ses pieds. D'un geste rapide et précis, il imprime sans conteste toutes les subtilités des arrangements nécessaires à son répertoire: breaks impeccables, passages silencieux immédiatement exécutés, ponts, introductions rapides et enchaînements naturels des morceaux se feront dans un entente totale avec son groupe de 11 musiciens.
Le répertoire puise largement dans son magnifique album Fat Possum: Soul Searchin, Fast Train, Flesh and Blood, None of us are Free et surtout le fantastique Don't Give up on Me qui donne son nom à l'album. Un plaidoyer bien senti pour qu'on n'oublie pas son apport à la musique noire-américaine. Il nous explique cependant qu'il faut lire entre les lignes: ne me négligez pas, mais ne négligez pas non plus votre entourage, votre famille, vos amis, ceux qui vous font vivre ou vous donnent votre importance par leur amour et leur estime... Il y eut des incursions bienvenues dans les répertoires Soul classique, à travers deux medleys soigneusement choisis, qui firent revivre le répertoire d'Otis Redding, de Don Covay ou de Joe Tex. La dominante fut aux tempos lents, mais le Rock'n'Roll eut une place de choix vers la fin de ce trop court concert lorsqu'il reprendra Little Richard, et quand son choriste fera monter sur scène plusieurs dizaines (!) de spectatrices... et quelques spectateurs, pour danser et partager avec tout le groupe la joie d'être sur scène! La gent féminine occupe visiblement une large part dans la vie de Solomon Burke: son sourire enjôleur, ses coups de gosier, sa main tendue vers le public seront avant tout pour ces dames. Il ne dédaigne pas non plus partager son micro lorsqu'il s'agit de reprendre les refrains ou les chœurs de tous ces grands classiques et il consentira même à s'écarter de la liste pré-établie pour faire plaisir à un fan transi posté pile devant lui. Step Child, Diamonds, Proud Mary de Creedence, Judgement, Only a Dream auront raison du plus rétif des timides présents dans la salle. Ce fut un spectacle de grande classe, une communion totale, une éblouissant festival Soul à lui tout seul donné par un septuagénaire en grande forme malgré son embonpoint. Solomon Burke reste une référence dans le monde de la musique. Sa reconnaissance par les artistes non-catalogués Soul ou Blues (Tom Waits, Bob Dylan lui ayant notamment écrit les titres de son dernier opus) prouve, s'il en était besoin, que le talent à l'état pur n'a pas de frontières, et surtout pas celles des genres classiquement catalogués.
Après deux heures de ce show magistral mené de main de maître par ce fantastique Soulman, comment imaginer qu'une autre formation ait pu prendre la suite? Il y eut bien une première partie (un groupe pop (!) - je n' étais pas encore arrivé), mais pas de groupe suivant, nous ne sommes pas dans un Festival. Une transition serait inimaginable! Un concert émouvant et fort, puissamment évocateur de ce que peut produire un homme sincère et généreux, entouré de musiciens de grand talent. We'll never give up on you, Solomon!
Visitez le site de Solomon Burke: www.solomonburke.com/
Qui est Big ed Sullivan ?
Je suis New-Yorkais, j’ai 45 ans et je joue le blues depuis une vingtaine
d’années. Je suis actuellement en tournée et c’est la troisième semaine sur une
tournée de cinq semaines, réparties sur la France et la Belgique. Ca se passe
très bien.
Quand a commencé cette tournée ?
Le 12 septembre.
Vous
êtes guitariste, mais jouez-vous d’un autre instrument ?
Je joue de la guitare, de la lapsteel, de l’harmonica, et un peu de claviers.
Et vous préférez la guitare ?
Oui, la guitare et le slide.
Pourquoi avoir choisi la guitare ?
Pour les filles [rires].
C’est plus facile ?
Beaucoup plus facile.[rires] J’aime la guitare. J’ai toujours aimé la
guitare.
Comment définiriez-vous votre musique ?
C’est principalement du blues, du rockabilly, du rock, et du boogie. J’écris la
plupart de mes chansons, ce sont des compositions.
Vous pensez que c’est important de mixer ces styles ?
Oui, le blues est le début de tout ça. Le rock, le rockabilly, émanent du
blues. De même que le funk et le rhythm and blues. Donc, je joue 90% de blues
et le reste est un peu de rockabilly et de rock.
Qu’est-ce qui vous attire dans le blues ?
J’aime cette musique. C’est celle que je préfère car elle est très expressive,
chargée d’émotions, puissante, avec beaucoup de feeling. Bien plus que beaucoup
d’autres musiques. C’est de la vraie musique.
