n°47 (Novembre 2002)
interview:
date: 30 octobre 2002
Egidio "Juke" Ingala
A Little Touch of Swing Blues from Italy…
de: Philippe Pretet <Philpretet@aol.com>
S'il est un nom qui rallie les suffrages dans le circuit européen de l'harmonica blues, c'est bien celui d'Egidio " Juke " INGALA. Sa performance avec Alex Schultz révélée dans deux récents albums qui feront date, a suffisamment retenu l'attention pour que la Gazette de Greenwood consacre à ce talentueux harmoniciste une interview qui permet de découvrir une personnalité posée et enthousiaste. Certainement, l'une des valeurs sûres du retro-swing sound made in Europe…
Egidio Ingala : Avant tout, je voudrais profiter de l'opportunité qui m'est donnée pour remercier vivement la Gazette de Greenwood. En effet, il est très important que les fans puissent venir me voir et écouter mes concerts. Un bon feeling avec le public est pour moi le meilleur aiguillon qui puisse être… !
LGDG : Egidio, commençons par le commencement …
EI : Je suis né à Milan. Ma carrière professionnelle a débuté en 1993 avec The Dirty Hands. C'est probablement le groupe qui a le mieux réussi à faire progresser le blues italien vers d'autres styles. A l'époque, on jouait un mélange de Texas Blues, de Swing et de Rock'n Roll. Le son était " neuf " et extrêmement novateur.
Nous avons débuté en 1993 avec un album intitulé " Dirty Hands " pour un petit label. Immédiatement, les amateurs ont aimé cette musique. Puis, nous avons enchaîné avec " XXX Hot Chili " en 1994 et " Four Cool Cats " en 1995.
En 1997, après une tournée de trois semaines avec Lynwood Slim, nous avons décidé d'enregistrer ensemble un nouvel album " Too Bad Die " avec The Dirty Hands. L'album a été coproduit par Lynwood Slim et Jerry Hall.
Après ces quelques années passionnantes avec The Dirty Hands, j'ai essayé sans trop de réussite de faire autre chose avec des musiciens américains.
Et puis, j'ai rencontré Alex Schultz qui est l'un des meilleurs guitaristes de la " West Coast Jump Blues ". Nous avons tout de suite trouvé nos marques et avons eu beaucoup de succès pendant nos tournées européennes. Ce qui nous a motivés pour enregistrer en 1999 le cd " Nite Lige Boogie ". Alex a fait un superbe travail en studio sur chaque morceau. Je ne le remercierai jamais assez… D'ailleurs, il joue aussi sur mon dernier album " Drivin' and Jinvin' "
En tout cas, comparativement à l'époque des Dirty Hands, mon style a évolué ; maintenant, il y a beaucoup plus de jump dans ma musique… C'est un mélange de swing et de Chicago Blues des fifties.
LGDG : George " Harmonica " Smith a-t-il exercé une grande influence sur ton jeu ?
EI : Il y a beaucoup d'artistes qui m'ont influencé ! La liste est très longue. S'agissant des pionniers, je peux citer sans hésiter Big Walter Horton, Junior Wells, Sonny Boy et évidemment Littler Walter et George Smith. Ce sont eux qui ont eu les meilleures sonorités, le meilleur son… Je les ai beaucoup étudiés et continue à le faire. Mais il y en a d'autres que j'apprécie énormément, comme Slim Harpo, Jimmy Reed, Billy Boy Arnold et Sonny Terry.
J'aime chaque style de blues, du Chicago blues au Swing, en passant par le country-blues jusqu'au swamp-blues. Il y a aussi Lester Young et Gene Amons qui sont mes saxophonistes favoris. J'ai souvent transcrit leur jeu à l'harmonica. Parmi les grands guitaristes qui m'ont influencé, il y a T-Bone Walker, Pee Wee Crayton, Guitar Slim, Tiny Grimes. Il y a une touche de chacun d'entre eux dans ma musique.
Concernant les bluesmen contemporains, je préfère Duke Robillard, Ronnie Earl, les frères Vaughan, Hollywood Fats, Junior Watson qui participent à la survie du blues aujourd'hui. Bien entendu, Rod Piazza, James Harman, , Kim Wilson, sont d'excellents musiciens eux-aussi, tout comme l'était William Clarke.