Vous pensez être un bluesman ou un joueur de blues ?
Assurément un bluesman. Je ne suis pas riche alors que j’ai fait environ 3000
concerts, donc je suis un bluesman [rires].
Y a-t-il une différence entre bluesman et joueur de blues ?
Oh oui, absolument. Quand je joue...je ressens ce que je joue. Quand j’écris,
je ressens ce que j’écris.
Qu’est-ce qui fait que vous êtes différent ?
Le feeling. Beaucoup de gens, lorsqu’ils apprennent à jouer de la guitare,
n’apprennent qu’à jouer des "licks", mais peu apprennent à jouer le
blues. Beaucoup de personnes jouent du blues mais ne sont pas des bluesmen.
On vous voit souvent jouer en slide. Pensez-vous que ce soit important pour
le blues ?
Le slide, c’est un style. Je ne pense pas que ce soit important pour le blues.
Vous pouvez être un très bon guitariste de blues sans pour autant jouer de
slide. Albert Collins, Albert King, B. B. King, Otis Rush, Buddy Guy, beaucoup
de guitaristes ne jouent pas de slide. Mais j’aime le slide. La plupart du
temps, en concert, je joue en slide car, pour attirer l’attention du public, le
slide est très important, c’est très expressif. Mais il faut que ce soit bien
joué parce que vous jouez plusieurs notes et pas seulement une note entre deux
autres. Comme lorsqu’on joue un "bend". Et ça, c’est très expressif.
Vous jouez du NYC blues. Quelles sont ses caractéristiques ?
D’après Popa Chubby, ce blues est plus dur. C’est du vrai blues, mais en un peu
plus dur. Parce que New-York est un ville rude, et ça se reflète dans son
blues. Comme pour le "vrai" blues, nous avons un scène blues non
négligeable qui est très forte. Il y a beaucoup de très très bons musiciens, et
en particulier des guitaristes. Vous pouvez le constater dans les albums
"Popa Chubby presents the NYC blues" 1 et 2. Ces guitaristes sont
très bons.
Ce style NYC blues est assez récent. Quelle est son histoire ?
New-York n’a pas une histoire du blues aussi longue que celle de Chicago, de la
Côte Ouest, du Texas, ou de la Louisiane. Mais il y a de très bons guitaristes,
venus du funk ou du rhythm and blues, et c’est ce qui fait aujourd’hui la force
de cette scène blues.
Selon vous, comment ce blues va-t-il évoluer ?
Popa Chubby nous motive à diffuser ce style à travers le monde, et c’est ce que
nous faisons. Et si cette scène blues s’exporte correctement, elle pourrait
avoir une influence sur le style d’autres pays.
Ce blues pourrait-il évoluer vers une musique plus électronique ?
Non.
Popa Chubby a produit vos deux albums. Quelles sont vos relations avec Popa
Chubby ?
C’est un bon ami et un ami de longue date. Je me rappelle que nous avions
l’habitude de faire des concerts dans une petite ville, il y a pas mal
d’années. Il vendait alors une cassette audio dont la jaquette était
manuscrite. C’était son premier enregistrement. Récemment, je lui ai donné ce
premier album qu’il avait fait sur cassette. Je l’avais retrouvé dans ma maison,
et il n’en avait aucun exemplaire.
Nous avons de bonnes relations, il est un bon producteur, il nous aide beaucoup
à New-York et fait de bonnes choses, même en France.
Comment est le public européen ?
Le public américain et français est un très bon public. Je pense que le public
français est nombreux et qu’il nous apprécie un peu plus parce qu’il n’a pas
souvent l’occasion de nous voir. Bien que je sois populaire en Amérique, à
New-York, peu de gens viennent me voir. Mais en France, beaucoup de gens
viennent me voir. Il y a 6 mois, je n’aurais pas pensé qu’autant de gens
viendraient. C’est un public vraiment sympa.
Et en Belgique, au Royaume-Uni ?
Je ne joue pas en Angleterre.
Et aux Pay-Bas ?
Non, pas encore. Mon album est ditribué en France et c’est ma troisième
tournée. Mais peut-être, lors d’une prochaine tournée, irai-je aux Pays-Bas.
J’essaierai de m’étendre de plus en plus.
Propos recueillis par Philippe Espeil le 3 Octobre 2002 à Toussieu
Big
Ed SULLIVAN était, ce jeudi 3 octobre 2002, en concert exclusif pour la région
lyonnaise au James Café de Toussieu. Ce café-restaurant nous offrait ce soir-là
une des personnalités du NYC blues actuel.