LGDG : Le blues a-t-il eu une place importante dans ton éducation musicale, pendant ta prime jeunesse ?
EI : Si je joue du blues, c'est en partie grâce à ce que j'ai écouté étant plus jeune. Pendant longtemps, j'ai beaucoup écouté différents styles de musique, notamment du jazz. J'ai écouté plus tard du blues, avec des disques de Muddy Waters et de Little Walter. C'est à ce moment-là que j'ai vraiment été intéressé par le blues. Cela ne m'a plus quitté. Auparavant, j'étais un fan de jazz, de Charlie Parker, John Coltrane, Gene Amons. L'album " My Love Supreme " de John Coltrane est l'un de ceux qui m'a le plus marqué.
J'ai commencé à jouer le blues à l'harmonica après avoir écouté Little Walter et Jimmy Reed. Leur son m'a terriblement impressionné ! Je me suis alors précipité pour acheter un harmonica et jouer à l'oreille les disques des bluesmen…
LGDG : Quel est le style d'Egidio Ingala ?
EI : J'aime vraiment tous les styles de blues ! Comme je l'ai dit précédemment, je suis attiré par le country-blues, le Chicago blues, le Texas Blues , le Swing, le Jump et par tous les musiciens qui ont développé ces styles. Mais, il y a d'autres musiciens comme Roy Milton, Jimmy Liggins, Big Joe Turner, Wynonie Harris qui ont influencé petit à petit mon jeu et auxquels j'ai pris goût. Ce qu'ils ont fait est géant et je ne les remercierai jamais assez pour ce qu'ils m'ont apporté musicalement.
Tu sais, lorsque j'ai joué avec les Dirty Hands, j'ai dû beaucoup travailler pour atteindre un bon niveau de jeu et dominer mon sujet avec un répertoire original.
Je voudrais dire aussi que ça a été une sacrée surprise pour moi de voir le grand intérêt de la nouvelle génération pour d'autres styles de blues. Tout le monde en Italie connaissait bien sûr Jimmy Vaughan ou Ronnie Earl. Mais il n'en demeure pas moins vrai que le public italien est resté scotché en découvrant un " nouveau " jeu, des styles différents joués par les musiciens italiens.
Aussi, à la fin de 1997, j'ai voulu faire quelque chose de neuf. J'ai travaillé à un nouveau projet relatif au blues d'après-guerre et des fifties. Je me suis imprégné de différentes influences. Ensuite, j'ai construit un style reprenant les sonorités des années 1940-50 lorsque ces musiques étaient proches du Swing et du Rhythm'n Blues, tout en ne voulant pas renoncer au Chicago Blues…
En fait, on pourrait définir mon style comme une sorte de Swing Blues avec une touche de Chicago Blues!
Sérieusement, il est clair que mes goûts musicaux sont très ancrés dans le rétro-swing sound. Cette orientation m'a permis de mieux comprendre la scène blues actuelle. Mon nouvel album " Drivin' and Jivin' " comme " Nite Life Boogie " en sont des exemples : ils sont fortement influencés par le retro-swing que l'on joue aujourd'hui sur la Côte Ouest. L'ambiance et le son de ces deux albums s'inspirent du jump blues popularisé dans les années 1950 par des artistes comme Roy Milton, Jimmy Liggins ou encore T-Bone Walker.
LGDG : Avec quel type d'ampli et de micro joues-tu habituellement ?
EI : J'utilise des amplis à lampes exclusivement. Je joue avec un Fender Bassman " customisé ". Pour moi, c'est vraiment l'ampli qui tue ! Il a un son bien gras, une chouette saturation, bref, c'est du solide. J'ai un peu " bidouillé " l'ampli pour obtenir un son typiquement blues. Pas seulement pour jouer de l'harmonica : avec une guitare, wow ! c'est super ! Concernant le micro, j'utilise habituellement un Astatic avec un potard relié à une résistance variable pour couper les hautes fréquences, et un petit condensateur pour compenser la relation fréquence/volume. Mais bon, si je joue en live, ou en studio je m'adapte au matériel… J'utilise de petits amplis, 15-20 W " with a single speaker ".
LGDG : Tu es chromatique ou diatonique ?