Lancé pour deux heures ininterrompues de concert, Big Ed a, dès les premières
minutes, annoncé la couleur. Guitare puissante, incisive, solos de guitare
endiablés, et slide sauvage. Parce que la marque de fabrique (du son) de Big
Ed, c’est le slide. Et il slide avec tout et n’importe quoi. Il faut faire
attention à ce qui traîne sur les tables.
Souffrant de la chaleur des projecteurs, il a d’abord utilisé une serviette
éponge, puis en allant dans la salle, il joua avec un paquet de cigarettes, une
carte de menu, un verre, un photophore. Ces extravagances furent l’occasion de
réaliser de longs solos de guitare, forcément extraordinaires, et dans ces
conditions, le public fut vite conquis. Il laissa même sa guitare au guitariste
de Diesel Dust assis dans la salle, et ce dernier nous a gratifiés d’un solo
très honorable.
Le show fut à la hauteur du bonhomme et l’ambiance (que je n’avais
personnellement jamais vue aussi survoltée au James Café) fut au rendez-vous.
Il reprit, pour la plupart, des titres de ces albums, comme "Stranded In
Vegas", "Run The Border", ou encore "I like The Night"
qui fut particulièrement entraînant. Les accompagnateurs de Big Ed, le bassiste
Francis CAMPELLO et le batteur Jean-Michel RIGER furent très bons eux aussi.
D’un haut niveau musical, ils étaient également imperturbables pendant les
longues promenades de Big Ed entre les tables du James. Francis, au chœur pour
certaines chansons, a été remarquable.
Musicalement, le jeu de Big Ed, à cause de ses élucubrations scéniques, est
certes un peu brouillon. Parfois le son n’est pas forcément agréable à
l’oreille et ce, quelle que soit la marque de bière gravée sur le verre... Mais
il faut reconnaître qu’en tant que guitariste, lorsqu’il joue plus qu’il ne
fait le show, il assure. Sa Télécaster customisée, il la connaît par cœur, il
fait ce qu’il veut avec et le prouve sans relâche. De plus, le blues est bien
présent. Plus que je ne l’aurais supposé au premier abord. Un blues proche du
rock, dur, comme il me l’avait décrit lors de l’interview qu’il m’a accordée.
Cependant un blues mieux inspiré que celui de Popa Chubby (fer de lance à la
mode du NYC blues), avec un feeling plus important, une inspiration plus
évidente. Même s’il n’a pas brillé dans un titre tel que "Thrill Is
Gone", il a fait mouche sur des blues-rocks énergiques et même les boogies
qui furent très dynamiques.
Cette soirée fut un grand plaisir pour le public qui était réellement
transporté par la musique et la présence scénique de Big Ed.
Pour le rappel, un harmoniciste de la salle fut invité, ajoutant encore à ce
côté blues qui est notre sujet de prédilection et qui fut bien représenté ce
soir-là.
Nous avons pu assister, au Havre, lors de la soirée de clôture de "Blues à Gogo", à un show assez équilibré entre la ruralité cultivée, le sens du feeling et le réel talent du chanteur-guitariste Fruteland Jackson que j'ai découvert hier, et la hargne juvénile de cette diablesse de Shemekia Copeland!
Le jeu de guitare de Fruteland est pur, généreux et brut de Blues, mais je serai plus circonspect concernant son jeu d'harmonica: sa façon d'en jouer me paraît faible et bien en-deçà de son talent aux 6 cordes... n'est pas Jimmy Reed ou Slim Harpo qui veut! Son répertoire fut varié, passant du Blues le plus traditionnel aux tempos les plus chaloupés, limite pop... seul, il faut le faire! Michel Rémond (de Meudon et Tremblay en France) et le magazine Soul Bag (représenté dans la salle par Dominique Fanger) eurent leur dédicace... et Sweet Home Chicago fut son morceau de clôture de set! Non content d'être un musicien attachant et accompli, Fruteland est également un adepte du web: communiquant avec lui depuis quelques semaines, lorsque je lui donne mon nom à l'issue de son trop court set (merci la pancarte "last song", c'était très élégant!), son oeil s'éclaire et les cartes de visite sont échangées... Fruteland Jackson, à l'instar de Keith B. Brown, perpétue avec énergie et finesse un blues pur, avec le talent et la fraîcheur des pionniers de la musique bleue... Bravo, Fruteland!