EI : J'aime les deux ! Comme tu le sais, il y a deux façons de jouer, avec des effets et des résultats différents. Pour moi, le plus important, c'est de bien sentir un morceau, ce que je veux transmettre… Le chromatique pourrait sembler plus intéressant, avec un peu plus d'introspection… à mon avis, tu vois ce que je veux dire ? Quand je joue en chromatique, c'est le reflet d'un miroir intérieur, tout est matière à émotions… comme dans le blues ! C'est ce que j'ai appris de George Smith. Le diatonique est plus agressif. Il est, paradoxalement, mieux adapté au blues lent. Au diatonique, on travaille beaucoup les sonorités. Elles veulent toujours dire quelque chose. Ca n'est jamais un simple souffle, un coup de langue ! C'est ce que je dis toujours aux apprentis harmonicistes : "With a diatonic harp and a good tone, you can really say how you are"
Big Walter Horton sonnait comme ça. La première fois que je l'ai écouté, je ne voulais pas croire qu'un simple harmonica pouvait émouvoir de la sorte !
LGDG : Quel a été ton premier harmonica ?
EI : Hum… honnêtement, j'ai commencé par jouer de la guitare, et je dois avouer que j'ai été désolé de délaisser la guitare pour l'harmonica…. Mais l'harmonica hypnotique de Little Walter a opéré sa magie sur moi et je n'ai pas pu (su) y résister ! La première fois que j'ai joué de l'harmonica, j'avais 18 ans, après avoir entendu Muddy Waters et Little Walter.
Au départ, jouer de l'harmonica était pour moi le moyen le plus simple de me familiariser avec le blues. J'ai été fasciné par les possibilités immenses de l'harmonica en réalisant l'énorme potentiel de cet instrument. En réalité, c'est vers l'âge de 20 ans seulement que j'ai enfin compris tout le bénéfice que je pouvais en tirer. C'est ce qui m'a stimulé pour continuer à travailler. C'est très important pour moi, en particulier, quand tu cherches à développer ton sens créatif.
En ce qui concerne le chant, je l'ai pratiqué en même temps que l'harmonica. Pour moi, il a toujours été évident de chanter et de jouer. J'estime que je dois être capable de faire les deux.
En fait, je pense qu'il y a quelque chose en toi qui te pousse à jouer de tel ou tel instrument. Je ne sais pas comment t'expliquer… Par exemple BB King est fait pour jouer de la guitare et George Smith de l'harmonica. Je ne suis pas persuadé du contraire…
LGDG : En 1999, tu as enregistré avec le label allemand Stumble " Nite Life Boogie ". Etait-ce un choix ou une nécessité ?
EI : D'abord, je pense qu'il ne faut pas se mettre de barrière psychologique pour réussir sa carrière musicale. C'est la raison pour laquelle, j'ai essayé de m'imprégner des us et coutumes du microcosme musical en Europe, des différentes manières de voir les choses, tant avec la presse et les organisateurs qu'avec les musiciens. J'ai gardé d'excellentes relations avec la Belgique, l'Allemagne, la Suisse, la Hollande, l'Autriche et … la France, dans tous les pays ou j'ai joué, même dans les pays scandinaves où nous avons joué récemment. Je suis fortement attiré par les cultures et les mentalités d'ailleurs.
Quant au choix de Stumble à Hambourg, il s'est imposé à moi naturellement comme un label sérieux qui veut promouvoir le blues, en donnant sa chance de manière égale aux musiciens américains et européens. Je voudrais d'ailleurs remercier tout particulièrement Thomas Ritter de Stumble qui a toujours cru en moi. C'est un vrai professionnel. La promotion et la distribution se sont bien déroulées, de même que les contacts avec les télévisions, radios et magazines de blues qui ont beaucoup parlé de l'album.
Alex Schultz (photo Philippe Pretet) |
EI : Alex Schultz est l'un de mes guitaristes favoris de la nouvelle génération, au même titre qu'Hollywood Fats et Junior Watson, même si Alex " sonne " plus sixties que fifties. Il est vraiment éclectique, possède un immense savoir-faire et une culture jazz, outre une connaissance très fine de BB King à Freddy King, de T-Bone Walker à Tiny Grimes. Nous avons la même philosophie du blues. Notre intention réciproque est de vouloir faire quelque chose de " neuf " en mélangeant différentes approches. C'est un sacré stimulant pour un musicien. Indépendamment de sa gentillesse, c'est un grand monsieur. Nous avons un immense respect et une grande estime l'un pour l'autre. C'est ce que j'ai ressenti en enregistrant mes deux derniers albums avec Alex Schultz. Il a été tout simplement génial ! Alex est l'un des guitaristes qui interprète le mieux les styles de blues que j'affectionne. Ceci explique cela.