Shemekia Copeland a encore une fois sorti le grand jeu avec ses 4 musiciens dont le très remarqué Arthur Neilson à la guitare. Compagnon de route de la fille de Johnny depuis 1997, et accessoirement ami de Pobby Chupa ;-), son jeu de guitare se fit tantôt agressif, tantôt léger et mélodieux, accompagnant à merveille ou s'imposant sans ambages dans quelques solos bien sentis. Le duo Neilson-Copeland, le guitariste ayant troqué la Stratocaster contre un magnifique dobro, fut un grand moment d'émotion. Quelques bémols tout de même hier soir : l'aptitude vocale de Shemekia à grimper très haut la fait y rester parfois trop longtemps, au détriment de certaines nuances dont l'absence se fait surtout sentir lors des blues lents. Elle n'a pas des poumons de canari, la petite Copeland! Sa reprise de "Living on love" de Deborah Coleman fut juteusement orchestrée "à la manière de Shemekia", et fit oublier des faiblesses rockisantes de la version originale. Quelques nouveaux morceaux issus de son tout nouvel album "Talking to Strangers" (sorti officiellement chez Alligator le 18 octobre justement, mais aucun exemplaire n'était dispo!) manquent encore de rodage et de mise en place (cf. notamment les changements de tonalité un peu "casse-gueule" dans le titre-album), mais l'ensemble du groupe aura fait montre d'une belle énergie. Energie malheureusement peu communicative : le public du Havre, hier soir, était visiblement dans un mauvais jour, ne se levant qu'en toute fin de spectacle pour "Let the good times roll", à l'initiative du seul premier rang! La froideur du public n'avait d'égale que la ferveur de Shemekia à faire admirer son gosier, ce qu'elle fit a capella et pieds nus jusqu'en haut de la salle du théâtre, devant une majorité de quinquagénaires et sexagénaires médusés, apparemment peu coutumiers des "descentes" d'artistes de la scène. Ce moment inoubliable était d'ailleurs dédié à l'indéfectible mémoire de son bluesman de père, le grand Johnny "Clyde" Copeland... A l'issue de ce concert éprouvant, Shemekia m'accorda pourtant quelques minutes dans sa loge pour une petite dizaine de minutes d'interview dont la transcription en cours sera publiée sur le site de SHC et diffusée à l'antenne le 2 novembre prochain. Encore un détail: messieurs les responsables de la régie lumière, ayez pitié des photographes qui doivent travailler sans flash, et pensez à éclairer... et à suivre les solistes avant la fin de leur solo!
Une bonne soirée Blues donc, malgré ces quelques réserves... Chapeau au passage à Olivier Renault et à toute l'équipe de Coup d'Bleu pour l'organisation de ce 8ème "Blues à Gogo", qui allie chaque année concerts d'importance et petits gigs en bars, une soirée spéciale "bluesmen normands", des spectacles de qualité à l'Agora... et prépare pour le 30 novembre prochain un grand hommage à John Lee Hooker.
Personnel: Shemekia Copeland, vocals / Arthur Neilson, guitars / Jason Landayne, keyboards / Jason Langley, bass / Barry Harrison, drums
Fruteland Jackson: http://www.geocities.com/fruteland/
La nuit du blues de Salaise sur Sanne a eu lieu cette année, le 3 octobre.
L'affiche était encore une fois alléchante avec John Crampton, Brown Sugar et
Bill PERRY en tête d'affiche. Une sélection hétéroclite qui était susceptible
de plaire à tout public.
La
soirée débuta donc avec John Crampton, britannique de son état, et musicien solo
sur scène. Il chante, gratte une National steel de 1930, joue de l'harmonica et
frappe du pied sur une boite en bois. Pour avoir chroniqué récemment son
dernier CD, "Live'n Stompin' Vol.2", je savais qu'il fallait
s'attendre à une musique assez inhabituelle, surtout dans la façon de jouer de
la National steel.
Je ne fus pas déçu. En effet, bien que seul et assis sur sa chaise, ce bonhomme
se donne à fond dans son jeu. Il dégage une énergie surprenante et produit une
musique très dynamique. Je devrais dire très rythmique car, pour compenser le
manque de section rythmique, il frappe du pied sur sa caisse de bois plate et
produit ainsi un son sourd et puissant. Sa façon de jouer sur sa National est
également violente et l'harmonica sert d'accompagnement rythmique.
Doué d'une voix rauque, John Crampton chante le blues avec conviction, dans son
style, forcené.
Ce que j'écoutais en album, une fois projeté sur scène, m'a totalement conquis.