LGDG : As-tu un projet d'album dans les cartons ?
EI : Yeah ! Mon nouvel album vient juste de sortir ! Il contient 13 nouveaux titres et s'appelle " Drivin' and Jivin' " J'entame une nouvelle collaboration avec Kayman Records. Comme dans " Nite Lige Boogie ", c'est Alex Schultz qui joue de la guitare sur plusieurs morceaux. Nous avons enregistré cet album après une fabuleuse tournée européenne. Nous étions enthousiastes à l'idée de faire cet album, ce qui nous a aidés à faire un travail fantastique en studio. Ce nouvel album inclut des titres de blues classique et une forte proportion de boogie-woogie mâtiné de R&B, et quelques titres personnels. J'espère que les lecteurs de la Gazette de Greenwood l'aimeront !
LGDG : Pour toi, ce sont les textes ou la musique qui ont le plus d'importance dans le blues ?
EI : Je crois beaucoup aux dispositions du moment, à l'inspiration, selon le précepte Carpe diem : mets à profit l'instant présent ! Personne ne doit oublier ces moments-là ! Jamais ! Non seulement dans la musique mais également dans la vie de tous les jours. Je pense vraiment que nous devons savoir saisir ces instants-là. Pour l'écriture, c'est la même chose : quand j'ai l'inspiration, je dois travailler du mieux possible mes textes, les paroles, tout comme ma musique. Le plus important est de sentir qu'il se passe quelque chose en soi. C'est ainsi que je choisis les couvertures de mes pochettes d'album, étant précisé qu'il n'est pas toujours évident de créer véritablement du neuf.
LGDG : Qu'aurais-tu fait si tu n'avais pas joué du blues ?
EI : Certainement que la musique m'aurait titillé un jour ou l'autre ! J'aurais essayé de faire mon possible pour assouvir mes hobbies comme la lecture, le cinéma, la nature…
Depuis deux ans, je suis les cours d'une école de musicothérapie. Je dois terminer les cours l'année prochaine. C'est vraiment très intéressant et excitant pour moi de poursuivre cette formation, même si elle me prend beaucoup de temps. J'ai dû étudier, suivre des séminaires, subir des examens, tu vois ce que je veux dire ! Mais je suis très content de l'avoir fait !
J'ai toujours aimé voyager, aller à l'étranger, et suis toujours attiré par les habitudes vestimentaires, les mentalités, les autres langues et les autres cultures. J'aime aussi passer du temps avec mes amis, et aussi souvent que possible voir et écouter d'autres musiciens jouer.
LGDG : Comment vois-tu le blues évoluer actuellement ?
EI : Personnellement, je pense que le blues est foncièrement optimiste et non pas pessimiste. Je ne suis pas capable d'associer le blues uniquement à une vision sombre et triste, dramatique ou quelque chose comme ça. Le blues doit être l'expression d'une joie, il doit développer un sentiment de bien-être. Je sais qu'à l'origine, le blues exprimait les affres d'une situation sociale difficile, malchanceuse. Or, les choses ont changé. Le blues devrait pouvoir intégrer les bons côtés de la vie. Si je veux être honnête avec moi-même, je dirais que je ne sais pas si le blues est vraiment un aboutissement. Ma vie est pleine de bons moments. Le blues arrive en tête. Chacun vit le blues de manière différente, à sa façon, au jour le jour. C'est probablement mieux ainsi pour tout le monde.
Cela dit, je crois pouvoir affirmer que le blues se vivra toujours de l'intérieur, quelle que soit la forme musicale qu'il revêtira. C'est pourquoi je suis optimiste pour son avenir.
La chose la plus importante, c'est de toujours développer son sens créatif. Je sais bien que ce n'est pas toujours aussi facile que cela de réussir et qu'il y a souvent le risque de stagner. Néanmoins, nous devons être capables d'innover, de garder à l'esprit les racines du blues. De cette façon, le blues pourra survivre pendant encore longtemps, du moins je l'espère !
LGDG : Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui veut se lancer dans le blues aujourd'hui ?
EI : Quelle sorte de conseil ? Hum… écouter beaucoup de (vieux) disques de blues et les jouer encore et encore ! Mais je pense que peu de gens ont envie de se lancer dans le blues. Le blues c'est un truc qui vit en toi, quelque chose d'innée. Vouloir en vivre ne vient qu'après, quand tu te sens prêt à en parler, à le transmettre. Pour moi, le blues sert à transmettre… et l'harmonica est un moyen d'y parvenir.
A vrai dire, le conseil le plus important est de rester soi-même …de se forger son propre style et ses convictions.
© Tous droits réservés, La Gazette de Greenwood, 2002 - Propos recueillis et transcrits par Philippe PRETET.
date: 1er novembre 2002
Egidio " Juke " INGALA
Drivin' and Jivin'
de: Philippe Pretet <philpretet@aol.com>
Fin 1998, pour enregistrer son précédent album, Nite Life Boogie (Stumble PDB 61999 001-2), l'harmoniciste et vocaliste italien Egidio "Juke" Ingala avait opportunément fait appel aux services de l'une des meilleures pointures de la West Coast : Alex Schultz. Faut-il rappeler que ce guitariste extrêmement créatif a réussi la gageure d'intégrer dans son jeu étincelant, la musique de T-Bone, celle de Charlie Christian en passant par BB King et Tiny Grimes? Or, on ne change pas une équipe qui gagne! Drivin' and Jivin', produit par Kayman Records confirme donc l'ancrage d'Egidio Ingala dans le retro-swing que l'on joue sur la Côte Ouest des Etats-Unis, quand bien même ce dernier définit son style comme une sorte de swing-blues avec une touche de Chicago Blues. Il n'en reste pas mois vrai que ce nouvel opus est bel et bien imprégné du "jump blues" popularisé pendant les fifties par les Roy Milton, Jimmy Liggins, et le mythique T-Bone Walker. C'est tout l'intérêt d'une livraison qui atteste la virtuosité d'un "souffleur de blues", tant au diatonique qu'au chromatique, à la fois innovant et toujours soucieux d'enrichir sa musique des sonorités des années 40-50. Aussi, le choix des 13 titres - qui comportent 4 morceaux d'Egidio Ingala - ne doit rien au hasard. Stand By Me d'E. Jones ouvre le bal dans une ambiance swing du plus bel effet, qui s'appuie sur le toucher fin et soyeux du guitariste Alex Schultz et sur la lumineuse contrebasse de Walter Tosin. Le phrasé très "smithien" d'Egidio Ingala est au rendez-vous dans ses propres compositions, sur You Are The Girl ou sur Sittin'Here Waitin'. Au chant, nouvelle bonne surprise avec la voix suave et équilibrée du magicien Egidio, en totale symbiose avec son French Harp… Le band mérite lui aussi quelques satisfecit : Alberto Colombo se révèle être plus qu'un simple guitariste sideman lorsqu'il délivre un jeu inspiré, fin et précis dans le monstrueux I Feel Something New ou dans le swingant Flying High. Jürgen Magiera, le pianiste, fait montre d'un doigté délicat et subtil dans Full Circle, superbe composition originale d'Alex Schultz qui magnifie les instrumentaux dans un style West Coast pur jus.
Autre clin d'œil à un célèbre harmoniciste trop tôt disparu, avec l' interprétation trépidante de A Good Girl Is hard To Find, de William Clarke et celle non moins truculente de Oh Baby, de Walter Jacob. L'album s'achève sur un hommage poignant avec une version renversante au chromatique de l'instrumental favori de son mentor, Georges "Harmonica" Smith : I Left My Heart In San Francisco. Plus qu'un symbole, cet album est un véritable bain de jouvence dans lequel s'abandonneront avec plaisir les amateurs de retro-swing sound, de jump blues et de R§B des fifties. Carpe diem !
ref CD : Egidio " Juke " INGALA, Drivin' and Jivin' Kayman Records KR BW 676802 -02 (51:56)
le site : www.egidioingala.com
date: 29 octobre 2002
de: Sylvain Bréjeon <sylvain.brejeon@worldonline.fr>
photos de: Samuel Bréjeon <samuel.brejeon@wanadoo.fr>
Alors voilà : fin août et début septembre dernier, mon frangin Samuel et moi sommes partis faire un bon petit voyage outre-Atlantique et naturellement, on en a profité pour écumer la scène blues du coin. Pour ça, on a cherché avant de partir quelques bons plans, sur le net principalement. Résultat : quelques bonnes adresses. Tout ceci est relaté dans ce petit reportage.