Ce fut le cas du public qui se trouva entraîné dans les rythmes quasi
obsessionnels de Crampton.
Ayant commencé par "Who's That Talking", John a joué la moitié des
titres présents sur son dernier album. Ainsi, "Million Miles", "Walk With The Devil",
"Baby Please Don't go", "Love To You" se sont succédé. Paradoxalement,
le morceau qui force le respect de la musique de Crampton, fut
"Raven", un instrumental aux sonorités espagnoles.
Le rappel s'est limité au standard "Pick A Bale Of Cotton".
La
deuxième partie, sans être une surprise pour moi, était celle dont j'attendais
le plus. Brown Sugar, ce groupe lyonnais est constitué notamment de Sandra
Mendengue, chanteuse dotée d'une très belle voix, et de Fred Brousse,
guitariste et harmoniciste talentueux.
Dès les premières notes, Fred a soulevé le public avec un instrumental
particulièrement enlevé. Pour un tour de chauffe, ce fut percutant. La musique
de Fred, c'est notamment son jeu de guitare qui est actuellement époustouflant.
Pour l'avoir vu jouer plusieurs fois avec toujours beaucoup de plaisir, j'ai
cette fois-ci était scotché par tant d'énergie. C'est clair, Fred a pris de
l'assurance dans ce groupe et n'hésite pas à se lâcher. Précis, plein de
feeling, le swing et le blues sont deux des ingrédients principaux de sa
musique.
Avec
Sandra au chant, ce duo s'amuse sur scène, se complaît dans des titres allant
du Chicago blues au swing jazzy, en passant par la soul et le rhythm'n blues.
La voix de Sandra est puissante, pleine de gouaille. Une voix à la Koko Taylor
et que l'on rencontre peu dans les jeunes groupes aujourd'hui.
L'accompagnement n'est pas en reste. Si le bassiste et le batteur sont restés
discrets pendant tout le set, ils n'en ont pas moins été efficaces, apportant
une rythmique sans faille.
Le claviériste Kouki Portellano est un autre très bon musicien, prenant des
solos inspirés et tout à fait appropriés.
Bref, ce groupe m'a fait une formidable impression. Des progrès notables (je
les avais vus au début de leur formation et c'était déjà très bien) les amènent
à un haut niveau de qualité. Ils ont développé un style bien à eux et nous ont
permis de passer un excellent moment.
Bill Perry n'avait plus qu'à bien se tenir. Après les deux parties précédentes,
il fallait pouvoir maintenir la pression. Cette grande personnalité du NYC
blues, courant blues-rock à la mode, empoignant sa Telecaster, nous a
administré un premier titre dans un style très hendrixien. Il a d'ailleurs
enchaîné sur "Little Wings" sur une Strat' blanche. Joué d'abord note
pour note, cette reprise a pris un tour plus personnel dès le premier solo.
Ainsi, Bill Perry a fait un show où la guitare était l'instrument principal.
Débordant d'énergie et de puissance, le blues-rock de ce New-Yorkais a fait le
bonheur des membres du public les plus rockeurs. Côté blues, je n'ai pas le
sentiment que le cœur y était. Le gros son et la virtuosité de cet excellent
guitariste ne suscitaient pas, ce soir-là, beaucoup d'émotions. Il faut dire
qu'après le jeu tout en finesse de Fred Brousse, les cascades de notes de Bill
PERRY m'ont paru bien peu chaleureuses.
Un petit moment de répit pour mes oreilles fut les titres où Bill a joué sur un
superbe dobro. Assis près de la scène, il s'est alors montré tout de même plus
intimiste et finalement, sa musique en est devenue plus intéressante.
Le rappel fut un hommage à Hendrix et c'est, je pense, ce qui est globalement à
retenir de sa prestation, même s’il est capable, il nous l’a montré, de plus
subtiles parties de guitare.
Cette année, contrairement à l'an dernier, mon passage aux Harmonicales de Condat sur Vienne (non loin de Limoges) a été bref (je n'ai pu assister qu'aux concerts du vendredi et du samedi soir) mais riche néanmoins !
Le vendredi soir se produisaient Distant Shore (le groupe celtique dans lequel officie Xavier Laune, du Mojo Band) et Sylvie Dubreuil accompagnée de David Chalumeau (dans un répertoire variété jazzy, "création" du festival.) Ces deux concerts n'ayant que peu à voir avec le sujet de cette liste [NDLR: la mailing list LGDG!], je ne vous en parlerai pas ici.
Par contre, le samedi soir voyait se produire successivement Keith Dunn (USA) en solo et le Lee Sankey Group (UK). J'avais contribué à mettre les organisateurs du festival en contact avec ces artistes. Donc, il était particulièrement intéressant pour moi de voir ces concerts d'harmonicistes longtemps admirés et souvent connus par mails interposés mais jamais entendus en live.
La soirée commence donc par Keith Dunn. Keith est un noir américain d'une cinquantaine d'années, assez massif et fleurant bon le "real thing" malgré son exil depuis de nombreuses années aux Pays-Bas. Cependant, imaginer quelqu'un, seul sur scène, avec ses harmonicas, son chant et ses pieds qui battent peut surprendre. Et pour tout dire, j'avais une petite appréhension avant le concert... Allait-il réussir à captiver le public ?
Keith se présente assez rarement en solo, entre autres parce que les publics réceptifs à une prestation forcément intimiste comme celle-ci sont rares. L'homme arrive donc sur scène avec une boîte en carton contenant ses harmonicas et nous explique avec un léger sourire aux lèvres que sa superbe mallette n'a pas résisté au voyage. Il s'assied ensuite et, après quelques mots, entame un premier morceau qui figure sur son CD : Strange Things Are Happening.
Etonnant de voir la magie s'installer en quelques secondes. La sobriété de cet harmonica et de cette voix puissante, tantôt lancinante, tantôt grondante est captivante, et un silence comme j'en ai rarement entendu s'est installé sur la salle de concert où plus de 250 personnes ont pris place. A la fin de ce premier morceau, quelques secondes de silence avant des applaudissements à tout rompre : on apprécie la musique, bien sûr, mais on acclame aussi la prouesse, car il y a quelque chose d'héroïque à faire ce que fait Keith ce soir-là.
Pendant près d'une heure, les morceaux s'enchaînent : compositions issues de son album solo (Geronimo, Kool Struttin', etc.) mais aussi quelques reprises (dont un superbe Bring It On Home). Pour avoir assisté Keith lors d'une interview à France Bleue la veille, je sais qu'il utilise des harmonicas dans des clés rarement usitées dans le blues, comme les fa # graves, par exemple. Il explique que pour lui, chaque tonalité a une couleur spécifique, et que ces tonalités-là sonnent particulièrement bien à ses oreilles. Je ne suis pas vraiment capable de juger de l'apport spécifique de ce choix, mais en tous cas, la musique est un délice. L'émotion, dans la salle, est palpable tout du long.
Finalement, Keith s'eclipse, mais il est bien vite rappelé par un public enthousiaste. Je suis particulièrement heureux de voir Lee Sankey et son chanteur Ian Seagal, pourtant pas des manchots dans leurs champs respectifs, rester jusqu'au bout, jusqu'à la dernière note, pour écouter le concert au milieu du public. On voit trop souvent les artistes bouder leurs pairs pour siffler du cognac dans les loges. Là, ils ont l'air plus que séduits. Keith dédicace son dernier morceau à Xavier Laune qui lui a fait visiter les caves de Limoges dans la journée et dont c'est l'anniversaire, et il termine donc par une reprise superbe de Walking by myself de Jimmy Rogers. Waouh !
Mais la soirée n'est pas terminée. Après une courte interruption, le Lee Sankey Group monte sur scène, avec un line-up classique : batterie, basse, guitare, chant et harmo, à ceci près que Lee Sankey alterne entre harmo et seconde guitare et que Ian Seagal a aussi sorti sa guitare au milieu du concert.
Par rapport au disque "My Day Is Just Beginning", le répertoire de la soirée est plutôt conventionnel, mais terriblement efficace. La première claque, c'est Ian Seagal. Imaginez Joe Cocker coiffé d'un béret, avec une voix capable de gronder comme celle du Wolf, de vous faire hérisser les cheveux comme celle de Muddy, et le tout agrémenté d'une présence scénique digne de... Joe Cocker justement : ce côté statique nerveux, qui bout intérieurement. Ca passe super bien, et les textes excellents de Lee Sankey sont vraiment portés par la voix de ce nouveau chanteur, malgré les appréhensions que j'avais pu avoir, ayant beaucoup apprécié le chanteur du disque David Midgen. C'est différent, mais non moins excellent.
Le guitariste (dont je n'ai pas retenu le nom) est sobre et efficace. Il sait faire monter la sauce. Et la rythmique est adéquatement solide. Lee passe deux tiers de son temps à l'harmo et, croyez-moi, il a un son gros comme ça. Je regrette une fois encore que les harmonicistes du circuit français ne se soient, pour l'essentiel, pas déplacés : les bonnes claques, ça fait toujours du bien...