Pour notre première soirée à New-York, nous décidons de nous rendre au « Terra Blues » bar. Alors que nous passons devant l’entrée, un videur nous demande si nous voulons écouter du blues. Bien sûr qu’on veut, on est venu pour ça. On monte l’escalier. Là, on nous demande 4$ chacun pour profiter du spectacle. La première partie se termine avec un groupe qui joue un blues un peu « space ». J'avais l'impression que le leader était parti dans son monde et tripait tout seul sur ses solos. Je m'explique : les schémas habituels du blues n'étaient pas présents et pourtant, je n'aurais pas su classer ailleurs ce genre de musique. Rapidement, on découvre Bobby Radcliff qui va entamer son premier set. On commence très fort, un son qui m’emballe, vous ne pouvez pas imaginer ! Ce guitariste est vraiment bon et il nous fait des reprises tellement belles, entendez par là que ça sonne terriblement blues, presque du Chicago blues ! Rien à voir avec le blues urbain New- Yorkais de Popa Chubby par exemple, que j’apprécie aussi. Au pays du billet vert, chacun a sa petite liasse de 1$ pour les pourboires et pour remercier l’artiste. Une serveuse fait le tour des tables pour amasser dans un bocal les donations d’un public qui y trouve son compte ce soir. On est mercredi, pas tellement de monde dans la salle à la lumière tamisée, mais pas besoin d’être nombreux pour que les Américains mettent l’ambiance. A la pause, Bobby vend son dernier album aux consommateurs. Il est ravi que des Français soient présents ce soir et nous donne rendez-vous pour un autre concert auquel nous ne pourrons être présents. J’achète son « Live at the Rynborn » : très bien. Le deuxième set est différent, trop funky et, la fatigue aidant, nous décidons de partir après bien 4 ou 5 heures passées dans cet endroit chaleureux.
Autre soirée, autre lieu, autre ambiance : l’ « Arthur ‘s Tavern ». Habituellement, c’est du Jazz qui passe dans ce bar. D’ailleurs, nous arrivons assez en avance et une formation jazzy joue. Mais nous ne sommes pas emballés et attendons la suite. Big Apple est plus connue pour être la ville du jazz que celle du blues. Mais le jeudi soir, la seconde partie est consacrée au blues. N’ayant pas pris de notes, je suis incapable de vous dire comment s’appelait ce groupe. Un blues un peu borderline qui tourne vite au gros rock « sweet home Alabama », etc… Ca n’empêche pas que ce soit bien, mais c’est pas du vrai blues. Le chanteur raconte plein de trucs qui m’échappent un peu, avec plein de gros mots et les spectateurs sont ravis. Et puis, un saxophoniste arrive au milieu du premier set et se la pète grave : il est sensé être sorti de taule le matin même, comme dans les films ou les romans, quoi.
Autre rendez-vous bluesy, la « blues cruise ». Nous avons réservé dans la journée notre place pour le soir même. La « blues cruise », c’est un concept original – existant à Paris aussi je crois - : la scène est sur un bateau en mouvement sur l’Hudson River et le concert se déroule avec la Statue de la Liberté et les gratte-ciel illuminés du Downtown en toile de fond. En fait, il y a deux horaires différents. Donc, le groupe joue deux fois d’affilée le même programme de 2 heures environ. Le nôtre est à 21h30, le plus tard. Ce soir, c’est (en anglais dans le texte) « an all-star tribute to Howlin Wolf » en compagnie d’Hubert Sumlin (qui n’est plus à présenter), David Johansen (chant et harmonica), Levon Helm (batteur du Band ! ), Jimmy Vivino (guitare) et Michael Merrit (basse). Le bateau est plein, les gens se pressent pour voir la légende. Nous sommes juste en face du groupe. Quel régal ! Bien évidemment, ce sont tous les « tubes » du Wolf que nous entendons. Et bien ça le fait ! Tout le monde s’amuse ! Hubert Sumlin, assis la plupart du temps, se lève pour un petit jeu de jambes et le public est enflammé. Un très bon moment qui passe vite. Nous n’aurons pas l’autographe d’Hubert Sumlin. Dommage, trop de monde veut l’approcher. La « blues cruise », c’est de juin à fin septembre. Pour vous donner une idée, nous avons raté James Cotton qui passait la semaine précédente, je suis vert ! Se sont également produits P.Chubby, Buckwheat Zydeco, Lil’ Ed & The Blues Imperials, Shemekia Copeland, Roomful Of Blues, Clarence Gatemouth Brown, etc… Ah oui, c’est 40$, glups !
Dernière
festivité, l’ «Hudson
river park festival » et sa journée consacrée au blues sous le titre «
Blues, barbeque and fireworks ». Ce festival gratuit a lieu le dimanche sur une
place bétonnée qui fait face à l’état du New Jersey , à côté d’un bâtiment de
guerre de la Navy et sous un soleil de plomb. Nous nous installons devant la
scène, au premier rang et à l’ombre. Il est plus de 14 heures et Eric Bibb
joue déjà alors que les gens qui ne fondent pas sous le soleil finissent de
manger les barbecues et diverses spécialités à des tables de jardin installées
à l’arrière. C’est la deuxième fois que je le vois. Pour changer, il est
uniquement accompagné d’un bassiste. Son répertoire s’est étoffé. J’aime bien,
mais le temps passe vite. Le problème d’une telle organisation, étant donné le
nombre d’artistes prévus, c’est qu’il n’y a qu’une heure par prestation. C’est
au tour de Corey Harris de se présenter. Dans la continuité d’Eric Bibb,
ce blues acoustique est très personnel et teinté d’expériences africaines mais
joué seul, cette fois-ci. J’ai du mal à accrocher. Viennent ensuite les
Donc voilà succinctement décrit ce que nous avons vu et entendu à Manhattan. All aboard ! Direction Montréal, maintenant.
Le bar (THE bar) où il faut aller, nous passons devant par hasard et le voyons parce que nous entendons la musique, c’est le « Bistro à Jojo ». Ce sont les Smokin’ Groove qui ont attiré notre attention. Ils proposent du blues rock chanté en anglais. Pourtant, nous sommes dans le centre francophone de la ville. L’ambiance est bien, guitares aux murs et au plafond… La programmation de l’été est bien remplie entre Zim Zeller, Bob Harrison et Carl Tremblay qui sont les plus connus ici. Nous devions voir le second dans un autre bar de la ville mais quand nous nous sommes présentés, on nous a dit que le canard s’était planté d’une semaine dans l’annonce. Le premier est venu bœufer avec les Smokin’ Groove et on a pu apprécier son jeu à l’harmonica. On a vu des affiches pour le Festival de blues de Montréal. Eh oui, ils ont un festival de jazz et un festival de blues !
Pour terminer en beauté, nous sommes allés voir la révélation du Festival de Cognac 2002, j’ai nommé Dawn Tyler Watson. On l’a vue dans un club tout récent, Chicos, j’ai même cru qu’avec mon T-shirt un peu crade, mes baskets et mon sac, j’allais être refusé. Le short ne serait pas passé. C’est au « Focaccia ». Mais comme il n’y avait pas encore beaucoup de monde ! Nouvelle formation, enfin disons sa formation habituelle qui n’était pas du voyage en France, pour l’accompagner dans un répertoire similaire. Nous sommes encore sous le charme. On s’est présenté, on a échangé quelques mots et on a eu droit à une poignée de mains très chaleureuse. Elle était ravie de nous voir et nous a confié qu’elle se produirait à nouveau en France avec les Mudzillas. Un scoop révélé sur la mailing-list de la Gazette ! On était quasiment les derniers clients à la fin du show. Une fin vite fait envoyée d’ailleurs. On leur en veut pas, le guitariste nous a remerciés pour être restés jusqu’au bout.
Fin du périple.
Le site de Sam : www.bluesandbleus.fr.fm pour plus de photos
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