Pour ma part, je m'éclate, même si je regrette un peu l'absence d'une partie du répertoire plus novateur de Lee. Je comprends que la présence à un festival d'harmonica l'a plus ou moins forcé à réorienter un répertoire qui n'en contient plus tant que ça (trois morceaux sur les 11 de son prochain album). Mais heureusement, vers la fin, nous avons droit à quelques morceaux de ce prochain opus, justement, et ça met vraiment en appétit ! Ce sera sans doute plus moderne encore que le précédent, mais pour ma part, ça ne sera sans doute pas un problème !
Enfin, vers la fin du concert, Lee prend quelques minutes pour décrire la claque qu'il a prise, lui, durant la première partie, en regardant Keith Dunn, et invite celui-ci à les rejoindre sur scène pour deux morceaux sur lesquels Keith et Lee se partagent l'harmonica et Ian et Keith se partagent le chant. Du coup, on a en bonus, Keith Dunn accompagné et amplifié, et on ne boude pas notre plaisir.
La soirée se termine tard et il y a encore de la route pour rentrer se coucher. Mais notre colistier Xavier et moi-même passons tout de même une heure agréable à parler de la soirée et sombrons dans le sommeil des justes, de l'harmo plein la tête. Une fois par an, c'est pas trop, et c'est bien agréable !
Lire aussi "Harmonicales de Condat 2001" ( LGDG n°37 )
Grosse soirée Blues, samedi soir à Tournon, avec beaucoup de monde (un des plus gros scores, en tout cas, plus de 500 personnes, je le répète, dans un minuscule village, ou le Tabac est à 25 kilomètres!)
Je dois dire que nous sommes rentrés à 7 heures du mat' (je ne conduisais pas, heureusement, car nous avons dû subir deux contrôles "musclés" sur le chemin du retour! ) Pas de blême le chauffeur (ce n'était pas mon tour!) n'avait bu que du coca, et même le chien "renifleur" n'a rien eu à dire!
Retour tardif, car à 4 heures du matin, Arnaud Fradin a sorti son dobro, et Phil Guy (soutenu par des chœurs magnifiques, c'est à dire une dizaine de copains - dont moi-même!) nous a fait un after mémorable! Quelle authenticité, et quelle gentillesse!
Phil est vraiment un grand, il n'a vraiment pas besoin qu'on lui colle l'étiquette du "frère de..." Il a malheureusement très mal été servi par ses accompagnateurs pendant son show! Quand j'ai vu qu'il était accompagné par des musiciens américains, je me suis mis à espérer que ce soient les musiciens de Chicago dont Jocelyn nous avait parlé!....
Hélas, ce soir, trois fois hélas, il s' agissait du Colin John Blues Band, que j'avais déjà eu l'occasion de voir sévir il y a deux ans à Cognac! Amis du Blues Rock "bourrin" et "sans âme", bonjour! Heureusement que Phil, à 2 ou 3 moments, a fait signe au gugusse d'en faire un peu moins, et de lui signifier que c'était lui le boss! Putain, si c'est frustrant! On a en face de soi un des plus grands (et je pèse mes mots!) talents du Chicago blues actuel, et puis ...pffff... Je crois que je préférais les gentils italiens (même si un peu "just"!) quand nous avions organisé Phil à Mont de Marsan en décembre 2001! Vivement une tournée de Phil (vivement aussi la sortie de son cd!!), avec de vrais musiciens de Blues!
De vrais musiciens de Blues, il y en a eu, et il en fallait (!) pour la première partie, assurée par Mojo Buford! Quand je dis qu'il en fallait, j'ai appris (à la grande surprise des accompagnateurs!) que, non seulement il n' y avait pas eu de balance, mais que dans l'après midi, Mojo s'était contenté d'écouter certains morceaux de Muddy sur cd, ou joués en acoustique par Arnaud...Il a dit : "Ouais, celui-là est bien, celui là aussi!" Le soir, et dès le premier morceau, il a décidé de jouer carrément d'autres titres! Si, à cette improvisation, on ajoute un sens de la mesure complètement fantaisiste, des morceaux "pris à l'envers", une tendance à parfois accélérer, à parfois ralentir, on comprend mieux ce que je veux dire par "accompagnateurs"! Heureusement que deux "énormes" spécialistes du Chicago Blues étaient sur scène, je veux parler d'Arnaud Fradin à la guitare, et de Julien Bruneteaud au piano! Mojo était d'ailleurs ravi de leurs chorus, et l'a fait savoir! C'était naturellement beaucoup plus chaud pour la section rythmique (j'ai eu, par moments, pitié pour le batteur!) et j'ai trouvé (c'était peut-être plus facile que pour le batteur ?) que Miguel Hamoun s'en sortait très bien à la basse!
Mojo Buford n'est pas un grand harmoniciste. Quand je lis un peu éberlué, sur LGDG, que des mecs avec 2 trous 1/2 arrivent à faire 3 octaves, et 7168 notes, que je vais voir des concerts de JJ M., ou de G. S., et que je fuis au bout de 20 minutes tellement je m'ennuie (manque d'émotion!), et bien OUI, Mojo Bufford n'est pas un grand harmoniciste! En plus, son répertoire n'est constitué que de "saucissons"!
Mojo Bufford n'est pas un grand chanteur! Sa voix est rauque, éraillée, trop de nuits, trop de clubs!
Alors, que reste-t-il ? Pas un grand harmoniciste, pas un grand chanteur, un répertoire "trop connu", pas le sens de la mesure, pas le sens du rythme (du moins, en dehors du sien!) …
ET BIEN, PUTAIN, IL Y A LE BLUES!!!
Quelle émotion, quel feeling, quel charisme, quel "allant" vers le public! A l'harmo (il a démarré avec un chromatique), il a un sens du contre-chant que l'on ne voit plus! Trop simple, trop "Muddy" sûrement! Sa voix est bouleversante d' émotion, et bien que l'on (enfin, peut-être pas tout le monde!) connaisse les paroles, et bien justement, l'émotion transmise par ce tout jeune homme de 72 ans n'en ressort que plus!
Je pense, en outre, qu' il ne doit pas avoir souvent l'occasion en Europe d'être soutenu par de tels accompagnateurs, tellement "imprégnés" du Chicago Blues...
J'ai passé (enfin, nous, car avec mon pote JP à côté, nous n'avons pas échangé un mot le temps du gig, ce qui est bon signe!) un excellent moment .... heu.....je veux simplement dire que c'était du Blues!
J'ai assisté hier à la 14ème nuit du jazz et boogie piano. Formidable festival ! Que de l'excellent!
Déjà, en arrivant, j'ai été impressionné par la beauté des deux magnifiques Steinway qui étaient sur scène; ça change des keyboards qu'on voit trop souvent... Les public était au rendez-vous, malgré le prix du billet assez cher : plus de 1000 personnes dans l'immense salle Equinox.
Ouverture avec une vidéo de Albert Ammons et Pete Johnson à 2 pianos : impressionnant! Puis, un pianiste que je ne connaissais pas (une grosse lacune! Surtout que tout le monde avait l'air de le connaitre) dont le nom devait être Gemsa qui a joué en solo et en duo avec JP Bertrand.
Ensuite, le jeune espoir du boogie woogie, le jeune (16 ans) anglais Jack Carter : grande dextérité, fluidité, vélocité, du swing, vraiment impressionnant.
Puis, vint le formidable pianiste belge Renaud Patigny avec son borsalino et son look rétro. Un côté spectaculaire et de l'humour en plus : excellent! Au final, il a joué en duo avec la pianiste de San Francisco, Caroline Dahl.
C'est ensuite à Carl Sonny Leyland de passer au piano, accompagné d'une excellente rythmique (Gilles Chevaucherie à la contrebasse et Stéphane Roger à la batterie). C'est non seulement un super pianiste mais aussi un super chanteur avec un répertoire qui, contrairement à ceux qui ont précédé, sort parfois des limites du boogie woogie pour jouer du blues (Jimmy Reed).
C'est ensuite au tour du grand maitre, peut être le meilleur de tous, l'Allemand Axel Zwingenberger. La grande classe, le pied intégral!
Pour suivre, c'est au tour de Caroline Dahl de nous enchanter avec son jeu d'une grande finesse, très fluide, bien dans la lignée des grandes pianistes du passé comme Dorothy Donegan, Hadda Brooks, Camille Howard, Helen Humes, Nellie Lutcher ou Cleo Brown. Rappel en duo avec JP Bertrand. Gros succès.
Puis, c'est au tour de JP Bertrand & de son septet, le Jumpin' Boogie Band. Je les avais déjà vus au Méridien. C'est vraiment excellent, je ne m'en lasse pas !
Pour finir, un grand boeuf avec tous les pianistes de la soirée : trois sur chaque piano! Très spectaculaire et idéal pour finir en beauté un tel festival! Une soirée exceptionnelle!
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